Il y a le mythe du youtubeur adolescent, devenu millionnaire en tournant des vidéos seul dans sa chambre.
Mais en réalité, ils sont des milliers, peu ou pas connus, à s’être engouffrés dans la brèche ouverte par les pionniers Norman ou Cyprien. Et leur quotidien est loin d’être aussi évident.
À travers 11 entretiens avec des créateurs et créatrices de vidéos sur internet, Charlie Duplan et Thomas Loubière tentent de montrer l’envers (sombre) du décor de YouTube.
Découpée en 5 vidéos thématiques de 10 minutes, la websérie Youtubeurs, les risques du métier disponible sur FranceTV Slash donne la parole à Solange te parle, Florence Porcel, Vivre Avec, Mardi noir, Dany Caligula, Yes vous aime, Le Jean-Baptiste Show, Demos Kratos, Cémil Choses A Te Dire, Geek’n Fit et Esteban Munoz.
https://www.youtube.com/watch?v=lxBzCyGVndc
Toute la série est en ligne le 13 septembre à 18h à cette adresse
YouTube : derrière la célébrité, la solitude
Se sentir isolé alors qu’on a des centaines de milliers d’abonnés, quelle ironie ! C’est pourtant le revers de la médaille que racontent les créateurs et créatrices interviewées.
S’afficher et s’exprimer publiquement, ce n’est pas anodin. Et quand ta personnalité et ta vie deviennent ton gagne-pain, ça pose de sérieuses questions identitaires.
Dans la série, les vidéastes reviennent sur plusieurs aspects méconnus du grand public et cassent quelques clichés sur leur métier :
- La frontière entre communication sur soi et voyeurisme est souvent fine
- YouTube incite ses utilisateurs à marketer leur personnalité à outrance
- La solitude est omniprésente ; s’entourer est de plus en plus difficile à mesure que la notoriété augmente
- Les proches ne comprennent pas nécessairement que la création de vidéos est un métier
- Les droits sociaux associés à la profession sont inexistants
- Les vidéastes d’un certain niveau n’ont pas de manager, de patron ni d’interlocuteur chez YouTube
« Je ne travaille pas chez YouTube mais je fais la réussite — à mon petit ridicule niveau — de cette plateforme. On te paye en likes. On te promet le bonheur de la reconnaissance si tu te donnes.
On bosse gratuitement pour des gens qui vont se faire de l’argent sur notre travail. »
(Cemil choses à te dire)
- Il faut être capable de s’autoformer sur une multitude d’aspects
- Leur outil de travail évolue sans cesse mais ils en sont dépendants pour continuer à exercer
- Les orientations des leurs futures productions sont dictées par des annonceurs qui brident insidieusement leur liberté d’expression
« Il y a quelque chose qui est assez effrayant, c’est qu’on est en train d’avoir une culture française modifiée par du soft power américain.
Ce soft power il s’exprime dans le fait qu’on a une législation qui n’est pas de notre pays, de notre histoire, de notre culture, qui vient influencer notre comportement. »
(Bertrand, Yes vous aime)
- Le harcèlement de masse, les insultes et la violence des réseaux sociaux peuvent devenir rapidement leur lot quotidien
- La société et certains médias leur refusent le statut de professionnels
Un documentaire pour « écorner le mythe du créateur béat »
Beaucoup d’appelés mais peu d’élus.
Alors que les success stories motivent de plus en plus d’ados à se projeter dans une carrière sur la plateforme de vidéos, un contre-discours sur les difficultés de cette activité émerge doucement.
Pression constante, changements de vie radicaux, précarité, voire burnout… Le monde de YouTube est plus impitoyable qu’un compteur de likes.
Heureusement, la libération de la parole permet aujourd’hui d’aborder ces problèmes
et de nouvelles solutions voient le jour.
Cette série documentaire est intéressante car elle met en lumière plusieurs aspects méconnus du grand public… mais elle peut te laisser sur ta faim, pour plusieurs raisons.
Comme la série est dénuée de voix off, les paroles des vidéastes ne souffrent d’aucune contradiction, ce qui polarise le discours général et ne permet pas la nuance.
Un choix défendu par les réalisateurs :
« Ce qui nous tient à cœur dans cette série, c’est en effet de ne donner la parole qu’aux youtubeurs.
Le point de vue de YouTube est déjà omniprésent, extrêmement diffus, sur la plateforme et dans les médias. Le véritable contre discours, c’est plutôt celui de ces youtubeurs.
Leur point de vue écorne le mythe du créateur béat, forcément épanoui, forcément heureux à 100%.
Ils parlent de conditions de travail, de cadence de production, de questionnements éthiques, internes, ce que ne fait pas la plateforme. »
Le long chemin vers la reconnaissance via YouTube
YouTube est une plateforme qui évolue très rapidement et qui, contrairement au ressenti des vidéastes témoignant dans la série, prend en compte les retours de certains de ses créateurs.
La plateforme échange régulièrement avec quelques « gros » youtubeurs notamment aux États-Unis, mais ne répond pas souvent aux sollicitations des chaînes moyennes ou petites, qu’elle invite cependant régulièrement dans son Space à Paris.
Vivement critiquée pour son manque de transparence sur la monétisation des contenus, YouTube a par exemple tenté de clarifier ces derniers mois ses conditions d’utilisation à travers des communiqués, et de nouvelles fonctionnalités.
Des responsables de YouTube interviennent également plus régulièrement dans des événements à destination des professionnels.
Même si le changement est long et qu’à l’heure actuelle seuls quelques professionnels sont consultés par la plateforme, on ne peut pas dire que YouTube ignore complètement tous ses vidéastes !
Les vidéastes Web et youtubeurs enfin représentés
La série démontre que finalement, le métier de vidéaste sur Internet est une profession artistique comme une autre, dans laquelle on peut souffrir de manque de reconnaissance, de solitude et de dépression.
Mais malgré ce tableau très sombre, j’observe de réelles avancées pour résoudre tous les problèmes soulevés par les témoignages des vidéastes qui ont décidé d’en faire leur métier.
Même si le cyberharcèlement et la haine en ligne restent des problèmes omniprésents, la situation semble évoluer dans le bon sens.
Les médias et institutions n’ont jamais autant adressé ces phénomènes qu’aujourd’hui, ce qui peut laisser espérer, à terme, une meilleure prise en charge des victimes et un changement de mentalité global.
Autre signe d’une avancée : en juin dernier, la première organisation professionnelle des créateurs de vidéos sur internet a collecté ses premières adhésions.
La Guilde des vidéastes a pour but d’accompagner, représenter et défendre les métiers de la création audiovisuelle diffusée sur Internet.
Elle fédère plus d’une centaine de membres et se positionne déjà comme un acteur incontournable dans la défense des droits des youtubeurs et youtubeuses.
La semaine prochaine, elle organise à Avignon Frames Pro des rencontres professionnelles qui rassembleront des vidéastes, décideurs, producteurs et financeurs.
Toutes les problématiques de la série de FranceTV Slash seront abordées : modèle économique, gestion administrative, échanges directs avec YouTube et les sociétés de droits d’auteur, rapport à sa communauté, algorithme YouTube…
Le programme des rencontres est à la hauteur des ambitions de ce nouveau secteur économique et entérine le fait que le temps des « youtubeurs dans leur chambre » est révolu.
Le bonheur est possible sur YouTube !
Rassure-toi, tout le monde ne bade pas sur YouTube.
Il y a des créateurs et des créatrices très heureux, des amateurs comme des professionnels qui s’épanouissent dans la production vidéo.
Tout le monde ne crée pas de vidéos pour en faire un métier. Pour certains il s’agit d’un bonus, pour certaines, c’est juste une façon comme une autre de partager leur passion au monde entier.
Si tu souhaites en faire ton métier ou développer une communauté, le principal, c’est finalement de savoir dans quel univers tu mets les pieds.
Comme dans tout métier, il y a des avantages et des inconvénients. Cette série documentaire permet de prendre la mesure concrète des difficultés que tu peux rencontrer dans ce milieu spécifique.
On devrait la conseiller à toutes les personnes en charge de l’orientation des ados, non ?
Tous ces constats me poussent aussi à remettre en question mes propres pratiques de consommation de vidéos sur Internet. Car le premier retour sur le travail des créateurs, il vient de celles et ceux qui les regardent !
Pour éviter de contribuer au cyberharcèlement d’un vidéaste, il suffit de mettre un commentaire positif, pour aider une meuf à sortir de la précarité, on peut investir dans son Tipeee, pour faire connaitre une chaîne, on peut faire du bouche-à-oreille, etc.
Le plus important, c’est de savoir pourquoi on se lance sur YouTube… et de se laisser une porte de sortie.
Et toi, qu’en penses-tu ? Connaissais-tu cette face sombre du métier ?
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