Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant, et par certains aspects féministes. Dans notre nouvelle rubrique Règlement de comptes, nos lecteurs et lectrices viennent éplucher leur budget et nous parler de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Angel qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom d’emprunt : Angel
- Âge : 26 ans
- Métier : ancien prof en reconversion
- Salaire : sans revenu pour le moment, vit de ses économies
- Famille : lui et son chat
- Lieu de vie : un appartement en colocation dans une capitale de région
Les revenus d’Angel
Après avoir obtenu l’agrégation il y a deux ans, Angel est rentré dans la fonction publique en tant que professeur stagiaire. Il touchait alors un salaire qui le rémunérait suffisamment, mais qui n’était pas à la hauteur de l’investissement demandé :
« En tant que prof, j’avais un salaire net mensuel de 1600€ qui convenait largement à mes besoins et dépenses en tant que personne célibataire sans enfant, vivant dans une ville de province avec un loyer assez bas. Mais par rapport au travail fourni, aux responsabilités qui m’étaient confiées et à l’implication physique, mentale et émotionnelle que demande ce métier, ce salaire est très en dessous de ce que méritent celles et ceux qui en vivent ! »
Quand il a réalisé que cette profession ne lui convenait pas, Angel a pris la décision de démissionner pour changer de secteur d’activité. Depuis, il est éligible au RSA et à certaines allocations de la CAF, mais son dossier est encore en cours de traitement et il ne touche donc aucune aide. Pour le moment, il vit de ses économies.
« Entre le confinement et mon épuisement au travail, je n’ai fait quasiment aucune dépense l’an dernier. J’ai donc économisé près de 10.000€ qui s’ajoutent à des économies faites pendant mes études, durant lesquelles j’ai eu de petits boulots tout en restant chez mes parents.
Ce pécule devrait me permettre de tenir un an si je ne trouve pas de travail du tout et n’obtiens aucune aide de l’État. Mais heureusement, je commence à trouver des cours particuliers qui devraient me maintenir à flot, en attendant de trouver ma voie. »
Angel et l’organisation financière
Angel me confie dès le début de son témoignage qu’il n’est pas très dépensier. Cela lui permet d’avoir trois épargnes différentes.
En premier lieu, il y a du surplus sur son compte courant, qui date de l’époque où il était encore salarié. Il possède aussi un livret A qui correspond à ce qu’il appelle ses « économies de jeunesse » : le compte sur lequel il économisait l’argent de ses petits boulots, les sommes qu’on lui offrait pour certaines occasions, l’épargne que ses parents ont constituée pour lui… Enfin, pendant sa vie active, il a économisé plus de 15.000€ sur un PEL, qu’il garde pour un projet d’achat à long terme.
Sans revenu depuis un peu plus d’un mois, c’est pour l’instant dans le surplus de son compte courant qu’il pioche pour couvrir ses dépenses actuelles.
Les dépenses d’Angel
Le premier poste de dépenses du jeune homme est son loyer : 350€ par mois pour un appartement en colocation, partagé avec une autre personne. Il paie aussi 50€ de charges
pour son logement, lesquelles incluent les factures courantes (eau, électricité…) et Internet.
Viennent ensuite les courses hebdomadaires, qu’il partage avec son colocataire, pour lesquelles il dépense environ 150€ par mois. Il explique ne pas se priver sur le plan de l’alimentation et de la santé, préférant cuisiner de bonnes choses plutôt que de manger dehors trop souvent, par exemple.
Dans ses frais récurrents, il y a aussi une psychothérapie, qui lui coûte environ 120€ par mois pour des séances régulières. À cela s’ajoutent 50€ par mois de frais de mutuelle, et 20€ par mois d’abonnement aux transports en commun de sa ville. Heureux propriétaire d’un chat, il précise aussi que cela lui coûte assez cher :
« J’ai pris un chat en septembre, qui me coûte presque 50€ par mois en plus des frais de véto du début (heureusement, j’avais un salaire). Cependant je ne la considère pas comme un achat ou une folie puisque c’est un animal, et je préfère dépenser un peu plus que la moyenne pour une bonne nourriture qui la fera vivre longtemps et en bonne santé. »
« Mes loisirs et mes habitudes sont peu coûteux »
Pour ce qui est des loisirs, Angel confie être raisonnable, sans se priver.
« Je ne suis pas quelqu’un qui dépense beaucoup, sans doute car mes loisirs et mes habitudes sont peu coûteux. J’achète peu de vêtements, fais attention à la nourriture… Je lis beaucoup par exemple, et à l’année je dirais que mes dépenses pour les livres s’élèvent à 30€ par mois. Mais là aussi, je fais attention en allant principalement chez des bouquinistes, ou en achetant les livres en version numérique sur liseuse, qui coûtent moins cher que les versions papier. »
Chaque mois, il a aussi un budget pour les billets de train ou les frais de déplacement de loisirs.
« Je dépense une belle part de mon budget dans des voyages pour aller voir des amis ou mes parents dans d’autres villes. Cela représente entre 80 et 100€ par mois. En plus, je dois payer un supplément pour mon chat, alors que c’est gratuit pour les enfants en bas âge… Je me rends compte que le train est très cher ! »
Pour le reste, Angel raconte apprécier sortir boire un verre avec des amis, ou manger au restaurant de temps en temps. Il aime aussi profiter de ses moyens actuels pour inviter ses proches quand ils rencontrent des difficultés financières.
« J’ai la chance de ne pas avoir trop de soucis d’argent. Alors quand mes amis galèrent, ça me fait plaisir de les inviter à manger par exemple, plutôt que de ne pas les voir ou passer un moment moins sympa. »
Le rapport à l’argent d’Angel
Au final, le mode de vie d’Angel correspond assez bien à ses moyens : il lui permet de se faire plaisir sans faire très attention à ses comptes, puisqu’il ne consomme pas beaucoup. Il confie que son rapport à l’argent lui a été transmis par ses parents :
« Mon rapport à l’argent est proche de celui de mes parents : être raisonnable, mais ne pas radiner sur les dépenses clés comme la santé ou l’alimentation, et faire preuve de bon sens pour pouvoir se permettre des plaisirs ponctuels. Par exemple, investir dans des objets simples, mais durables et les garder jusqu’au bout, se demander si on a vraiment besoin de quelque chose avant de l’acheter… Pareil pour le confort de vie : j’ai choisi d’habiter plus loin du centre-ville, afin de pouvoir utiliser l’argent économisé sur le loyer pour pouvoir me payer des voyages.
Il est important à mes yeux de travailler pour pouvoir subvenir à ses propres besoins, c’est une forme d’indépendance essentielle. »
De manière générale, il s’estime chanceux d’avoir des parents qui le soutiennent, et dont la situation financière lui a permis de constituer une épargne. Mais sa situation professionnelle le laisse dans une certaine incertitude quant à l’avenir : pour l’instant, il ne veut pas toucher à ses économies.
Les projets d’Angel
Pour l’instant, Angel a bien l’intention de trouver une profession dans laquelle il se sentira mieux — un métier qui lui laisserait avant tout du temps libre, facteur qu’il place devant les ambitions financières dans sa recherche. Quand cela sera fait, il sait déjà comment il aimerait dépenser ses économies :
« Je suis une personne trans, et je voudrais garder mes économies pour payer une opération de la poitrine (mastectomie) qui coûte plusieurs milliers d’euros et qui n’est pas tellement remboursée par la sécurité sociale. J’aimerais bien passer mon permis aussi, et à plus long terme, m’installer dans une petite maison en banlieue pour que le chat ait un jardin… Mais ce n’est pas pour tout de suite ! »
Merci à Angel d’avoir répondu à nos questions !
Si jamais vous souhaitez commenter cet article, rappelez-vous qu’une vraie personne est susceptible de vous lire, merci donc de faire preuve de bienveillance et d’éviter les jugements.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
En fait, toutes les entreprises privées (de plus de x salariés, j'ai oublié le nombre) sont désormais dans l'obligation de proposer une complémentaire santé à leurs salarié.es. Elles passent un appel d'offre, auquel les complémentaires répondent, et la choisissent en fonction de celle qui est la plus intéressante/avantageuse (en lien avec le syndicat s'il y en a un). Sauf cas de dispenses, tout.e salarié.e en CDI est dans l'obligation d'y souscrire.
De fait, le montant varie d'une entreprise à l'autre et effectivement, parfois d'une convention à l'autre. Tout dépend de ce qui a été négocié
Concernant les fonctionnaires, en revanche, effectivement, il n'y a pas de mutuelle obligatoire.
@AngelTen Richard II Je plussoie la proposition faite dans un autre commentaire : tu devrais faire une demande de Complémentaire Santé Solidarité (ou CSS, ancienne CMU-C et ACS). On te demande tes ressources des 12 derniers mois, tu as le barème en ligne pour voir si tu peux y prétendre et ça te soulagerait quand même pas mal financièrement si c'est accordé !