En France, pour récompenser les artistes de la scène musicale nationale, on a les Victoires de la musique, qui auront lieu le 13 février prochain. Aux États-Unis, pays de Disney, du Super Bowl et de la démesure, le principe grimpe à un autre niveau : la cérémonie des Grammy Awards, qui a eu lieu le 8 février 2015, décerne des récompenses dans pas moins de 83 catégories, entre les albums, les artistes et les performances.
Cette année, sur scène, il y a eu le retour un peu plan-plan d’AC/DC, le trio hyper attendu entre Kanye West, Rihanna et l’ex-Beatles Paul McCartney, ou encore la performance ultra posée et sans feux d’artifices de Katy Perry sur By The Grace of God. Mais aussi quelques interprétations habitées, engagées ou juste bien vues, donc voici une petite sélection.
Les générations carrément pas désenchantées
L’édition 2015 des Grammy a visiblement été placée sous le signe du duo inter-générationnel. Volonté de rapprocher les papys et mamies de la musique avec leurs petits-enfants spirituels ou idée brillante pour remettre au goût du jour des artistes dont la carrière est en perte de vitesse ? Peu importe, le concept a donné lieu à de jolies trouvailles !
Par exemple, le musicien irlandais qui monte qui monte Hozier a chanté son titre Take Me to Church en duo avec Annie Lennox, l’ancienne chanteuse d’Eurythmics, alias le groupe qui faisait des Sweets Dreams bien avant Marilyn Manson. Les deux artistes ont interprété ensuite I Put A Spell On You, le standard jazz de Screamin’ Jay Hawkins que tu as probablement entendu dans la bande-originale de Saint Laurent et qu’Annie Lennox a repris sur son dernier album.
Et autant te dire que ça pèse.
https://youtu.be/HZEChv1AaOk
Tony Bennett, crooner de jazz dont la carrière a connu son apogée dans cette époque lointaine que sont les années 1950-1960, est lui aussi un habitué des duos avec des artistes qui ont les charts en poupe. En 2011, il avait déjà enregistré un album auquel avaient participé Amy Winehouse et Lady Gaga. En 2014, il a repris le micro pour un album de jazz complet avec la chanteuse qui fait des faces de poker au téléphone, baptisé Cheek to Cheek.
Les deux artistes ont tourné ensemble une pub H&M, mais ont surtout interprété le titre éponyme de l’album pour les Grammy. Ce qui permet deux choses : s’offrir, en 2015, une petite incursion par les oreilles dans un dancing jazz, et se rappeler que Lady Gaga a une chouette voix, même sans effets électroniques !
https://youtu.be/k-38idLPYDw
L’autre réussite est venue d’Usher, qui n’est plus seulement l’homme qui chantait « Yeah, Yeah, Yeah ! Yeah, Yeah ! Yeaah ! » dans les années 2000. Le chanteur de r’n’b a rendu hommage à rien de moins que Stevie Wonder, et a interprété If it’s magic du maître, version lover des Aristochats, accompagné d’une harpe.
Pour parfaire l’émotion, Stevie Wonder en personne est venu poser sa touche à l’harmonica à la fin de la chanson, ce qui, en plus d’être furieusement classe, a aussi sauvé la performance de la niaiserie, du moins à mes yeux.
Les instants lyriques engagés
Il y a quelques jours, Sam Smith a sorti le clip de sa chanson Lay Me Down, qui fait référence au refus par l’Église catholique d’accepter le mariage entre deux personnes de même sexe. Aux Grammy Awards, le chanteur a pris sa revanche, façon musicale.
D’abord parce qu‘il a raflé une bonne partie des récompenses dans les plus grosses catégories. Ensuite parce qu’il chanté son premier titre Stay With Me, en duo avec la star du r’n’b Mary J.Blige, le tout dans une ambiance intime, à la lueur des chandelles (électriques). Sam Smith est tellement pas rancunier qu’il a carrément remercié le gars qui lui a brisé le coeur l’année dernière, puisque l’expression de sa souffrance en musique lui a valu quatre Grammy Awards !
Il ne faudrait tout de même pas croire que, parce qu’on parle de musique pop, la cérémonie a flotté hors de la réalité avec la légèreté d’un kilo de plume. Juste avant la soirée des Grammy Awards, certains journaux comme le Los Angeles Times avaient critiqué la liste des nominé•es : pour eux, elle ne comportait pas assez d’artistes noir•e•s, dont certaines sont pourtant des méga-stars de la pop aux Etats-Unis. Plusieurs prestations ont donc dénoncé les violences faites aux personnes afro-américaine. Beyoncé a laissé tomber le déhanché et le twerk en chambre pour se lancer dans un gospel avec Take My Hand, Precious Lord.
Ses choristes ont reproduit le signe « Hands Up, Don’t Shoot » (« Mains en l’air, ne tirez pas »), le geste adopté par les manifestants aux États-Unis en soutien à Michael Brown, le jeune homme noir décédé sous les tirs d’un policier à Ferguson pendant l’été 2014.
À lire aussi : Que se passe-t-il à Ferguson, aux États-Unis ?
Sur le même thème, le rappeur et acteur Common et le chanteur John Legend ont livré une prestation sur scène de leur chanson Glory, qui apparaît dans la bande originale du film Selma, qui sort le 11 mars 2015. L’impact est évidemment très fort puisque ce film retrace l’ascension en politique de Martin Luther King et son implication dans les mouvements pour les droits civiques, et que le texte de la chanson évoque également Rosa Parks.
Je te mets au défi de rester impassible, et je suis quasi certaine de gagner.
https://youtu.be/PGH6Fy5_guk
Les poids lourds qui ont mis la dose
De son côté, Pharrell Williams a donné plus dans le spectaculaire, puisqu’il a ressorti la grosse machine de Happy, habillé en groom façon Spirou et entouré d’une armée de danseurs. Sauf qu’il s’agissait d’une version un peu particulière, qui a bénéficié des doigts habiles du pianiste Lang Lang et de ceux du compositeur Hans Zimmer, l’homme derrière la bande originale de Pearl Harbor, The Dark Night ou Pirates des Caraïbes !
Le rappeur a lui aussi rendu hommage aux événements de Ferguson, toujours avec la gestuelle « Hands Up, Don’t Shoot » reproduite par ses danseurs.
https://youtu.be/F7xB4l8_frc
Dans la catégorie « plein la vue », Madonna a interprété Living for Love. Elle a visiblement fait un copié-collé à quelques détails près du clip de la chanson, réalisé par deux Français qui ont aussi bossé pour Christine and The Queens. Madonna a donc remis les fers de toréador dans l’ambiance corrida, accompagnée d’une troupe de danseurs affublés de cornes de belle taille.
L’effet de foule sur scène est assez impressionnant, et en rouge et noir, Madonna oublie sa peur, si tant est qu’elle en ait une, aussi facilement que Jeanne Mas. Le résultat n’est pas ce qui se fait de plus novateur, mais il est probable que tout le monde en cause. J’en fais donc autant, en réservant ma mention spéciale aux danseurs déguisés en diable, parce qu’il n’est pas facile tous les jours de porter les cornes.
La vue et revue qui gère de la perruque quand même
Sia est tellement douée en recyclage de concept qu’elle mérite presque un label éco-citoyen de la musique. Après avoir chanté Chandelier sous toutes les coutures en 2014, notamment avec un mime et masquée, elle en a présenté une version encore visuellement différente pour la cérémonie 2015.
Comme dans le clip, la scène se passe dans un appart’ à moitié délabré et Maddie Ziegler assure la chorégraphie. Sauf que Sia a encore brouillé les pistes : la danseuse de 12 ans est accompagnée de la comédienne Kristen Wiig (vue dans Bliss, La vie rêvée de Walter Mitty), qui est habillée et coiffée de la même perruque blonde qu’elle mais a la morphologie et la taille de la chanteuse. Le tout présenté par Shia LaBeouf qui faisait lui partie du clip d’Elastic Heart.
Comme disait ma grand-mère, c’est dans les vieux cartons qu’on fait les meilleurs top 50 : le résultat est suffisamment troublant et cool pour rester les mirettes collées à l’écran pendant les 3’57 minutes que dure la performance.
https://youtu.be/7rFkpcyZ598
Une partie du palmarès
- Enregistrement de l’année : Stay with me de Sam Smith
- Meilleure chanson de l’année : Stay with me de Sam Smith (non, ce n’est pas une faute de frappe)
- Meilleur nouvel artiste : Sam Smith (surprise)
- Meilleur album pop : In The Lonely Hour de Sam Smith (toujours pas un running-gag)
- Album de l’année : Morning Phase de Beck
- Album rock de l’année : Morning Phase de Beck (oui, encore)
- Meilleure chanson rock : Ain’t it Fun de Paramore
- Meilleure performance rock : Lazaretto de Jack White
- Meilleur album de pop traditionnel : Cheek To Cheek de Tony Bennett & Lady Gaga
- Meilleure performance solo pop : Happy (live) de Pharell Williams
- Meilleure vidéo musicale : Happy de Pharrell Williams (oh ben tiens, hé)
- Meilleure performance pop en groupe ou en duo : Say Something de Christina Aguilera et A Great Big World
- Meilleur album de musique électronique de l’année : Syro d’Aphex Twin
- Meilleur enregistrement dance : Rather Be de Clean Bandit Featuring Jess Glynne
- Meilleure performance métal : The Last In Line de Tenacious D
- Meilleur album de musique alternative : St. Vincent de St. Vincent
- Meilleure performance R&B : Drunk in love de Beyoncé ft Jay Z
- Meilleure chanson R&B : Drunk in Love de Beyoncé ft Jay Z (cette blague a déjà trop duré)
- Meilleur performance R&B : Jesus Children de Robert Glasper Experiment Featuring Lalah Hathaway & Malcolm-Jamal Warner
- Meilleur album R&B : Love, Marriage & Divorce de Toni Braxton & Babyface
- Meilleure performance rap : I de Kendrick Lamar
- Meilleure collaboration rap/chanson : The Monster d’Eminem ft Rihanna
- Meilleur album de rap : The Marshall Mathers LP2 d’Eminem
- Meilleur album reggae : Fly Rasta de Ziggy Marley
- Meilleur album de musique du monde : Eve d’Angelique Kidjo
- Meilleur album de comédie : Mandatory Fun de « Weird Al » Yankovic
- Meilleure bande-originale compilée pour un film : Frozen (La Reine des Neiges)
- Meilleure chanson écrite pour un film : Let It Go d’Idina Menzel (ce comique de répétition est décidément répétitif)
- Meilleur bande-originale composée pour un film : The Grand Budapest Hotel (Alexandre Desplat)
- Meilleur album surrond : Beyoncé de Beyoncé
Pour le gospel, la country etc., la suite de la liste des artistes récompensés est par là !
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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