« Il s’est servi. C’était il y a des années, mais le dégoût ne s’en va pas. »
C’est dans un message posté sur Facebook ce samedi que Gaëlle Lenfant, élue de la ville d’Aix-en-Provence a parlé publiquement de l’agression qu’elle a subi au début des années 2000. Elle ne peut assurer que les faits aient eu lieu en 2004 ou l’année suivante, a-t-elle précisé à Libération, mais elle n’a aucun doute sur le nom de son agresseur : Eric Zemmour.
Gaëlle Lenfant : Éric Zemmour « m’attrape pas le cou », « m’embrasse »
La scène se serait passée à l’Université d’été du Parti Socialiste, qui se tient traditionnellement à La Rochelle. Gaëlle Lenfant y est présente en tant que militante au PS, et assiste à un dîner avec plusieurs membres du parti, dont Jean-Luc Mélenchon, mais aussi un journaliste, alors peu connu, Éric Zemmour.
À cette époque, celui qui s’illustre désormais quasi quotidiennement par ses saillies racistes et islamophobes n’a pas l’omniprésence médiatique dont il bénéficie aujourd’hui : il est alors reporter au Figaro et a publié plusieurs essais. Ce n’est que quelques années plus tard que le grand public le découvrira à travers l’émission On n’est pas couché où ses « talents » de polémiste exploseront au grand jour aux côtés d’Éric Naulleau.
Gaëlle Lenfant raconte qu’au lendemain de ce dîner, le journaliste lui aurait sauté dessus :
« Le lendemain matin, je participe à un atelier animé par Jean-Luc Mélenchon (qui était alors au PS et avait fondé le courant auquel je participais). Je m’assois, et environ une demi-heure plus tard, Zemmour arrive. S’assoit sur la chaise devant moi. Me reconnaît, me dit bonjour et me demande ce qu’il a raté. Je lui résume l’intervention. L’atelier se termine, je me lève, il se lève aussi. M’attrape par le cou. Me dit “cette robe te va très bien tu sais ?”.
Et m’embrasse. De force. Je me suis trouvée tellement sidérée que je n’ai rien pu faire d’autre que le repousser et m’enfuir en courant. Trembler. Pleurer. Me demander ce que j’avais bien pu faire. »
C’est une affiche dans la ville d’Aix-en-Provence qui a fait remonter les souvenirs, explique Gaëlle Lenfant. Une affiche géante accrochée dans les rues de sa ville où figure le polémiste et qui appelle à soutenir sa candidature en 2022. Un collectif d’extrême-droite local, Les Chemises Blanches, en est à l’origine. Elle a depuis été retirée.
« Et maintenant je dois subir sa campagne éhontée dans ma ville ? Dites, rassurez-moi, l’affiche de ce #porc ne va pas rester là ? Pas comme mon dégoût, rassurez-moi… »
Éric Zemmour n’a pas commenté les accusations de Gaëlle Lenfant ; selon France Info, son entourage affirme qu’il n’a « aucun souvenir de cette scène. »
Éric Zemmour, le meilleur allié de la culture du viol
Depuis l’émergence du mouvement MeToo et des paroles dénonçants les violences et le harcèlement sexuel, Éric Zemmour a toujours brillé par sa misogynie crasse.
Pas question de soutenir les victimes, au contraire : toutes les occasions sont bonnes pour détourner l’attention (en rappelant à qui veut l’entendre que les féministes négligent les violences faites aux enfants, par exemple).
Pas étonnant : l’idée même que les femmes puissent se mobiliser pour lutter contre le système patriarcal, pour lutter contre la banalisation de la culture du viol, va à l’encontre de tout ce qu’Éric Zemmour défend depuis des années.
C’est notamment en 2006 qu’est sorti Le Premier sexe, son essai aux relents masculinistes paru chez Denoël où il dénonçait la « féminisation de l’homme » — il y mettait en garde contre la perte de la virilité chez les hommes, s’y inquiétait que l’épilation gagne en popularité chez la gent masculine…
On imagine tout à fait ses cris d’orfraie aujourd’hui, en découvrant que des hommes non seulement peuvent s’épiler, mais aussi que les femmes résistent de plus en plus à la pression sociale qui les poussent à le faire !
Dans son livre, on trouve aussi de petites perles de misogynie comme celle-ci : « Un garçon ça entreprend, ça assaille et ça conquiert. Ça couche sans aimer. » Des paroles qui prennent une résonance particulière après le témoignage de Gaëlle Lenfant.
On ne s’étonnera donc qu’à moitié de le voir défendre une vision de la masculinité agressive et guerrière et l’idée que la violence est inhérente aux rapports sexuels entre hommes et femmes : il insiste notamment sur la nécessité pour l’homme d’être « un prédateur sexuel civilisé. »
Et sans surprise, dix ans plus tard, le hashtag #BalanceTonPorc est aussi pris pour cible par Eric Zemmour :
Toujours prêt à tomber dans l’outrance et la provocation, il n’hésitait pas, au tout début du mouvement à l’automne 2017, à faire un parallèle avec la délation des Juifs sous l’Occupation.
Car Éric Zemmour, c’est aussi l’idée que les femmes sont déraisonnables, trop émotives, hystériques, esclaves de leur passion et que cette émergence ne soit qu’un débordement de bonnes femmes sans cervelles :
Éric Zemmour, candidat en 2022 ?
Cette prise de parole de Gaëlle Lenfant trouve son point de départ dans l’éventualité d’une candidature du polémiste à la présidentielle de 2022, poussée par l’extrême-droite.
Difficile de dire si Éric Zemmour envisage sérieusement de se lancer, et si ces révélations pourraient lui porter préjudice. Car qu’il s’agisse de ses condamnations pour provocation à la haine raciale ou d’une accusation d’agression sexuelle, l’éditorialiste — qui vient par ailleurs de rejoindre Tik Tok — semble toujours aussi indéboulonnable des plateaux de certaines chaînes d’infos en continu… À quoi bon se séparer d’une parole nauséabonde, si elle rapporte gros.
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