Précédemment dans #62jours : Prendre du temps pour moi n’en enlève pas aux autres
J’ai la sensation, à chaque jour qui passe, d’éplucher une nouvelle couche de peau. Ce phénomène a débuté il y a quelques semaines, depuis que je me suis réconciliée avec mes émotions, et surtout, depuis que j’ai accepté ma vulnérabilité. J’ai l’impression de m’être débarrassée de protections lourdes à porter.
Je me sens plus légère, et paradoxalement, mieux armée. Parce que je ne suis plus étouffée par des couches de bouclier, je ressens mieux les énergies du quotidien.
Je ne parle pas de courants mystiques ou que sais-je, mais plutôt de tout ce qu’il peut se passer autour de moi. Les petits bonheurs qui, par exemple, tombaient encore récemment sous mon radar, me sont désormais visibles.
Mais il y a aussi, dans le torrent de ces émotions, des micro-agressions. Celles qui me faisaient tellement peur avant, celles qui ont contribué à durcir mon cuir, construire ces couches successives de carapaces, de boucliers en armures.
Me blinder contre les frustrations, une stratégie en échec permanent
Il fallait « me blinder » pour lutter contre toutes les frustrations, que j’attrape comme des pustules : elles apparaissent sous ma peau je ne sais comment, elles gonflent, démangent, me rendent folle à me gratter jusqu’au sang.
Il fallait que ça change.
J’avais tellement peur de toutes ces micro-agressions, celles qui déclenchent des vagues de frustration, lesquelles écument en colère avant de s’échouer en haine comme une marée noire.
Mais « me blinder » ne m’a jamais prémunie contre ces effets, bien au contraire : quoique je fasse, je n’ai jamais été « étanche » aux influences extérieures. Y a toujours un mot de travers, une insulte qui vole et t’écharpe au passage, quand elle ne t’est pas directement destinée.
Tout ça passe à travers, dans les failles de tes armures qui n’ont jamais été suffisamment puissantes pour arrêter tout ça.
En revanche, toutes ces couches que je portais avaient surtout pour effet de contenir les frustrations à l’intérieur.
Arrêter d’encaisser les frustrations en permanence
Dans ce sens-là, la protection était radicale. Une fois que je suis atteinte, je marine ma frustration jusqu’à ce qu’elle finisse par s’estomper toute seule. Je suis passive dans ce processus.
Quelle perte d’énergie, que de devoir endurer ça…
Et quel gâchis aussi, de devoir déployer tout un tas de stratégies d’évitement, pour tenter d’échapper aux causes des frustrations…
Je ne m’habille plus de telle ou telle façon, j’évite tel ou tel itinéraire pour ne pas être confrontée au harcèlement de rue, je m’abstiens d’aller à tel ou tel événement pour ne pas avoir à affronter certaines personnes, certains sujets de conversation…
Bref, je vivais dans l’évitement. C’était épuisant.
Souffler mes frustrations en bulles de savon
Forcément, depuis que je me suis débarrassée de mes couches protectrices, je suis davantage exposée, plus vulnérable. J’ai dû changer de stratégie, pour ne pas être ravagée par les frustrations comme ma peau le serait par le soleil, sans crème solaire.
Alors, désormais, lorsque quelque chose me touche, je le sens tout de suite. Et au lieu de laisser la frustration gonfler comme une cloque sous ma peau, je la souffle dans une bulle, devant moi.
C’est léger, une bulle, et surtout, ça ne fait pas partie de moi. Tout ce qui est extérieur à moi et qui me touche peut rester extérieur à moi. Si je le décide, si j’agis en conséquence.
Je ne dis plus « ça m’énerve » mais « c’est énervant » : j’observe les conséquences, au lieu de les subir.
Je souffle pour expulser toute la frustration qui a pu s’infiltrer à l’intérieur de moi, et je gonfle des bulles, plus ou moins grosses, autour de moi.
Il ne me faut que quelques respirations, en général, pour expulser le poison.
J’en reviens pas, c’était aussi facile que ça, au fond : observer, au lieu de subir. Refuser de subir, surtout, et se détacher activement d’une émotion négative. Comme on souffle dans une bulle de savon.
Je les regarde s’éloigner devant moi, parfois je les éclate moi-même, quand elles ne décollent pas.
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