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Société

Deux ans après, lettre ouverte d’une fille lesbienne à sa mère, qui a changé

Deux ans après une lettre adressée à sa mère révélant son mal-être depuis son coming out, Lafastod reprend la plume pour envoyer un message d’espoir à tous ceux et toutes celles qui se trouvent dans la même situation.

Maman,

La première fois que j’ai fait une lettre ouverte qui t’était adressée, elle n’était pas tendre.

Elle était plutôt triste, plutôt dure, plutôt sans compromis. Je ne t’en voulais pas, j’étais simplement amère, et triste. À la suite de cette lettre, j’ai reçu un nombre incalculable de réactions, surtout positives, de personnes qui m’ont fait prendre conscience que mon histoire, pourtant si personnelle, pouvait prendre un tournant universel.

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Alors au bout de deux ans, je reprends la plume pour continuer ce récit.

Le jour où je t’ai donné cette lettre, tu ne sais pas ce qu’il s’est passé. Moi, je m’en souviens comme si c’était hier et je m’en souviendrai longtemps.

Cette angoisse d’abord : est-ce que tu vas la lire, est-ce que c’était assez explicite de la poser sur ton oreiller, est-ce que ça va tout changer ?

Dans une grande lâcheté, à ce moment-là, je suis partie avant ton retour. Je ne voulais pas me lancer dans ce trio pourri : toi, moi et la lettre. D’autant qu’il y avait ce livre que j’avais posé avec, Moi homophobe de Anna Ghione, parce que le titre me semblait être le trollage parfait… et que ce livre, il raconte un peu notre histoire.

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À lire aussi : L’homophobie et le harcèlement scolaire vus par Mr.Q

Alors je me suis cassée, et j’ai erré dans les rue de ma ville pendant des heures. J’étais complètement perdue. Je me souviens avoir fumé une clope sur un banc, décidé que non, je n’allais pas me rendre à la fac, et téléphoné à la Ligne Azur. Ils ne pouvaient pas faire grand-chose, mais j’ai aimé leurs paroles, elles m’ont calmée et même fait rire.

Et puis faute de savoir où me poser, je suis allée au McDo. C’est là que j’ai décidé de rédiger une version « light » des pages manuscrites que j’ai laissées sur ton lit. Une version avec moins de détails, qui était destinée à faire un résumé pour mes potes autant que pour moi, et qui s’est retrouvée sur les pages de l’Internet, parce qu’au fond de moi, je sentais que ça pouvait aussi servir à d’autres. Je l’ai postée et j’ai attendu. Attendu, attendu.

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Et puis tu as donné signe de vie. Cette lettre, c’était quelque chose de tellement important, tellement décisif pour moi… Dans ma tête, il était évident que je prenais un risque énorme, celui du rejet total, que je mettais tout en jeu, y compris mon toit. Mais ton message était transparent :

« Tu rentres quand ? »

Comme si de rien n’était, comme si ce qui avait été faire un tapis pour moi, était juste une petite blinde que tu te permettais de passer. Et effectivement, rien n’avait changé.

Tu n’es pas vraiment revenue dessus, moi je n’en avais pas vraiment la force et papa était encore l’éternel absent, le « ne se prononce pas ». On retombait toujours dans le même non-dit. Ce que je pensais être mon « acte de bravoure » était vide. Je me sentais revenir à la case départ.

Et ça a duré comme ça. Longtemps. Jusqu’à il y a peu.

Il n’y a que deux façons pour les choses de changer : vers le pire, ou vers le meilleur. Six ans après mon coming out, je suis contente de dire que les choses ont enfin changé vers le meilleur pour moi.

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Un soir, alors que j’avais un peu trop de bière dans le sang, je t’ai envoyé un SMS disant « J’ai une copine ». Je dois t’avouer que, quand tu as répondu « Ok », j’ai flippé. Parce qu’un « ok », on ne sait jamais quoi en faire, mais généralement, c’est une marque de froideur qui clôt le débat.

Et puis tu m’as téléphoné le lendemain, et j’ai halluciné, mais dans le bon sens. Tu as voulu savoir qui était ma copine, ce qu’elle faisait, si elle était « assez bien pour moi », et ta voix était dépourvue de tout jugement.

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C’était juste de l’interrogation, que je jugeais légitime.

Et d’un coup tout a changé, sans que je sache vraiment à quoi c’était dû, deux ans après la lettre. Tu as demandé si ma copine allait venir à la maison, et quand tu allais pouvoir la rencontrer. Et ça ne sonnait même pas comme si tu essayais de te racheter, juste comme si le passé avait été omis et que seul le présent comptait.

Et tu sais quoi ? Je suis d’accord.

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J’ai toujours dit que j’étais prête, que j’avais assez avancé pour me permettre de passer l’éponge sur tout ce que tu avais pu dire, j’ai toujours martelé mon favoritisme pour le pardon et mon ouverture au dialogue. Alors oui, maintenant, j’accepte. Ça peut sembler fou, mais le fait d’avoir maintenant ton accord, même indirect, ça me suffit pour dire qu’il est temps de faire table rase du passé.

Et puis il y a papa : lui qui avait toujours été muet, qui retrouve soudain la parole pour me dire « Hey, on dirait toi dans la pub Meetic, parce que vous avez le même prénom, vous êtes bordéliques et je devrais VRAIMENT regarder la pub jusqu’au bout », parce qu’au bout, en fait, la fille est lesbienne. C’est un signe à la con, c’est minime, mais je sais à quel point papa est pudique, et je sais aussi que je peux considérer ça comme un feu vert.

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Alors maman, si on fait le résumé…

Deux ans après ma lettre, six ans après mon coming out, vous avez fini par avancer. C’est peut-être lié au fait que vous avez eu peur de me perdre parce que je suis partie de la maison pour mes études, c’est peut-être lié au fait que vous avez fini par trouver ça con, après tout, de se formaliser là-dessus… Mais en vrai, ce à quoi c’est lié, je m’en fous.

Je vois juste le changement tel qu’il est aujourd’hui : je peux être bien et dans mon couple, et avec mes parents. Et c’est un poids dingue qui s’est enlevé de mes épaules.

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Alors après tout ça, maman, merci. Merci d’avoir compris. Merci d’avoir respecté, et merci d’avoir accepté.

Vous tous, qui m’avez envoyé des messages parce que votre situation était similaire, je sais à quel point c’est simple de dire que tout va bien quand tout s’est arrangé.

Mais je veux simplement dire que ça a duré six ans, et que si vous avez de la patience, alors peut-être, vraiment, peut-être que ça vaut le coût (et je sais ce que ça coûte), que vos parents finiront par comprendre que vous êtes plus précieu•x•ses que leurs idées fermées.

Je tenais aussi à vous remercier, chacun•e d’entre vous pour vos messages, et sachez juste que si aujourd’hui, vous vous sentez encore enfermé•es, vous n’êtes pas tout•e seul•e, loin de là.

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Prenez contact avec des gens, entre vous, avec moi, peu importe, parce que même si vous vivez votre récit personnel de façon isolée, vous ne l’êtes pas, et que c’est forcément une bonne chose de transformer des histoires parallèles en histoires transversales.

J’aurais tellement aimé avoir eu des gens pour me dire « Hey, je vis la même chose », et après la publication, j’ai eu un nombre de mails incroyable pour me le dire. C’est bien trop con que chacun vive ça dans son coin alors que l’entraide, le conseil, ça fait du bien à tout le monde.

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Les Commentaires

14
Avatar de L0utrage
11 octobre 2019 à 16h10
L0utrage
Je pleure pas j'ai 15 489 poussières dans les yeux.
3
Voir les 14 commentaires

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