L’écriture est-elle sur le point de disparaître de Facebook ? C’est en tout cas ce que prédit Nicola Mendelsohn, en charge des opérations du réseau social au niveau de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique.
Lors d’une conférence donnée mardi dernier et relayée par le site Quartz, elle annonce que d’ici cinq ans, le géant d’Internet aura beaucoup évolué…
« Facebook sera définitivement mobile et probablement entièrement vidéo. Chaque année, nous voyons une diminution du texte… si je devais parier sur quelque chose, je dirais : la vidéo, la vidéo, la vidéo. »
Les vidéos se font de plus en plus présentes sur le célèbre réseau social. Le magazine Frenchweb rappelle qu’en novembre dernier, Mark Zuckerberg avait annoncé que près de 8 milliards de vidéos étaient visionnées chaque jour sur Facebook, contre « seulement » 4 milliards six mois auparavant.
Moi, quand j’ai vu ça, ça m’a foutu les jetons. J’ai eu peur, et puis j’ai réfléchi aux véritables conséquences qu’impliquerait un Facebook sans texte.
Facebook n’est pas Internet… mais y occupe une place centrale
Près d’un•e Français•e sur deux se connecterait sur Facebook tous les mois.
Non, effectivement, il y a autre chose que Facebook sur Internet… mais près d’un individu sur cinq utilise ce réseau social sur Terre. En France, 30 millions de personnes s’y connecteraient tous les mois, soit près d’une personne sur deux.
C’est un chiffre énorme, et changer les mœurs de la moitié d’une population influencera forcément les habitudes globales de la seconde moitié.
Pour beaucoup, Facebook est devenu plus qu’un simple site Internet : c’est un carnet d’adresses mais aussi un moyen d’avoir des nouvelles de ses proches et de suivre l’actualité dans le monde. On peut y communiquer avec les autres, partager nos coups de cœur ou de gueule… alors non, on ne va pas forcément sur Internet pour traîner sur Facebook, mais le réseau se révèle être l’un des points nodaux du Web.
Facebook s’adapte à chaque utilisateur•trice et devient donc de plus en plus influent.
La force de cette plateforme, c’est aussi qu’elle s’adapte à chaque utilisateur•trice et devient donc de plus en plus influente. Un impact qui touche plusieurs générations : sur Facebook, il y a des jeunes, des moins jeunes, des parents et des enfants… ne pas y aller est presque devenu un acte de résistance.
En clair, faire évoluer Facebook n’a rien d’anodin.
Ne laisser que des vidéos sur Facebook, ça m’a d’abord fait (très) peur
Alors, qu’on s’entende bien, connaissant le succès de Facebook, j’ai un peu joué la chie-culotte quand j’ai entendu parler de cette idée de faire passer la plateforme au tout-vidéo.
J’ai d’abord pensé à un gros coup porté à l’écriture qui, au passage, est le pilier de mon emploi actuel de rédactrice. Et puis, j’ai songé à toutes les valeurs qui vont avec : les jeux de mots, la subtilité…
J’ai eu peur d’une baisse du niveau intellectuel, j’avais peur que cela lèse une partie de la population. Mais c’est peut-être bien d’encourager un autre mode d’expression ?
Tout cela était également lié à ma peur du futur et au syndrome du « c’était mieux avant », à la crainte d’une baisse du niveau intellectuel de toutes parts
. Il y a des gens bons pour s’exprimer à l’écrit, d’autres à l’oral, et j’avais peur que cela lèse une partie de la population… sauf que jusque-là, c’étaient les personnes mauvaises à l’expression écrite qui étaient désavantagées. C’est peut-être un bien d’encourager les gens qui préfèrent s’exprimer autrement à le faire ?
J’ai surtout eu peur de Facebook et de la protection de nos vies privées. Passer au 100% vidéo serait à mes yeux une étape de plus : on y voit plus d’infos, elles peuvent être plus compromettantes.
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On sait que l’algorithme propose de plus en plus de vidéos dans nos timelines. On sait aussi qu’en moyenne, le public regarde plus les vidéos que les textes. On pourrait alors se demander : est-ce que le réseau s’adapte à nous, ou bien est-ce nous qui nous adaptons à lui ?
100% de vidéos sur Facebook n’est pas forcément une mauvaise idée… mais plutôt une évolution
Cinq ans sur le web, c’est une éternité dans le domaine des nouvelles technologies. Ce que l’on fait aujourd’hui semblera sans doute dépassé d’ici quelques mois à peine.
L’une des plus-values d’une telle avancée est qu’une vidéo permet de transmettre plus d’informations en moins de temps… à condition de bien savoir les faire. Il m’est d’avis que c’est comme les selfies : après en avoir fait trois en contre-plongée, on comprend bien qu’il faudrait s’y prendre autrement pour se mettre en valeur.
Les faits divers ne sont pas la faute de Facebook mais de la société.
Alors bien entendu, il y a le problème des trolls, du harcèlement, de l’atteinte à la vie privée. Bien entendu, il y aura les débordements, les gros titres des journaux à base de faits divers postés en ligne pour faire le buzz. Mais ce n’est pas forcément la faute des réseaux sociaux, c’est plutôt un problème de société.
Blâmer Facebook, c’est comme blâmer une marque de couteaux qui a été utilisée pour blesser quelqu’un : c’est généralement hors sujet.
Je bosse dans le Web et pour moi, le véritable problème de cette évolution est que si elle devient évidente, c’est à cause du manque d’attention. Autour de moi, dans les statistiques, je le vois : beaucoup de gens n’arrivent plus à lire des textes en entier.
Les vidéos sont alors une solution… une solution ou un moyen de contourner le problème ? Car pour améliorer ses capacités de concentration, encore faudrait-il s’éloigner d’Internet et ça, pas sûr que Facebook en rêve…
Est-ce que Facebook peut changer durablement notre rapport à l’écrit ?
En annonçant une possible avancée, Facebook ne fait qu’évoluer avec son temps et son public. Ne l’oublions pas, le réseau social s’adaptera toujours aux usages de ses utilisateur•trices pour faire en sorte qu’ils passent le plus de temps possible sur la plateforme.
Facebook peut changer notre rapport à l’écrit, mais uniquement si on le laisse faire.
Il m’est d’avis que ce réseau social peut changer notre rapport à l’écrit, mais seulement si on le laisse faire. Car la vraie fourberie, c’est que ça ne se passera certainement pas d’un coup, mais petit à petit, sans que l’on se rende vraiment compte de l’évolution.
Alors si vous voulez lutter contre la suprématie de la vidéo sur la plateforme, je ne peux que vous encourager à lire des textes…. ou a quitter le réseau s’il ne vous convient vraiment plus.
Maintenant, est-ce que ce format est-il si problématique ? Quoiqu’il se passe, l’écriture ne disparaîtra pas de Facebook. Au pire, elle changera juste de forme. Comme le dit Nicola Mendelsohn :
« Il faudra toujours écrire les vidéos ! »
Et puis je sais pas pour vous, mais moi, je n’aurai pas le time de regarder des vidéos improvisées de trente minutes qui partent dans tous les sens.
Et vous, que pensez-vous de ce possible passage de Facebook au 100% vidéo ?
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