Quelques heures après la publication de l’article ci-dessous, la lycéenne qui m’avait contactée pour me prévenir que les filles n’avaient plus le droit de porter des shorts m’a de nouveau écrit.
La proviseure qui avait décidé de ce nouveau règlement a sollicité l’avis des élèves, qui étaient tous et toutes contre sa décision. Elle est donc revenue dessus !
Les shorts sont finalement autorisés, et ça me RAVIT ! La preuve que se mobiliser, ça sert !
J’ai récemment reçu un mail qui m’a fait bouillir de colère.
Une élève du lycée public Jean Moulin de Pézenas, dans l’Hérault, m’explique que la nouvelle proviseure a décidé d’interdire purement et simplement le port du short aux filles.
Le but ? Encore et toujours « ne pas déconcentrer les garçons » — qui, eux, portent bien ce qu’ils veulent…
Shorts interdits pour les filles du lycée Jean Moulin de Pézenas
La jeune fille me raconte une scène surréaliste.
« Le jour de la rentrée, lors d’une réunion dans l’amphithéâtre avec les professeurs et tout les terminales, la proviseure a déclaré qu’elle était « profondément choquée de la façon dont s’habillaient les filles de cet établissement ».
Elle ne comprenait pas « comment des parents peuvent laisser leurs filles partir étudier comme ça ».
Elle a donné, comme exemple de vêtements choquants, les shorts et les t-shirts moulants — sur les filles, bien évidemment. »
Réunir autant de monde pour pointer du doigt les filles se sentant libres de s’habiller comme elles le souhaitent, c’est déjà craignos. Et ça ne s’arrête pas là.
Un dress-code sexiste pour ne pas déconcentrer les garçons
Comme trop souvent dans ce genre d’affaires, la justification est : les mâles seraient profondément perturbés par la vision du moindre bout de peau féminine.
« Selon la proviseure, les filles doivent s’habiller de façon « décente », c’est-à-dire avec des pantalons, afin que les garçons ne soient pas dérangés dans leur apprentissage scolaire.
Nous devons donc, pour le bien des garçons, nous couvrir afin qu’ils puissent étudier tranquillement. »
Mon interlocutrice précise que dans sa région, l’été est loin d’être terminé. En salles de cours, les températures atteignent et dépassent rapidement les 30°C.
Face au sexisme, la stupeur et la colère
La lycéenne me raconte une première réaction :
« Lorsqu’un garçon a osé prendre la parole dans l’amphithéâtre pour lui dire qu’il ne voyait pas de rapport entre la scolarité des garçons et les vêtements des filles, la proviseure lui a tout simplement répondu d’aller voir l’infirmière « pour qu’elle lui explique ce que peut provoquer chez un garçon une tenue indécente sur une fille ».
À travers son discours, elle réduit donc les garçons au statut de prédateurs sexuels ne pouvant retenir leur pulsions à la vision d’une fille (ou d’un objet sexuel, il n’y a apparemment pas grande différence). »
Elle m’explique que la plupart des élèves étaient d’abord choqués et choquées, puis en colère. Cependant, il restait à voir si ce nouveau règlement allait être vraiment appliqué ou non.
Malheureusement, il l’est.
Les filles surveillées et renvoyées en cas de short
Cette annonce de la nouvelle proviseure, Mme Vauthier-Desmaretz, est loin du simple effet de manche. Le suivi est rigoureux ; les punitions, immédiates
.
« Chaque jour, des dizaines de filles se font interpeller par la proviseure, mais également la proviseure adjointe ou encore l’infirmière, au sujet de leur tenue.
Elle se voient qualifiées « d’indécentes », et cela peut arriver n’importe où : dans la cour, dans les couloirs, devant le lycée, à la cantine, à l’infirmerie…
Une fille peut se faire arrêter plus de trois fois dans la même journée par une personne différente, qui va à chaque fois émettre un jugement sur ce qu’elle porte.
Les tenues en questions sont généralement de simples shorts en jean et t-shirts.
Je tiens aussi à préciser que les garçons venant au lycée en shorts qui arrivent en haut de la cuisse, comme ceux des filles, ne se font absolument jamais reprendre. »
Une élève a été forcée de rentrer se changer chez elle. Et mon interlocutrice a elle-même été sèchement renvoyée à l’internat pour se changer, à 7h du matin, parce qu’elle portait un t-shirt, un short et des baskets.
« Qu’est-ce qui est le plus choquant : mes cuisses, ou l’adulte qui me force à me couvrir sans me donner d’explication valable ? »
Notons, car le paradoxe est savoureux, que la proviseure porte quasi-exclusivement… des robes.
Contre ce dress-code sexiste, la mobilisation s’organise
Cette lycéenne en colère (et a raison) n’a pas contacté que madmoiZelle pour partager cette hallucinante histoire.
Elle l’a également partagée avec Dans mon tiroir, une auteure de BD féministe qui l’a mise en images :
L’adolescente espère trouver du soutien et médiatiser cette décision discriminante pour ne pas lutter « seule » contre la proviseure.
Elle m’informe que depuis la parution de cette BD, des élèves s’organisent, notamment sur Facebook, pour manifester contre le règlement. Toutes en short !
Une décision sexiste et controversée
La lycéenne m’explique que le nouveau règlement est loin de faire l’unanimité.
Ses propres parents alertent d’autres familles pour en discuter, et même au sein des profs, la tendance semble être à la désapprobation.
« Les profs qui nous en parlent sont plutôt contre. Ils sont choqués, et surtout, ils trouvent la justification (ne pas déconcentrer les garçons) absurde. »
Avant cette rentrée, et sous la direction l’ancien proviseur, aucune différence n’était faite entre filles et garçons. Tout se passait très bien.
Contre le sexisme, il est important de ne pas se laisser faire
J’ai chaleureusement remercié et félicité cette lycéenne pour son engagement contre le sexisme.
Voir qu’un règlement aussi ouvertement sexiste est mis en place, en France, en 2018, dans un lycée public, ça me déprime…
Mais voir que des élèves de tous genres réagissent, que les profs désapprouvent, que les parents de cette jeune fille la soutiennent, ça me donne du baume au cœur.
J’espère via cet article soutenir l’adolescente dans sa lutte.
À quelques centaines de kilomètres de Pézenas, il y a un an et demi, le lycée Émile Loubet de Valence s’était mobilisé pour lutter contre un dress-code sexiste. Ce qui avait mené à l’ouverture d’un dialogue entre direction et élèves.
Comme quoi, se dresser contre les injustices, c’est loin d’être inutile !
NB — La proviseure, Mme Vauthier-Desmaretz, a été contactée mais n’a pas (encore ?) donné suite à mon appel.
À lire aussi : Ces lycéennes françaises au short jugé « trop court » ne se laissent pas faire
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