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"Crédit photo : Oleg Sergeichik / Unsplash"
Parentalité

Depuis quand « être une bonne mère » veut dire « se sacrifier » ?

Tout mettre en œuvre en tant que mère pour que les besoins de son enfant soient satisfaits, c’est plutôt bien, non ? Sauf si cela implique de devoir sacrifier complètement les siens…

Article publié le 29 janvier 2021

En début d’année, un message a retenu mon attention sur Twitter. La militante féministe Illana Weizman partage une image publiée par le compte « Paroledemamans ». Le site, qui se présente comme le « premier réseau social des mamans », y donne sa définition de la maternité.

« Maman = personne qui sacrifie son corps, son intimité, son sommeil, ses repas chauds, sa patience, son énergie et sa santé mentale par amour. »

Ce n’était pas la première fois que je lisais ce genre d’hommage rendu aux mères, si courageuses et si dévouées, souvent fait sur le ton de la blague. Mais là, quand même, en lisant ces quelques mots, j’étais estomaquée : « personne qui sacrifie […] sa santé mentale par amour ! »

Euh, allo, ça ressemble quand même vachement à une relation toxique là, non ? Et puis, est-ce qu’un enfant a vraiment besoin d’une mère qui sacrifie sa santé mentale par amour ?

Sacrifier sa vie sur l’autel de la maternité ? Pas question !

J’étais bien décidée moi-même à ne jamais en arriver là en devenant mère. Ok, mon quotidien allait forcément changer un peu à l’arrivée du bébé, mais j’en étais persuadée : je ne sacrifierai pas ma vie sur l’autel de la maternité.

D’ailleurs, les hôtesses de l’air et les stewards le rappellent bien dans l’avion : en cas de dépressurisation de la cabine, il faut d’abord mettre son propre masque à oxygène, avant de s’occuper de celui de son enfant.

Bon, ça c’était la théorie. Et puis il y a eu la réalité que je me suis prise de plein fouet à la maternité en découvrant ce petit être si dépendant de moi.

En l’espace de quelques heures, je me suis retrouvée seule pour assurer sa survie. Pas parce que son père avait disparu dans la nature, mais parce qu’à cause de la pandémie, il était persona non grata à la maternité et n’a pu rester avec nous qu’en salle de naissance pendant deux heures.

(Je tiens à rassurer les futurs parents qui lisent cet article, la plupart des maternités ont renoncé à ces mesures pendant le deuxième confinement !)

Je me suis donc retrouvée seule dans une chambre, avec ma fille, qui avait un trèèèès fort besoin de contact, et pleurait dès qu’elle n’était pas collée à moi. J’ai dû alors choisir entre mes besoins vitaux : dormir ou manger ? Faire pipi ou me doucher ? (Ok, c’était un piège, on peut faire les deux en même temps). Là, j’y étais : dans le dur du sacrifice.

J’aurais pu la laisser pleurer, me diriez-vous… Oui, bien sûr, en théorie, mais dans la pratique, j’en étais littéralement incapable.

Ses pleurs me plongeaient dans un état de stress intense, et j’avais toujours dans un coin de ma tête tous les articles ultra culpabilisants lus pendant la grossesse qui me laissaient penser que j’allais abîmer à tout jamais le cerveau de ma fille si je la laissais pleurer.

« Ce qui est assez pervers, c’est qu’on s’impose le sacrifice à nous-même »

Neuf mois plus tard, j’ai toujours du mal à ne pas bondir sur mes pieds dès qu’elle manifeste un chouïa d’énervement. Surtout, je culpabilise dès que je fais un truc pour moi, comme si j’enlevais quelque chose à ma fille. Ou plutôt, comme si c’était mon dévouement absolu qui faisait de moi une bonne mère.

Comme je trouve ce mécanisme toxique, j’ai voulu comprendre pourquoi je me comportais comme cela (et vous aussi peut-être ?) avec l’aide d’expertes.

Illana Weizman, dont je vous parlais plus haut, aborde en filigrane cette question là dans son essai récemment paru, Ceci est notre post-partum. Elle y raconte à quel point les premiers mois ou années après un accouchement peuvent être éprouvants et m’a expliqué s’être sacrifiée elle aussi pour son fils, jusqu’à faire une dépression post-partum (qui touche environ 20% des femmes, rappelons-le).

« Ce qui est assez pervers, c’est qu’on s’impose le sacrifice à nous-mêmes. On a un modèle qui nous pousse à adopter cette posture-là, et même si on la questionne en tant que féministe, on a du mal, dans la pratique, à lutter contre.

Aujourd’hui, mon fils a 3 ans et c’est moins complexe que quand il était plus petit où j’étais dans cette démarche de sacrifice. Je ne le laissais jamais pleurer une seconde, je le berçais pendant des heures pour l’endormir. Je n’arrivais même plus à me connecter à mes besoins primaires. »

L’impact des mouvements natalistes sur l’image de la bonne mère

Ce dévouement absolu des mères à leurs jeunes enfants ne vient pas de nulle part. Au XIXe siècle déjà, et jusqu’aux mouvements féministes des années 1970, les intellectuels défendaient une vision de la société séparée en deux sphères, m’explique l’historienne Françoise Thébaud.

« La pensée dominante est que les hommes appartiennent à l’espace public, dans lequel ils travaillent et que les femmes doivent, par nature et devoir, être dans l’espace privé, pour remplir leur rôle d’épouse et de bonne mère ».

Cette division genrée des responsabilités continue d’avoir une influence sur notre représentation des femmes et des mères, même si les militantes féministes mènent depuis plusieurs décennies un combat pour la déconstruire.

À la fin du XIXe siècle, l’émergence des mouvements natalistes va peu à peu renforcer l’image de la bonne mère au foyer, dévouée corps et âmes à ses enfants, comme le raconte Françoise Thébaud, autrice du livre Quand nos grand-mères donnaient la vie : la maternité en France dans l’entre-deux-guerres.

« La France est un pays qui fait, à ce moment-là, plutôt moins d’enfants que ses voisins, et les élites politiques commencent à craindre la dénatalité. À la faveur de la Première guerre mondiale, un consensus nataliste s’installe et des mesures sont prises pour encourager les femmes à faire plus d’enfants. Il y a alors l’idée qu’une bonne mère fait beaucoup de petits citoyens pour la patrie et qu’une femme qui n’en fait pas est égoïste. »

Une politique qui se traduit par une forte criminalisation de l’avortement, mais aussi par des mesures d’incitations financières et des récompenses honorifiques pour les mères de famille.

« Le lait de la mère appartient à son enfant »

La protection sociale et tous les avantages liés à la maternité dont nous bénéficions aujourd’hui, qui sont tout de même assez élevés en France par rapport à bien des pays riches, comme les États-Unis par exemple, sont un héritage de ces mouvements natalistes.

Au-delà de l’idée qu’il faut faire beaucoup d’enfants, les institutions ont aussi la volonté d’agir contre la mortalité infantile. Certains médecins plaident alors pour l’allaitement maternel exclusif, car à l’époque, le lait artificiel n’est pas toujours fiable.

« Un médecin accoucheur célèbre de l’entre-deux-guerres, Adolphe Pinard, répétait dans des conférences et des articles que “le lait de la mère appartient à son enfant” et que celle qui ne veut pas le donner est une mauvaise mère », illustre l’historienne.

Cette injonction à l’allaitement maternel exclusif se double d’un discours psychanalytique qui insiste sur l’importance de ne jamais séparer les mères de leurs enfants, selon Françoise Thébaud.

« En observant les dégâts psychologiques au Royaume-Uni sur les enfants après la Seconde guerre mondiale pendant laquelle les petits Britanniques avaient été séparés de leurs mères et envoyés à la campagne pendant les bombardements, un discours psychanalytique émerge sur l’importance du lien avec la mère et sur la nécessité de tout donner à son enfant ».

Le bébé est une personne, pas un tube digestif

Dans les années 1980, le succès des ouvrages ainsi que des émissions de la psychanalyste et pédiatre Françoise Dolto vont mener à une nouvelle approche des bébés, désormais vus comme des personnes et plus uniquement comme des tubes digestifs.

Pour Françoise Thébaud, qui est également l’autrice du livre La fabrique des filles. L’éducation des filles de Jules Ferry à la pilule, cette nouvelle manière de considérer l’éducation est évidemment positive, mais elle demande beaucoup plus d’investissement aux parents — donc principalement aux mères — et fait peser une pression accrue sur leurs épaules.

« Cela a eu un rôle extrêmement important et positif pour le développement des jeunes enfants. Désormais, les parents sont encouragés à prendre en charge tous les besoins du bébé, physiologiques mais aussi émotionnels.

Dans l’entre-deux guerres, les manuels d’élevage des enfants sont très centrés sur la mesure (à tel âge, il faut le nourrir toutes les X heures), mais avoir son bébé dans les bras tout le temps est déconseillé ».

Depuis l’époque de Dolto, cette pression ne s’est pas vraiment allégée, au contraire. La tendance est aujourd’hui au « maternage proximal » qui par certains côtés peut simplifier le quotidien des parents, puisqu’on peut continuer à mener sa vie en portant son bébé contre soi toute la journée, mais qui par d’autres aspects pousse à une disponibilité de tous les instants des mères qui doivent être sans arrêt à proximité de leur bébé (allaitement à la demande, cododo, ne pas laisser pleurer, etc).

Le surinvestissement des parents du XXIe siècle

Cécile Doherty-Bigara, autrice de l’incroyable livre Nouvelle mère, a analysé avec moi les conséquences de cette nouvelle tendance.

« Instaurer une vie familiale vraiment proche de ses enfants, être à l’écoute de leurs besoins… Ça a plein d’effets positifs, mais ça va demander aux adultes une disponibilité énorme.

Est-ce qu’elle est possible si on doit travailler pour payer les factures ? Si on ne prend pas soin de sa santé mentale et qu’on est en souffrance ? Si le père est désinvesti ?

Je me rends compte que les réseaux sociaux et le mouvement de la maternité proximale ont été une injonction pour moi. J’ai allaité 15 mois et j’ai gardé mon enfant à la maison pendant 20 mois.

Ça a été positif sur plein d’aspects, mais ça a aussi été une traduction de mon envie de bien faire, d’une pression que je me suis mise pour assurer à tout prix. Je pense que sinon, je l’aurais allaité et gardé à la maison moins longtemps. »

En l’écoutant me parler de son expérience, je crois que je comprends mieux la méfiance de certaines féministes envers l’allaitement, le portage, les couches lavables ou l’accouchement naturel.

Même chez les parents qui ne sont pas sensibles au maternage proximal, le fait de pouvoir réellement décider d’avoir un enfant ou non, et la mort des grandes idéologies (religions, chute du communisme, etc) a entraîné une focalisation sur la sphère familiale.

« Il y a de plus en plus d’investissement des parents pendant la petite enfance, avec une recherche de la perfection qui est un horizon imposé aux femmes », note l’historienne Françoise Thébaud.

Aïe, touchée. En bonne perfectionniste, j’ai abandonné complètement ou presque mes loisirs le soir ou le weekend, afin de pouvoir être 100% présente pour ma fille quand elle n’est pas à la crèche, parce que je culpabilise déjà suffisamment de la faire garder à l’extérieur du domicile 50 heures par semaine —même si son sourire ravi quand elle arrive dans les locaux de la crèche et les progrès qu’elle y fait, me prouvent que c’est le bon choix pour elle.

Le poids de l’héritage familial et la figure de la mère martyre qui ne s’arrête jamais

Au-delà de cette recherche vaine de perfection maternelle, c’est quand le sacrifice devient une injonction extérieure, liée à la bonne façon d’être mère, que les choses se compliquent pour Cécile Doherty-Bigara.

« L’image de la mère martyre est encore extrêmement valorisée dans notre génération, ou dans celle d’au-dessus », assure la trentenaire. Regardez autour de vous et vous verrez des femmes qui veillent sans cesse au bien-être des autres et ne s’arrêtent jamais.

La première injonction au sacrifice que j’avais était intériorisée : c’était la voix de ma mère dans ma tête. Toutes les choses qu’elle a pu dire sur les mères, et tous les choix qu’elle a fait : laisser toute la place à ses enfants, montrer qu’elle s’épanouissait complètement dans sa maternité et abandonner tout le reste.

Quand on est dans une démarche féministe, on a l’impression d’avoir avancé sur plein de sujets, mais on a un héritage familial, des voix archaïques qui continuent à nous parler. Alors on a beau être sûre de ses choix, il peut y avoir de la souffrance émotionnelle. »

Ce que Cécile Doherty-Bigara me raconte là, c’est l’illustration parfaite du travail du care, majoritairement pris en charge par les femmes, que ce soit dans la sphère professionnelle (avec la féminisation massive des professions du soin) ou privée (puisqu’en 2021, les femmes continuent d’assumer la majorité de la charge parentale et des tâches ménagères).

Alors tout ce boulot gratos que les mères accomplissent, tous ces sacrifices, à qui profitent-ils ? Suspens insoutenable…

À qui profite le sacrifice des mères ?

« À qui ça profite ? Pas aux femmes, c’est sûr ! Plutôt au système de société actuelle dans lequel nous vivons qui est le patriarcat, et dans lequel l’expérience de la maternité est méconnue », assène Cécile Doherty-Bigara.

Pour Illana Weizman, la dynamique est encore plus perverse. À cause des stéréotypes genrés et du congé paternité riquiqui, les mères s’occupent plus des enfants que les pères, elles deviennent logiquement plus compétentes qu’eux pour décrypter les besoins de leur bébé.

Ce différentiel de compétences devient la preuve pour certaines personnes qu’elles seraient naturellement plus douées pour s’occuper des enfants, et donc, qu’il est logique qu’elles s’en occupent plus. CQFD.

« Pour faire tenir en place ce système patriarcal qui attribue des rôles préconçus aux femmes et aux hommes et fait de la maternité l’accomplissement ultime du genre féminin, on va essentialiser des constructions sociales », analyse la militante.

« Même les féministes vont incorporer ces normes-là et avoir du mal à les transgresser, puisque se sacrifier pour les autres est ce qui est attendu de nous. »

Glorifier le sacrifice maternel, pour nous faire avaler la pilule

L’étape d’après est tout simplement de glorifier ce sacrifice maternel et de rendre hommage aux mères, si dévouées, si généreuses, si fortes, si résilientes… L’exemple typique étant la chanson de Florent Pagny « Et un jour une femme ».

Et un jour, une femme dont le regard vous frôle
Vous porte sur ses épaules comme elle porte le monde
Et jusqu’à bout de force recouvre de son écorce
Vos plaies les plus profondes
Jour après jour, vous redonne confiance
De toute sa patience
Vous remet debout
 
Et un jour, cette femme met sa main dans la vôtre
Pour vous parler d’un autre parce qu’elle porte le monde
Et jusqu’au bout d’elle-même, vous prouve qu’elle vous aime
Par l’amour qu’elle inonde, par l’amour qu’elle inonde
 
Et un jour, cette femme dont le regard vous touche
Porte jusqu’à sa bouche le front d’un petit monde
Et jusqu’au bout de soi, lui donne tout ce qu’elle a
Chaque pas, chaque seconde, et jusqu’au bout du monde
Jusqu’au bout du monde
 

Aussi belle que soit la chanson, Illana Weizman ne peut plus l’encadrer, comme toutes les louanges faites aux mères.

« À mon sens, c’est une ruse du patriarcat. On nous impose de nous sacrifier ; histoire de faire passer la pilule, on va nous rendre hommage pour ça, et les femmes le prennent comme des compliments ! C’est une façon de nous faire plier aux injonctions en nous passant de la pommade.

Ces compliments, je ne les supporte plus. Ce qu’on veut, c’est l’égalité et que la charge soit répartie de façon équitable. »

Face à cette glorification du sacrifice maternel, celles qui renâclent, qui ne trouvent pas l’épanouissement absolu promis par la maternité sacrificielle, ont parfois bien du mal à faire entendre leurs voix, comme le raconte Cécile Doherty-Bigara.

« La première année de mon fils, ça a été tellement intense et j’ai senti tellement d’ambivalence maternelle… Mais dans tous les cercles où j’étais, on n’en parlait pas. Je me disais, soit je suis un OVNI, soit je suis face à une loi du silence.

On accepte les discours ambivalents quand on parle de son couple, de son travail. On a la capacité à avoir des regards nuancés sur tout ce qui constitue la vie, mais la parentalité est comme dans une case à part, elle doit rayonner de bonheur. »

Comme elle, j’ai remarqué que la seule forme d’ambivalence autorisée dans la maternité se fait souvent sous une forme caricaturale : ohlala je suis ex-plo-sée, hihihi je suis trop une mère indigne, etc. Mais j’ai rarement lu, entendu ou vu des témoignages de femmes qui analysent en profondeur la transformation identitaire qui s’opère quand on devient mère, et qui ne se fait pas sans heurts.

Comment se libérer des injonctions au sacrifice maternel ?

Alors maintenant qu’on a fait ce constat du sacrifice maternel et essayé de remonter à ses racines, que peut-on faire pour en sortir et pour rompre le cercle de la transmission avec nos enfants ?

D’abord, Illana Weizman me suggère de faire preuve de bienveillance envers moi-même et de ne pas culpabiliser… même quand l’objet de ma culpabilité est que je continue à culpabiliser. Vous l’avez ?

« Attention à ne pas tomber dans des contre-injonctions : on est conditionnées depuis notre plus jeune âge à être les pourvoyeuses de soin et à faire passer nos besoins et envies au second plan, c’est difficile de sortir de ça.

“Soyez égoistes !”, c’est juste du marketing. Le conseil que je peux donner au niveau individuel, c’est d’essayer de repérer les moments où on s’oublie et de faire des ajustements, même tout petits. »

Dans mon cas, j’ai commencé par poser régulièrement mes fesses dans le canapé le weekend pour lire des magazines. Tant pis si le linge sale s’accumule, si ma fille n’a pas de purées faites maison le midi ou qu’elle se cogne un peu la tête en essayant de se mettre debout seule parce que je ne suis pas derrière elle à chaque instant.

Dès que la pandémie me permettra de sortir de chez moi après 18h, j’ai aussi bien l’intention de laisser son père s’en occuper seul un soir par semaine, pour aller vivre un moment rien que pour moi.

Quelle image voulons-nous transmettre à nos enfants ?

Les mots de Cécile Doherty-Bigara m’ont encore plus motivée à prendre cette bonne résolution. Voici ce qu’elle m’a répondu lorsque je lui ai demandé comment on pouvait réussir à se faire passer avant son enfant.

« Je ne le vois pas comme ça. Ce n’est pas mon fils ou moi, c’est lui ET moi. Ce qui se joue à mon sens, c’est vraiment : quelle image je vais donner à mon enfant de ce que c’est un adulte ?

Quand je vais voir mes copines, je lui montre que je suis un être sociable, qui se plaît à cultiver des amitiés et que l’extérieur est un endroit sûr. »

Ah oui, tiens, moi aussi j’ai envie d’envoyer le message à ma fille que la lecture, les amitiés et les loisirs c’est cool, qu’il n’y a pas que le travail et le sacrifice dans la vie, a fortiori quand on est une femme. Une position partagée par Illana Weizman.

« Si ton fils te voit te respecter et te considérer comme un individu à part entière, ça sera bénéfique pour lui. Tout sacrifier pour un enfant, c’est hyper malsain ».

S’engager politiquement et trouver des solutions collectives

Pour la militante féministe, toutefois, on a surtout besoin de solutions collectives nous permettant de sortir du système patriarcal qui pousse les femmes à se sacrifier pour les autres, et en particulier pour leurs enfants.

Elle milite ainsi, dans son livre Ceci est notre post-partum, pour l’instauration d’un congé coparent, de même durée que le congé maternité. Afin que les deuxièmes parents, et en particulier les pères, puissent passer autant de temps avec leur bébé que les mères, et donc devenir aussi compétents qu’elles.

La trentenaire souhaite également que les jeunes mères soient mieux suivies et prises en charge médicalement après leur accouchement, notamment pour repérer et traiter les dépressions post-partum.

En attendant, Illana Weizman encourage toutes les mères qui le peuvent financièrement à suivre une thérapie pour pouvoir mettre des mots sur ce qu’elles ressentent dans cette période d’intenses bouleversements.

Et si vous vous en sentez le courage, vous pouvez parler librement de vos difficultés maternelles et de vos ambivalences autour de vous, cela pourra faire du bien à d’autres mères et in fine, briser la loi du silence qui entoure la maternité. C’est ce que Cécile Doherty-Bigara explique très bien.

« Quand on commence toutes à discuter ensemble pour avoir de l’aide et changer le système, on est dans une démarche féministe. C’est important ce passage de “je suis la seule à vivre ça” à “en fait tout le monde est comme ça.

On peut faire le choix que notre histoire personnelle nous serve à nous, ou qu’elle serve aux autres. Souvent, elle nous sert à nous : on ne met en avant que ce qui se passe bien. Dans le cadre de la maternité, on a beaucoup servi une belle histoire sur les réseaux sociaux, et en faisant ça, on ne s’est pas du tout aidées collectivement.

En ce moment, il y a plein de femmes et d’hommes qui font ce pas de l’inconfort, de dire quelque chose qui ne va pas faire fantasmer sur leur vie, mais qui sera utile aux autres ».

Comme elle, je pense qu’il est temps de parler aussi des zones d’ombres de la maternité, de raconter nos échecs, de dire notre refus de certains sacrifices et notre incapacité parfois à faire autrement.

Tout ce qui pourra aider à ébranler le patriarcat et à fissurer la statue de la mère parfaite est bon à prendre. Et c’est ce que nous allons essayer de continuer à faire sur le magazine que vous lisez actuellement.


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

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Avatar de Sophie L
19 juillet 2021 à 23h07
Sophie L
Voilà, c'est exactement ce que je vis en ce moment.
J'ai accouché il y a 4 mois d'un deuxième adorable petit garçon, et voici à peu près ce que j'ai vécu, pèle-mêle :
- accouchement physio suivi d'une bonne hémorragie,
- difficultés d'allaitement et 5 longs jours et nuits en maternité, sans possibilité que le père reste la nuit (covid oblige, mais aussi politique de l'établissement "pour que les mères se rendent compte qu'elles peuvent s'occuper de leur enfant seules" ;
- pleurs à la maternité, nuits ultra hachées, et quand j'ose me plaindre en pleurs aux puéricultrices de garde on me suggère de prendre des antidépresseurs ;
- retour à la maison chaotique, bordel partout, en mode survie à 4 (avec mon aîné de 2 ans et demi), je trouve à peine le temps de pisser, je me lave en 5 minutes chrono et quand je parviens à me laver les cheveux je n'ai pas le temps de les démêler ni d'en prendre un minimum soin, je bouffe mal et froid, je tire mon lait et trouve à peine le temps de laver les ustensiles ;
- bébé qui se réveille toutes les heures,
- séjour chez mes parents alors que mon conjoint a repris le travail, ma mère me suggère fortement de passer au biberon de lait artificiel, mon père gère les phases de colère et d'opposition de mon aîné mais pète souvent un plomb,
- mon allaitement maternel est accusé de "détruire la famille", toutes les colères et frustrations de chacun, dont les miennes, me retombent sur la gueule ;
- je mets plusieurs jours à me rendre compte que j'ai une infection gynéco (normal quand on passe sa journée assise à allaiter avec un périnée en vrac),
- dès que j'ose me plaindre, crier, râler, exprimer ma frustration, on me dit "tu as fait le choix d'allaiter, tu t'y tiens sans te plaindre ou tu passes au biberon",
-je trouve juste du temps, au bout d'un moment, pour marcher seule une demi heure par jour, pour "retonifier ma silhouette" (un mois et demi après l'accouchement, oui, merci les injonctions à revenir sur le marché de la bonne meuf)...

Ah oui, sans oublier la psy, dont le contact m'a été donné par la PMI, qui m'a demandé "si vous vouliez être quelque part, là, en ce moment, vous iriez où ?" "sur une île déserte, seule, sans mes enfants, ou à boire des bières en terrasse avec des amies"...
Elle m'a conseillé des antidépresseurs.
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