Du 30 juin au 2 juillet, Paris accueille le Forum Génération Égalité, un sommet mondial en faveur de l’égalité coprésidé par la France et le Mexique, et surtout un moment inédit qui réunit des États, des organisations internationales, des activistes et des partenaires privés pour faire avancer les droits des femmes.
C’est l’occasion pour plus de 500 intervenantes engagées de se réunir et d’échanger sur des problématiques concrètes : lutte contre les violences sexistes et sexuelles, droits sexuels et reproductifs, accès à l’éducation, à l’emploi, lutte contre la pauvreté et la précarité, engagement sur les questions environnementales et pour la justice sociale.
Les défis du Forum Génération Égalité
Un événement qui doit faire face à deux « montées en puissance », rappelle Delphine O, ambassadrice et secrétaire générale du Forum Génération Égalité : d’abord celle des « forces rétrogrades, même en Europe, et la remise en cause très financée et organisée des droits des femmes », par exemple l’adoption des récentes lois contre l’avortement en Pologne.
Mais c’est aussi la crise sanitaire mondiale qui a fait faire un « bond en arrière » à toute l’humanité en matière de combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
On vous l’a souvent rappelé sur Madmoizelle, le Covid-19 a eu un impact majeur sur les femmes, creusant les inégalités, éloignant les filles et les adolescentes de l’éducation, les plaçant en première ligne dans le maintien de l’activité économique, mais sans jamais provoquer une revalorisation des métiers du care pourtant indispensables. Les Nations Unies estiment que les droits des femmes ont reculé de 25 ans en raison de l’épidémie.
Ce sommet est donc l’occasion de se concerter pour inverser la vapeur et prendre des dispositions fortes pour que les droits des femmes ne soient pas sacrifiés dans cette crise.
Un rendez-vous capital, 26 ans après la Conférence de Pékin
Pour comprendre l’importance du sommet qui débute aujourd’hui à Paris, il faut aussi faire un bond dans le temps, en septembre 1995 plus précisément. Il y a presque 26 ans, un autre sommet marquait l’histoire du combat féministe mondial en réunissant plusieurs milliers de femmes venues du monde entier à Huairou, à 40 kilomètres de la capitale chinoise : la Quatrième conférence mondiale sur les femmes a été un tournant, en présence de 189 gouvernements représentés pour deux semaines de débats.
« Women’s Rights Are Human Rights »
. Les droits des femmes sont des droits humains. Ce sont les mots prononcés par Hillary Clinton lors de cet événement. Invitée en tant que première Dame des États-Unis, elle a tenu un discours qui symbolise la volonté commune de ne plus traiter les droits des femmes comme un sujet annexe au combat pour les droits humains.
Cette conférence a posé des « jalons décisifs », assure aujourd’hui la ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances Elisabeth Moreno. À l’issue de cet échange, deux textes ont permis de tracer les grandes orientations en faveur des droits des femmes pour servir de repères aux gouvernements, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing.
La conférence de Pékin, un rendez-vous féministe majeur
Journaliste et militante féministe, Moïra Sauvage a assisté à la conférence de Pékin de 1995. Elle raconte à Madmoizelle :
« Toutes les féministes du monde entier en avaient entendu parler. C’était l’endroit où il fallait être, c’était super excitant, il y avait déjà eu des conférences où des amies avaient été, à Nairobi par exemple. Même si elles étaient plus petites, j’avais entendu dire que c’était extraordinaire, de pouvoir rencontrer des femmes du monde entier. »
Elle n’hésite pas à affirmer que cet événement gigantesque, qui rassemblait 30.000 femmes, a changé sa vie.
« C’était se rendre compte de l’universalisme de nos combats, et que même si on était une femme africaine en boubou venue d’un village, une femme sud-américaine, ou une New-Yorkaise, on voulait toutes pouvoir choisir notre vie, on voulait toutes l’égalité. »
Le backlash post-conférence de Pékin
S’il faut une autre preuve de l’impact de la conférence de Pékin, c’est du côté des antiféministes qu’il faut aussi la chercher. Car les positions défendues par les femmes à cet événement ont effrayé les mouvements conservateurs, qui se sont alors mobilisés pour contrer cet élan mondial.
« On ne s’en est pas rendu compte tout de suite », confirme Moïra Sauvage, qui développe :
« On savait qu’à Pékin il y avait des religieux, des fondamentalistes qui n’étaient pas d’accord, mais ça nous a pris peut-être dix ans avant de se rendre compte dans les conférences des Nations Unies qui avaient lieu à New York que les fondamentalistes de toutes religions reprenaient du poil de la bête et s’opposaient à ce que soit intégré différentes choses qui avaient été décidées dans la déclaration de Pékin.
On s’est rendu compte d’année en année que toutes, on avait envie de refaire des conférences, mais on s’est dit que c’était le risque de revenir en arrière, étant donné que les fondamentalistes avaient de plus en plus de poids. On voyait les alliances entre le Vatican, l’Iran, sur le corps des femmes… car c’est toujours sur l’avortement, sur les droits sexuels et reproductifs que ça coince. »
Dès lors, les courants conservateurs n’ont eu de cesse d’agir, plus ou moins à découvert et à différentes échelles.
En France, la manifestation la plus évidente de l’aboutissement de ce backlash a été aperçue pendant les débats sur le mariage pour tous, où les associations opposées à l’égalité — incarnées en première ligne par La Manif pour tous — ont pu compter sur un soutien massif et financier de diverses organisations européennes.
Après le passage de la loi sur le mariage pour tous, elle a continué à se mobiliser contre la « théorie du genre » et la lutte contre les stéréotypes de genre à l’école, puis contre l’ouverture de la PMA.
Les engagements du Forum Génération Égalité
26 ans après la Conférence de Pékin, c’est donc à Paris que se poursuit cet élan féministe mondial.
Six coalitions d’action vont permettre de couvrir les grands combats à venir : la violence fondée sur le genre, la justice et les droits économiques, la liberté à disposer de son corps et la santé et les droits sexuels et reproductifs, l’action des femmes en faveur de la justice climatique, les technologies et l’innovation au service de l’égalité entre les femmes et les hommes, et les mouvements et le leadership féministes.
Chaque État ou ONG devra s’engager dans au moins une de ces thématiques. Une feuille de route des actions à mener dans les cinq prochaines années sera présentée. Les gouvernements et organisations auront un peu moins de cinq ans pour se donner les moyens de faire aboutir des progrès réels, évaluables. Des points d’étape seront ainsi prévus sous l’égide de ONU femmes afin de voir l’avancée des chantiers mis en œuvre.
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