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Société

En colère après l’éviction du juge Édouard Durand, 11 membres de la CIIVISE démissionnent

Pour protester contre le remplacement du juge Édouard Durand par l’ex-rugbyman Sébastien Boueilh, onze membres de la CIIVISE ont annoncé démissionner ce jeudi 14 décembre. Ils craignent un « changement de doctrine » de la commission indépendante. 

« On se lève et on se casse. »

Jeudi 14 décembre dans la soirée, onze des vingt membres de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) ont annoncé rendre leur tablier, déçus et en colère après l’éviction de ses deux co-présidents, le juge des enfants Édouard Durand et l’ancienne directrice associative Nathalie Mathieu. 

« Nous déplorons que les deux co-présidents n’aient pas été préalablement informés ni du maintien de la CIIVISE ni de la nomination de Sébastien Boueilh, et donc de l’éviction d’Édouard Durand », écrivent les onze membres démissionnaires dans un communiqué

« Les victimes méritent mieux que le silence auquel elles sont renvoyées »

Lundi 11 décembre, les deux co-présidents avaient appris par voie presse ne pas être reconduits dans leurs fonctions malgré un bilan salué par l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance. Depuis 2021, la commission a recueilli 30 000 témoignages de victimes de violences sexuelles pendant l’enfance et émis 82 préconisations allant dans le sens de sa doctrine cardinale : « Je te crois, je te protège. » 

C’est Sébastien Boueilh, ex-rugbyman et président de l’association Colosse aux pieds d’argile, qui a été désigné par le gouvernement pour reprendre la présidence de la CIIVISE, tandis que l’experte judiciaire, pédiatre et légiste Caroline Rey-Salmon a été nommée vice-présidente.

Pas de quoi rassurer les désormais ex-membres de la CIIVISE, qui craignent un « changement de doctrine ». Sur X (ex-Twitter), les membres démissionnaires n’ont pas caché leur colère et leur déception. 

« J’ai choisi de démissionner de la CIIVISE avant, moi aussi, d’être recalé comme un malpropre, comme si depuis 3 ans, je ne m’étais pas investi comme les autres membres dans cette commission qui représentait tellement d’espoirs. La CIIVISE n’est plus ! », a ainsi écrit Laurent Boyet, Président fondateur de l’association Les Papillons. 

« Nous sommes 10 membres de la CIIVISE à démissionner. Les mensonges, les décisions incompréhensibles et le traitement de nos travaux, membres et co-présidents sont honteux et indignes. Les victimes méritent mieux que le silence auquel elles sont renvoyées. La Honte », s’indigne Angélique Mouly, présidente de la vie sociale de la Maison d’accueil Jean-Bru et membre démissionnaire de la CIIVISE. 

Parmi les autres membres ayant quitté la commission indépendante sur l’inceste, le fondateur d’associations Arnaud Gallais, la psychiatre Muriel Salmona ou encore Eva Thomas, qui fut la première Française à avoir dénoncé à visage découvert le fait d’avoir été victime d’un inceste quand elle était mineure. 

À lire aussi : Édouard Durand : « La CIIVISE répond à un besoin vital, pour les victimes et la société »

Vers une ligne moins « politique » et « féministe » de la CIIVISE

Au-delà de protester contre l’éviction des deux co-présidents de la CIIVISE, les membres démissionnaires, tout comme les associations de protection de l’enfance, craignent un changement de ligne de la commission. 

Selon une enquête de Mediapart, le départ d’Édouard Durand était souhaité par le gouvernement, qui goûtait peu la liberté de ton de l’ancien juge des enfants du tribunal de Bobigny, qui n’hésitait pas à se montrer critique envers les institutions judiciaires et à rappeler que le principe de précaution – mettre en sécurité les enfants dénonçant des violences – ne devait pas être bafoué au nom de la présomption d’innocence. Selon Mediapart, sa ligne était jugé « trop politique, trop militante, trop féministe »

La nomination de Sébastien Boueilh, qui a donné sa première interview à RTL en présence de la secrétaire d’État chargée de l’Enfance Charlotte Caubel, augure un changement de cap. « La CIIVISE doit d’être dans une approche globale, non clivante et non genrée », a ainsi déclaré le nouveau président de la commission, qui occulte néanmoins que dans neuf cas sur dix, l’auteur des violences sexuelles est un homme. 

Une réhabilitation du « syndrome d’aliénation parentale » ? 

Les prises de position de Caroline Rey-Salmon posent aussi question, selon les acteurs de la protection de l’enfance. Membre de la CIIVISE à sa création en 2021, la légiste et pédiatre en avait démissionné en 2022 par opposition à une préconisation portée par la direction de la commission : celle de rendre obligatoires les signalements par les médecins. 

Interrogée par Mediapart, Caroline Rey-Salmon au sujet de la notion d’aliénation parentale, ce pseudo-concept non-validé scientifiquement mais toujours mobilisé dans les cours de justice pour décrédibiliser la parole des enfants victimes de violences, l’experte judiciaire a eu un réponse qui inquiète les ex-membres de la CIIVISE : « Je suis pour qu’on écoute la parole des enfants, mais elle doit être analysée, étudiée. J’ai toujours dans la tête les déflagrations qu’a suscitées l’affaire Outreau et je ne souhaiterais pas qu’on ait d’autres affaires comme celle-là. »

De son côté, Sébastien Boueilh est opposé à l’imprescriptibilité des viols et agressions sexuelles commis sur les mineur·es, qui figure parmi les 82 recommandations du rapport final de la CIIVISE rendu au mois de novembre. 

Le président de Colosse aux pieds d’argile commence donc son mandat sans l’appui de la majorité des membres historiques de la commission, mais avec celui du gouvernement. Pour quels futurs résultats ? Interrogé mercredi 13 décembre sur FranceInfo, le nouveau président de la CIIVISE assure que la commission « va passer dans une phase opérationnelle », notamment par le biais de formations et que son but est désormais de « remettre l’enfant au milieu des débats ». « On ne ne ferme pas la page de la CIIVISE, au contraire, on la renforce avec de nouvelles missions », a-t-il déclaré. 

« La mission était d’écouter des adultes d’aujourd’hui, victimes hier, quand ils étaient mineurs. On parle de victimes avant l’an 2000. » Désormais, « nous souhaitons écouter les victimes mineures d’aujourd’hui, qui ont parlé, pour identifier ce qui a permis de libérer leur parole, les freins qu’ils ont rencontrés, pour affiner la prévention ».

La nouvelle composition de la CIIVISE sera connue courant janvier.


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Les Commentaires

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Avatar de Mary-Sue
18 décembre 2023 à 23h12
Mary-Sue
- si vous avez un enfant dans votre entourage se disant victime d'inceste, êtes vous prête à l'écouter, le croire et le soutenir? Même si l'abuseur est quelqu'un de très important dans votre vie?

Moi, oui. Mais c'est vrai que j'ai connu des personnes (beaucoup trop) qui n'ont pas été cru par leurs parents ou des membres de leur famille. Ca doit être d'une telle atrocité d'être enfant et de ne pas être cru quand on ose en parler...
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