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Les jeunes précaires, grands oubliés des aides d’urgence

Comment les 18-25 ans sont-ils aidés pendant la crise du coronavirus (covid-19) ? Marie fait le point sur les mesures d’urgence et dresse un constat alarmant : la crise aggrave la précarité de notre génération.

Comme toi peut-être, j’ai attendu certaines annonces, la semaine passée, avec un mélange d’impatience et d’appréhension.

Je ne crois pas aux miracles ni aux solutions toutes faites, mais une question m’inquiétait : après des semaines à débattre du sauvetage des entreprises et de l’emploi, quelles mesures financières l’État allait-il mettre en place pour les gens comme toi et moi ?

La réponse s’est esquissée mercredi dernier lorsque le gouvernement a donné les contours du fonds d’aide d’urgence lié à la pandémie de coronavirus (covid-19).

As-tu droit à une aide exceptionnelle de l’État ?

Le site aide-sociale.fr a tiré une infographie récapitulative des aides qui seront versées aux ménages en France.

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En tant que jeune femme, tu n’as donc droit à une aide que :

  • Si tu es déjà bénéficiaire du RSA (tu dois donc être âgée de plus de 25 ans et ne pas être étudiante)
  • Si tu es déjà bénéficiaire de l’Allocation de solidarité spécifique (ASS)
  • Si tu as ou plusieurs enfants et touches une aide au logement.

Dans ce cas, tu n’as rien à faire, l’aide sera versée automatiquement le 15 mai, soit une petite éternité si tu es déjà en situation de précarité.

Si tu es étudiante, quelques aides sont mises en place par les établissements scolaires au cas par cas.

Les CROUS déclarent également que « des aides financières sont d’ores et déjà accessibles pour tous les étudiants qui en ont besoin, notamment ceux qui ont perdu un job étudiant ou un stage ».

Lorsque j’ai commencé à travailler sur cet article, je pensais pouvoir te donner des solutions pour te sortir de la galère pendant cette période de crise.

Malheureusement, j’ai très vite compris que comme souvent, les jeunes étaient les grands oubliés des mesures sociales d’urgence liées au covid-19.

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La crise du covid-19 aggrave la pauvreté des jeunes

Contacté par téléphone, Antoine Dulin, auteur de plusieurs rapports sur les questions de jeunesse et de précarité et Président de la Commission Insertion des Jeunes au Conseil économique, social et environnemental (CESE), m’a confirmé que la situation était très alarmante.

« La crise amplifie des inégalités qui étaient présentes dans la société mais qui sont mises en exergue en période de confinement.

Les jeunes sont touchés de plein fouet par cette crise économique et aujourd’hui, ils sont pour moi un angle mort. Ça fait une semaine que nous interpellons l’Elysée et Matignon à ce sujet-là. »

À raison.

Vous avez été quelques étudiantes à nous expliquer comment vous traversiez cette période. Et la spécificité de vos situations vous rend bien souvent inéligible aux aides financières qui vous sont pourtant nécessaires pour vivre.

Solène raconte ainsi :

« J’ai déjà un master en écologie mais après 2 ans de chômage cumulés pour 6 mois travaillés, j’ai décidé de me reconvertir et de reprendre mes études.

Je me suis donc inscrite cette année en Licence de psychologie mais en tant qu’étudiante à distance pour pouvoir travailler en parallèle et financer ces nouvelles études.

Niveau finances justement :

  • Je n’ai pas d’aide de mes parents (en-dehors des sous habituels de Noël et anniversaire)
  • Je ne peux pas être boursière car ma mère gagne trop, d’une part…
  • …et d’autre part parce qu’étant toujours inscrite à Pôle emploi, le CROUS considère que j’ai une probabilité d’avoir des indemnités (alors que je suis en fin de droits depuis juillet 2019).

Je n’ai, malgré mon âge, pas le droit au RSA non plus car étudiante.

Je ne suis pas dans une position hyper confortable mais je sais parfaitement que d’autres étudiants et étudiantes sont vraiment dans la merde, donc je relativise beaucoup. »

Elsa, une lectrice de madmoiZelle nous a aussi partagé son histoire :

« J’étais en plein stage de M2 et je devais intervenir dans des établissements scolaires pour un projet de médiation.

Mon stage a au départ été suspendu pour le mois d’avril et nous avons décidé d’un commun accord d’y mettre fin avec ma structure.

Qui dit plus de stage, dit plus de rémunération et donc quasiment 600€ en moins pour ma part, ce qui financièrement est impossible pour continuer de « vivre ».

Ma bourse et l’APL ne suffisent pas pour toutes les dépenses que j’ai par mois (loyer, électricité, internet, courses, loisirs,…). Ce qui m’a mise dans une situation très délicate.

Avant de commencer mon stage, j’avais rompu mon contrat avec une agence de gardes d’enfants qui me permettais de compléter mes revenus de manière correcte. »

En France, 1 jeune sur 5 vit sous le seuil de pauvreté et 1 étudiant sur 4 a un travail à côté de ses études qui lui est indispensable pour vivre.

Derrière ces chiffres vertigineux, la réalité est plurielle.

Les multiples facettes de la pauvreté des jeunes

Au téléphone, Antoine Dulin me partageait les histoires de vie de millions d’adolescents et jeunes adultes pour qui la vie est particulièrement difficile depuis quelques semaines.

Le confinement a mis au chômage partiel ou total de nombreux moins de 25 ans qui étaient en première ligne dans les bars, restaurants et commerces.

Mais à côté, la crise a aussi coupé court à toute une « économie de la débrouille », complètement invisible et non quantifiable : plus de baby-sitting, d’aide aux devoirs, moins d’Uber, plus de travail au noir, et une baisse drastique des trafics de drogues, qui permettaient à de nombreuses personnes de garder la tête hors de l’eau.

Tous les systèmes d’aides alimentaires sont aussi fortement touchés ou à l’arrêt : les épiceries solidaires qui distribuaient des denrées aux étudiants précaires rouvrent tout juste et très progressivement, alors que depuis le 15 mars, les restaurants universitaires proposant des repas complets à quelques euros sont fermés.

Le confinement amplifie également les conséquences de la fracture numérique pour toutes les personnes qui utilisaient les ordinateurs dans les bibliothèques ou les services de la ville.

Alors que de nombreux jeunes sont consommateurs des forfaits comprenant seulement quelques heures d’appel et avec des données Internet limitées, continuer à étudier ou à poursuivre un parcours d’insertion professionnelle relève du parcours du combattant.

Et puis, il y a tous les autres jeunes, ceux qui sont souvent hors-radar du système et qui décrochent

, se retrouvent isolés. On estime à 6 à 10 % les élèves dont les enseignants n’ont plus entendu parler depuis le début du confinement.

Il y a quelques semaines, 10 000 détenus ont été libérés en urgence et sous conditions… mais à l’extérieur, ils se retrouvent sans ressources, ce qui fait présager un risque accru de retomber dans la délinquance.

Alors qu’à Lyon, 30 à 40% des jeunes à la rue ont moins de 25 ans, ils trouvent porte close devant les lieux de squat et les accueils de jour et ne peuvent plus survivre grâce à l’économie informelle de la mendicité ou de la revente de pièces détachées.

Les mesures du gouvernement pour aider les jeunes sont terriblement insuffisantes

Cette crise n’était pas nécessaire pour dresser le constat que le système laisse sur le carreau de nombreux jeunes Français et Françaises.

Nous sommes nombreuses à compter dans notre entourage des étudiantes, chômeuses, volontaires en Service civique, employées, qui se battent ou se sont battues pour leur survie.

Parce qu’elles ne sont pas éligibles aux bourses, parce qu’elles ne peuvent pas toucher le RSA, d’aide au logement, de droits, parce que l’attribution des aides est fondée sur un modèle poussiéreux de « la famille ».

Pourtant, des aides existent, notamment du côté des Missions locales, même si elles sont loin de répondre à tous les besoins !

Citons par exemple la Garantie Jeune qui permet chaque année à 100 000 d’entre nous de bénéficier d’un accompagnement vers l’emploi avec une indemnité de 480€ par mois.

Ou le PACEA, un parcours d’accompagnement donnant droit au versement d’une allocation qui ne doit pas dépasser 3 RSA par an et sur lequel les Missions locales se retrouvent à sélectionner des jeunes, faute d’enveloppe suffisamment garnie.

Comme Antoine Dulin me l’a justement exprimé : les situations jeunes sont tellement différentes qu’« on ne peut pas appuyer sur un bouton qui réglerait tout d’un coup ».

Notre système social compte aujourd’hui 218 critères d’âge pour définir la catégorie « jeune ».

Face au « millefeuille » administratif que représente le champ de la jeunesse en France, il faut pourtant pouvoir prendre des mesures d’urgence.

Les organisations montent au créneau pour les droits des jeunes

Les organisations de jeunesse et les conseillers sont en marche depuis plusieurs semaines afin d’alerter sur la gravité de la situation pour notre génération.

Dans un communiqué des organisations signataires de la plateforme pour un Big Bang des Politiques Jeunesse, plusieurs acteurs du secteur se sont aussi exprimés en faveur de mesures radicales pour les jeunes, comme l’élargissement du fonds d’aide d’urgence aux 18-25 en difficulté ou la prise en charge de leurs éventuels loyers impayés.

Du côté des syndicats étudiants, la FAGE et l’UNEF s’engagent depuis plus d’un mois pour que les parcours scolaires ne soient pas touchés par le confinement et pour que des aides soient plus massivement débloquées par l’Etat, plutôt qu’à l’initiative des établissements.

Ce lundi, Antoine Dulin a co-signé une lettre au nom du CESE, adressée à Édouard Philippe, pour alerter les dirigeants de la situation de précarité extrême dans laquelle toute cette frange de la population se trouve déjà.

Tous ces acteurs ont un point commun : ils s’expriment tous en faveur de la création d’un Revenu universel d’activité qui prendrait en compte les moins de 25 ans — les grands oubliés des mesures sociales, même hors temps de crise.

Pour Antoine Dulin, ce dispositif pourrait être une réponse pertinente pour les jeunes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté.

Un tel Revenu universel cesserait de conditionner les aides au fait de rentrer dans des cases (âge, en études ou non, avec sans formation, avec ou sans emploi, célibataire ou en couple, avec ou sans enfant, etc.).

Il s’agit donc d’ouvrir ces droits à environ 11% de la population des 18-25 ans vivant sous le seuil de pauvreté, soit plus de 600 000 jeunes, d’après les recensements de l’INSEE.

Que pouvons-nous faire face à la précarité des jeunes ?

Loin de moi l’idée de te foutre un seum monumental avec cet article. Mais la réalité est là et elle démontre l’urgence d’agir.

À notre échelle, nous pouvons être des actrices de changement. Si les organisations concentrent tous leurs efforts sur le travail de lobbying auprès du gouvernement, des solutions sont aussi à notre portée pour aider les personnes les plus en difficulté.

Antoine Dulin préconise quelques petites actions :

« Première chose : être attentive à cette situation, y compris vis-à-vis des jeunes qu’on peut croiser dans la rue.

Si on en a les moyens, on peut donner aux associations qui leur viennent en aide : les organismes de solidarité sur le territoire sont nombreux.

Si on a du temps, on peut s’inscrire dans une démarche de parrainage / tutorat auprès de jeunes qui pourraient avoir besoin de coups de main, d’aide, de discussion de pair à pair. »

Tu peux par exemple faire du soutien scolaire à des élèves en difficulté via la plateforme Réussite virale ou te renseigner sur les missions sur jeveuxaider.gouv.fr.

Maintenant, c’est à toi. Comment vis-tu cette période, financièrement ? Parlons-en dans les commentaires.

À lire aussi : Les ados pauvres de France prennent la parole, et c’est puissant


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Les Commentaires

8
Avatar de Marie
21 avril 2020 à 17h04
Marie
@cococat Mmh en réalité, le versement va intervenir le 15 mai, donc officiellement "après" le confinement (même s'il faut prendre des pincettes avec cette échéance du 11 mai !).

Antoine Dulin m'a dit quelque chose que j'ai trouvé très juste, au vu de ce que je constate dans mon entourage : ceux qui souffrent le plus financièrement du confinement, ce sont les plus personnes qui étaient déjà en situation de précarité. C'est pour eux que cette prime (si basse...) est une urgence.

Une étudiante qui touche 400e de bourse par mois par exemple, et qui paye son loyer, ses repas et ses charges voit toutes ses dépenses augmenter pendant le confinement : elle n'a plus les repas économiques du resto u ni les épiceries étudiantes solidaires, elle a plus de dépenses d'électricité et ne peut plus compléter ses revenus avec son taf étudiant vu que tous les services sont fermés.

Dans les classes moyennes, on constate plutôt que les gens font des économies pendant le confinement car leurs charges primaires sont assurées, ils n'ont simplement plus les dépenses de loisirs et de restauration qu'ils avaient auparavant.

À ce jour, le gouvernement n'a pas annoncé d'aides pour les citoyens après le confinement, d'où la proposition des organisations de jeunesse pour un vrai soutien financier des jeunes les plus précaires. Pour le moment, nos élus se concentrent principalement sur les aides aux entreprises, en espérant que la production relance la croissance et préserve les emplois.
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