Il n’y a rien de plus merveilleux que l’annonce d’une sortie à Disneyland. Tu imagines ton voyage dans l’univers des classiques de ton enfance comme un enchantement précieux, une régression positive durant laquelle tu pourras te bourrer de barbe à papa tout en feignant d’être terrifiée par la méchante sorcière. Tu ne tiens plus en place, tu as cinq ans.
Oui mais voilà, certains d’entre nous ne partagent pas cet engouement. Ils trouvent aux mascottes déambulants entre les allées un air beaucoup trop creepy pour être sympathique… Ceux-là feront sans doute partie de ceux qui mourront en dernier.
Car, comme dans Koh Lanta, Disneyland peut rapidement se transformer en un univers hostile où tout est prêt à te désaxer le cervelet.
Faire du plus célèbre parc d’attraction du monde un endroit de vice et de perversion, c’est la bonne idée de Randy Moore. Escape From Tomorrow, je t’en parlais il y a quelques temps, est un film qui a été entièrement réalisé dans le parc, sans autorisation. Un film d’horreur chez Mickey, ça donne quoi ?
Un long-métrage clandestin
Retourner l’univers tout entier de Disney contre lui-même n’est pas une chose facile, et ce n’est pas du tout autorisé. Dans le parc, tout est mis en place pour vendre du rêve à foison et pour que tout le monde s’amuse, à des kilomètres de ses soucis.
Randy Moore a voulu inverser la tendance en faisant de cet endroit un lieu hostile et malveillant. Il n’a évidement pas obtenu les autorisations pour tourner son film — tu imagines bien l’air enjoué des dirigeants à l’annonce d’un tel projet… Personne ne voudrait plus poser un orteil dans le château de La Belle au Bois Dormant. Ça serait un peu con.
Il a donc décidé de filmer en cachette, au nez et à la barbe de la sécurité. Comme une équipe de tournage complète aurait fait un peu tache dans les nacelles volantes en forme de Dumbo, Moore a délaissé les caméras au profit d’appareils photo. L’équipe s’est séparée en deux groupes ressemblant à des touristes. Les dialogues ont été ré-engegistrés en studio. Pour pallier l’absence de projecteurs, les images ont été montées en noir et blanc.
Bref, tout a été conçu pour que personne ne s’aperçoive de rien, sans que ça ne porte trop atteinte à la qualité de la réalisation.
Dans l’idée, Escape From Tomorrow est déjà un sacré chef-d’oeuvre. Réaliser un tel coup de maître a réussi à le propulser au festival de Sundance et à piquer ma curiosité et mon âme d’éternelle fan de parcs d’attractions… et de films d’horreur !
Un bon décor d’horreur ne peut pas être plus terrifiant, plus glauque, que le dernier endroit où tu pourrais t’imaginer en danger. C’est un peu le syndrome de la bête sous le lit, quoi.
Le noir et blanc donne un aspect profond et encore plus inquiétant au film. Certains plans sont très beaux, très recherchés, dans la contemplation d’un univers merveilleux qui ne va pas tarder à s’ébrécher. Les séquences en direct des attractions risquent de te faire sourire… pour mieux te terrifier.
Si la première partie du film est assez descriptive, elle compense l’ennui qui risque de te bercer un peu par de magnifiques images du parc de Floride (qui se lasse de Disney ?).
Malheureusement, tout se pète assez régulièrement la gueule avec l’alternance de quelques scènes tournées sur fond vert, dont l’incrustation risque de te donner la nausée. C’est vraiment dommage de soigner autant sa photographie pour la démolir trois secondes plus tard…
Je suis optimiste, donc je préfère mettre ce mauvais point sur le compte de la difficulté du tournage. Il faut quand même des tripes en acier pour la lui faire à l’envers, à Mickey !
Ça sent le roussi.
À concept original, scenario original
C’est pas le tout de faire les rebelles avec un concept qui fait le buzz. Escape From Tomorrow partait sur des bases solides, mais ça ne suffisait pas : il lui fallait un scénario digne de ce nom.
L’idée est donc de suivre le dernier jour du séjour à Disneyland d’une famille américaine lambda. L’intrigue débute alors que le père de famille apprend qu’il vient d’être licencié. C’est la première étape d’une séries de péripéties qui va peu à peu plonger les vacances de la famille dans un enfer insupportable.
Le propos est centré sur le père, joué par Roy Abramsohn, un acteur qui ne crève pas l’écran, mais assez banal pour ne pas se faire remarquer pendant le tournage et assez doué pour assumer son rôle de pilier du film.
Peu à peu, il semble de plus en plus tiraillé par l’adultère et la tension sexuelle que lui inspirent deux (un peu trop) jeunes touristes françaises.
Heureusement qu’il y a les cuisses de poulet, pour faire taire la faim…
Ces dernières sont le deuxième point WTF d’Escape From Tomorrow. Jouées par deux actrices aussi parisiennes qu’un habitant d’Okinawa originaire de Grèce, elles déambulent en poom-poom short tout en déclamant les douces paroles de « Voulez-vous planter les choux ».
Ce n’est pas une blague.
On a vu des sirènes plus terrifiantes.
L’homme, hypnotisé par tant d’exotisme, se met en tête de les suivre. L’ambiance devient sordide.
Le film plonge peu à peu dans la folie de ce papa frustré sexuellement, prêt à perdre sa marmaille pour assouvir ses envies. Le parc apparaît alors de plus en plus menaçant, et le spectateur ne cesse de sombrer avec lui.
Malheureusement, le jeu d’acteur est souvent moyen voire mauvais, ce qui est plutôt embêtant pour des rôles si psychologiques. C’est triste à dire, mais les enfants sont, de très loin, les plus convaincants…
Un conte universel ? Une satire ? Un trip sous LSD ?
Le problème avec Escape From Tomorrow c’est qu’il semble vouloir tout faire à la fois. Je ne sais pas si je peux vraiment le qualifier de film d’horreur, car il est plus proche du thriller psychologique que de la répulsion et/ou la surprise. De plus, alors que le scénario et la totale crise de nerfs du père étaient très pertinents, le film part ensuite dans un délire psychotique dont il est impossible de démêler les entrelacs.
Est-ce une fable fantastique censée critiquer cette société vendeuse de rêve ? Est-ce un complot des extra-terrestres ? Est-ce le rapport d’un asile psychiatrique ? J’y réfléchis toujours…
Je suis peut-être trop bête pour ça. Mon cerveau est peut-être enrayé par les jours fériés. J’ai peut-être fait l’objet d’une lobotomisation passagère. Je ne sais pas.
Je n’ai strictement rien pigé à la fin du film.
Quand je dis « rien », c’est vraiment nada, nothing. Pas une once de déduction n’est parvenue à mon esprit lors de ce final beaucoup trop confus pour être analysé.
À force de vouloir mélanger la démence, la science-fiction, l’absurde et le morbide, Randy Moore sert une mélasse où Shutter Island, Anti-Christ, Le Village, Winnie L’Ourson et The Human Centipede II s’écrabouillent l’un contre l’autre et laissent un goût non identifié sur le palais.
Au final, j’ai surtout l’impression d’avoir pris une trop grosse cuite.
Et je crois que je ne suis pas la seule.
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