Article du 14 mai 2013
Je suis brestoise, j’ai grandi dans le pays du Léon : une Bretonne pure souche, enfin pur beurre ! Et ce n’est que récemment que j’ai compris qu’en fait, je parle et comprends le breton depuis que je suis toute p’tiote.
Parler breton au quotidien, ça donne quoi ?
Rien d’extraordinaire, et je ne suis pas non plus bilingue, mais mon quotidien est rempli de cette langue régionale. Je te donne un exemple. Et si tu paniques, tu trouveras un glossaire en fin d’article !
Le mercredi, j’allais avec mon vélo jouer chez mes copines, et j’envoyais avec moi mes poupées. Quand j’allais à la plage (oui oui, je me baigne en Bretagne), il fallait bien mettre de la crème sur le visage pour protéger mes pikou panez et me faire une cuche pour ne pas avoir les cheveux dans les yeux.
Et il n’était pas rare que j’entende dire par les adultes m’entourant que j’étais une sacrée pikes, et que je mangeais mes lichouseries comme une gouelle. À l’école, pour travailler, j’utilisais mon crayon gris, et mes élèves (pourtant costarmoricains) en utilisent à leur tour, que voulez-vous : les habitudes …
L’expression bretonne qui me parle certainement le plus c’est « Da gousket ! » : qu’est-ce que j’ai pu l’entendre à l’heure du coucher, sans savoir que c’était du breton !
Et puis j’ai grandi. Fini les pains au chocolat et les cuches, bonjour les chouilles ! La vie étudiante en Bretagne, c’est partir en riboule avec de la liche en empruntant des ribines. Dans ces soirées-là (on drague on branche toi même tu sais pourquoi), il n’était pas rare de riper et du coup de filer mes collants, tant pis, ils finiront à la jaille, tant que ce n’est pas la voiture qui est poquée… Et s’il fait frisket ? Un petit palto et tout va pour le mieux.
Après la vie étudiante, me voilà adulte, et comme ma maman avant moi, je vais chez mes copines pour prendre un petit jus ou une binouz en fonction de l’heure. Je suis de plus en plus dans le lagen ou skouiz après une soirée (il paraît que je vieillis -merci ma soeur-).
Bien sur , je ne pourrai clôturer ce « j’ai testé pour vous » sans parler de l’expression qui en est le point de départ. Depuis que j’ai une voiture, je ne fais pas le plein, je ne mets pas de l’essence, non non : je fais de l’essence.
Crédit photo : XIIIfromTOKYO
Les bretonnismes, quand tu parles breton
Il s’agit là de bretonnismes. Un bretonnisme, c’est un mot francisé ou une expression traduite mot-à-mot du breton. Et Hervé Lossec a bien compris l’intérêt des bretons pour eux, c’est pourquoi ses deux livres sur le sujet (illustrés par Nono) sont de vrais best-sellers : c’est comme la recette des crêpes, chaque famille en a son exemplaire.
D’ailleurs, en parlant de ça, la langue est si forte qu’Harry Potter a même été traduit en breton !
Et il n’y en a ici qu’une petite sélection, je suis sûre qu’en creusant un peu il y en a d’autres que j’utilise régulièrement, et encore plus que je n’utilise pas mais qu’on peut tout de même entendre dans la bouche d’autres Breton·nes !
Comprendre les expressions bretonnes
Au cas où toutes les lectrices de madmoiZelle ne soient pas bretonnes (les Bretons, qui ont longtemps résisté encore et toujours à l’envahisseur, sont maintenant les envahisseurs : il est difficile d’aller quelque part et de n’y croiser aucun Breton qui sera fier de le préciser – encore un bretonnisme tiens, la double négation !), donc au cas où, voici les traductions !
- Aller avec mon vélo : normalement on va sur son vélo ou en vélo, pas avec.
- J’envoie les choses : un Français non breton les amène.
- Un crayon gris : pour les finistériens c’est un crayon de papier ou de bois pour les autres, mais en même temps on dit bien un crayon bleu ou un crayon rouge pour parler des crayons de couleur, un crayon gris écri ent gris… ça ne devrait même pas être un bretonnisme ça, mais l’appellation nationale !
- Être dans le lagen / être skouiz : être fatigué, à côté de ses pompes.
- Pikou panez : taches de rousseur.
- Cuche : queue de cheval.
- Pikes : chipie, petite peste (c’est un terme affectueux).
- Lichouseries : sucreries, gourmandises.
- Gouelle : gourmand-e.
- Da gousket : au lit !
- Chouille : soirée, fête.
- Liche : bouteille d’alcool (à consommer avec modération bien sûr).
- Ribine : petite route.
- Riper : glisser, déraper.
- La jaille : la poubelle, la déchetterie.
- Poquée : abîmée.
- Il fait frisket : il fait froid.
- Un palto : une veste.
- Un jus : un café.
- Une binouz : une bière.
Et toi, la Bretagne, ça te gagne ? Il y a des mots dans ta région que personne d’autre en France n’utilise ?
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