Quelques heures après avoir accouché, Morgane se voit servir une assiette de veau préparée par la cantine de l’hôpital. Impossible d’y toucher : « J’ai pris conscience que je venais de donner la vie. Je ne pouvais plus manger quelque chose qui avait été vivant. » Sept ans plus tard, la trentenaire est toujours végétarienne. Même déclic avec les produits laitiers.
En tant que mère allaitante, elle décide d’entreprendre des recherches sur les conditions d’élevage. Morgane est horrifiée par le résultat. Lors de sa grossesse, elle développe une « forme d’empathie » à l’égard des animaux. « Pourquoi l’être humain doit-il être supérieur ? », demande-t-elle.
Alors que des écologistes préconisent d’arrêter de procréer, manière la plus efficace de réduire son empreinte carbone, d’autres assurent avoir vécu la parentalité comme un élément déclencheur. « L’humanité n’arrêtera pas de faire des enfants. C’est peut-être plus écologique d’en avoir à qui on inculque les bonnes pratiques, afin qu’ils soient conscients des enjeux et puissent changer les choses », répond Marie-Paola Bertrand-Hillion, 33 ans. Ses trois garçons sont végétariens et son aîné de six ans a déjà été briefé sur l’usage des abattoirs, un terme qu’ignorent ses camarades selon la mère.
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« Je ne voulais pas l’abîmer »
« Le choix végétarien permet de polluer le moins possible à notre échelle et de respecter le vivant/la biodiversité », affirme celle qui a décidé de déménager en Bretagne après la naissance de son premier enfant. Avant son arrivée, Marie-Paola n’était pas sensible aux sujets écologiques. « D’un seul coup, on va porter son attention vers un être vers qui on doit être responsable », commente Valère Corréard, co-auteur de Un bébé pour tout changer (éditions Marabout).
D’après ce spécialiste de la transition écologique, la naissance d’un enfant marque une période de bascule intéressante. Même son de cloche chez Jérémie Pichon, père de deux enfants et auteur du blog famillezerodechet.com :« Quand ils auront mon âge, il y aura un ou deux degrés de plus. Selon le sixième et dernier rapport du GIEC, la planète sera difficilement, voire pas habitable à la fin du siècle. Évidemment, on se pose des questions. »
En effet, les parents mettent au monde un être qui va être mis à l’épreuve par les conséquences de l’urgence écologique. D’où les questionnements qui émergent : qu’est-ce qu’il va manger ? Comment va-t-il respirer ? Audrey, 39 ans, en parle très bien : « Lorsqu’on a un enfant la première fois, on pondère nos choix. Mon garçon était comme une page blanche. Je ne voulais pas l’abîmer. »
“Une période où on se met en mouvement”
Avec la diversification, cette mère réfléchit à la provenance des aliments. Elle se met à acheter des légumes bios et ses steaks à la boucherie. Même questionnement concernant les produits cosmétiques. « Petit, mon fils avait de l’eczéma et la dermatologue m’a recommandé une crème à base de corticoïdes. Je ne voulais pas mettre ça sur sa peau fragile », rembobine-t-elle. Audrey fait aussi attention à l’utilisation du pétrole, néfaste pour la santé ou la qualité de l’eau. « Avant, je consommais sans me demander ce que j’utilisais. Jusqu’à mes 20 ans, j’utilisais le fameux pot de crème Nivea bleu. Ce n’est qu’à l’arrivée de mon enfant que j’ai compris l’étendue de l’offre », confie-t-elle.
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Chez ces mères, la transition s’est faite par étape. Au début, Marie-Paola établit un virage écologique, sans savoir par où commencer. « On se rend compte que tous les domaines sont concernés, on a peur. C’est vertigineux. » De son côté, Jérémie Pichon préconise le zéro déchet comme première marche : « Quand l’enfant arrive, on est obligé d’acheter de nouvelles choses donc autant prendre les bonnes habitudes dès le début. » Avec sa compagne, ils ont confectionné des couches lavables ou préparé leur propre lotion pour bébé (eau de chaux et l’huile).
Si l’on ignore comment passer le cap, quelques pistes d’actions. Première chose, les nouveaux parents peuvent se munir d’un petit Babycook, rentable et écolo. « Ce n’est pas cher. On met une carotte et une pomme de terre et ça nous fait un petit pot, déclare Jérémie Pichon qui préconise surtout la patience : « J’ai mis un an pour passer d’une poubelle par semaine à une poubelle par mois ».
Autre astuce : établir une rotation des jouets, en stockant une partie à l’abri des regards. En les ressortant ensuite, on fait comme s’ils étaient nouveaux. Il est également possible de se concentrer sur la salle de bain à l’instar d’Audre : « Je finissais mes flacons et après, je prenais des gros contenants avant de passer au sans emballage pour éviter de consommer du plastique », dit-elle.
Il est donc conseillé de prendre certaines habitudes qui sont à notre portée, en lien avec ce qui nous tient à cœur. « Je dirais qu’à notre échelle on ne peut pas sauver tout le monde et être sur tous les fronts comme je l’aurais voulu à l’époque de ma prise de conscience », admet Morgane qui a choisi de s’attaquer à l’alimentation.
Il faut y aller progressivement et ne pas se mettre de pression. L’objectif n’est pas d’alourdir sa charge mentale, d’autant que la naissance d’un enfant s’avère un moment de bouleversement qui requiert une certaine stabilité. « On peut aussi le vivre comme une dynamique, une période où on se met en mouvement. Il ne faut pas que ce soit le défi de trop, sinon les parents explosent en plein vol », oppose Valère Corréard. L’important reste de se faire confiance.
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Quelques ressources pour aller plus loin :
- Un bébé pour tout changer, Valère Corréard (éditions Marabout).
- 25 idées reçues sur l’écologie à déconstruire de toute urgence, Valère Corréard (Marabout)
- Petit manuel de résistance contemporaine, Cyril Dion (Actes Sud)
- Les lapins ne mangent pas de carottes, Hugo Clément (éditions Fayard)
- Comment j’ai arrêté de manger des animaux, Hugo Clément (Seuil)
- Écologie pratique pour parents débutants, illustré par Camille Mage, (First éditions)
- Zéro plastique, zéro toxique, Aline Gubri (éd. Thierry Souccar)
- Famille Zéro Déchet – « Ze Guide« , Jérémie Pichon et Bénédicte Moret (éd. Thierry Souccar)
- Famille en transition écologique, Jérémie Pichon et Bénédicte Moret (éd. Thierry Souccar)
Pour les enfants :
- La Nature en danger, Questions ? Réponses !, Sean Callery (Auteur), Marie-Claire Vitale (traduction) (Nathan)
- Les Zenfants Zéro Déchet- Ze Mission Jérémie Pichon et Bénédicte Moret (éd. Thierry Souccar)
- Moi aussi je peux sauver la planète (Hatier)
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Clairement, c'est pas par-là que je commencerais, ou alors pas tout en même temps. J'ai des potes qui ont fait (et font toujours) du ZD à l'arrivée de leur fille, mais :
- ils avaient déjà fait une grosse transition avant (elle fabriquait déjà ses savons, ses lingettes et son sopalin)
- des amis leur ont donné des dizaines de couches lavables
- elle ne travaillait pas et lui avait des horaires relativement cools
D'ailleurs, ils en sont partiellement revenus : elle ne fabrique plus ses cosmétiques elle-même.
Pour moi, le plus simple, c'est effectivement de commencer par les petits pots, en se basant sur la nourriture des adultes. On peut aussi doucement transitionner vers du végé, car les recommandations pour les enfants sont de ne pas manger de viande le soir. Chez nous, ça nous a obligé à chercher des recettes et à commencer à envisager le végé de plus en plus. En ce moment, on essaie de diminuer doucement.
Perso, je dirais surtout de se concentrer sur ce qu'on se sent capable de faire.
De notre côté, ça a été une alimentation moitié maison/moitié industrielle (mais bio type Hipp), et des lingettes lavables pour le change, ainsi que de gros contenants.
Aujourd'hui, on achète peu de viande (on n'en mange plus le soir), et on fait nos courses de frais en local. On a aussi toujours nos lingettes lavables, de l'essuie-tout et des éponges lavables, et niveau cosmétiques, on achète des savons solides ou solubles, le plus ZD possible. On a encore plein d'améliorations à faire, mais niveau poubelles, on commence à être pas trop mal.