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Culture

Je suis féministe, mais… c’est pas toujours évident

Être criblé•e de paradoxes n’est pas propre aux féministes : ça s’appelle être humain.

Le magazine ELLE a fait parler de son numéro d’avril sur les réseaux sociaux, avec cet article (qu’on espère bien sûr parodique) (mais on se fait pas trop d’illusion) (rapport que c’est Alix Girod de l’Ain qui l’a écrit).

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Plutôt que se joindre à la meute et d’exprimer notre consternation, nous avons préféré nous pencher sérieusement sur ce « je suis féministe, mais… » et ce qu’il implique, au-delà des clichés.

Des « je suis féministe, mais… », tout le monde en a entendus, et probablement pensés ou dits. Voici une sélection d’exemples glanés par les membres de la rédac dans leur entourage… et parfois dans leur propre esprit.

« Je suis féministe, mais… je n’échappe pas à mon corps »

En pole position des apparentes contradictions entre des convictions féministes et des conventions sociales assimilées, on trouve une floppée d’injonctions à paraître.

S’épiler ou non. Tolérer, accepter ou aimer la vue des poils ou non. Maigrir ou non. Tolérer, accepter ou aimer son corps, ou non. Vouloir le changer, ou non.

« Je suis féministe mais… j’accorde beaucoup d’importance à mon apparence. Je suis féministe mais… si je ne suis pas épilée, je ne montre pas mes jambes. Je suis féministe, mais… les aisselles poilues, ça me rebute (y compris sur les autres). »

À lire aussi : L’épilation, est-ce vraiment plus « hygiénique » ?

Toutes ces considérations esthétiques, psychologiques, personnelles, sont des choix acceptables. Être féministe ne revient pas à renoncer à s’occuper de son corps de la façon dont on le juge confortable, pertinent, nécessaire, pour soi.

Avoir conscience que la norme sociale de l’épilation est arbitraire, et s’y plier malgré tout parce qu’on n’assume pas de sortir avec les aisselles poilues, ce n’est pas grave, ce n’est pas être une mauvaise féministe, ce n’est pas être résignée, victime, martyrisée. C’est tout simplement faire un choix, faire celui de se conformer à une norme. Et ce n’est pas grave.

Ce choix est peut-être contraint, mais beaucoup de nos choix sont contraints, dans la vie. On y survit.

« Je suis féministe mais… j’ai déjà suivi un régime. Plusieurs fois. »

Qu’on brûle cette personne sur le champ, sur l’autel du Dieu des Complexes… Ou qu’on la laisse vivre sa vie, parce que le féminisme, c’est avant tout la notion — révolutionnaire ! — que les femmes aussi devraient pouvoir jouir de leur corps comme bon leur semble, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit : père, frère, mari, société en général.

À lire aussi : Le culte de la minceur VS mes complexes, une histoire de paradoxes

« Je suis féministe, mais… je n’échappe pas à la pression sociale »

Le corollaire inséparable de ce rapport à notre apparence se trouve juste en dehors de cette bulle intime dans laquelle on a le sentiment d’être en contrôle : mais si, je suis féministe, je suis contre les injonctions sur l’apparence, mais pourtant…

« Je suis féministe mais… Je suis capable de m’épiler à 2h du mat pour pas sortir tous poils à l’air le lendemain. Je suis féministe, mais… une fille sans maquillage, je trouve ça négligé. Je suis féministe mais… je suis obsédée par mon apparence. Je suis féministe mais… je ne sais pas sortir sans me maquiller. Je suis féministe mais… imaginer mon corps vieillir m’angoisse. »

Et ces exemples ne sont toujours pas un crime de lèse-féminisme. Être fermement convaincue que les hommes et les femmes doivent pouvoir jouir des mêmes droits et des mêmes opportunités dans la société, sans être enfermés dans les stéréotypes de leur genre, ce n’est pas suffisant pour réussir à voir ces stéréotypes partout, et à s’en détacher.

On ne s’affranchit pas aussi facilement de normes sociales qui nous ont été inculquées depuis l’enfance, souvent inconsciemment.

À lire aussi : Que pense-t-on des poils ?

« Je suis féministe, mais… tous les matins, je me juge (sévèrement) dans le miroir. »

Eh ouais. Parce qu’être féministe n’immunise personne contre la pression sociale. Ça peut permettre de déculpabiliser, quand on arrive à se souvenir du poids du patriarcat dans notre éducation et notre environnement, mais ça ne permet pas automatiquement d’être bien sa peau. (Sinon, j’imagine que le féminisme connaîtrait un succès populaire fulgurant !)

À lire aussi : « Mon corps m’appartient », le Tumblr qui nique les complexes

« Je suis féministe mais… j’ai mes habitudes »

Le pic de culpabilité atteint des sommets dès que l’on s’approche du rapport aux hommes. Parce qu’entre concession et compromission, la frontière est parfois ténue.

Est-ce féministe de se laisser inviter au resto par un mec ? Est-on véritablement féministe « si on tique » lorsqu’il nous fait partager l’addition ?

« Je suis féministe, mais… j’avoue que je tique quand un mec me fait partager l’addition au lieu de me payer mon verre. Je suis féministe, mais… j’aime qu’on m’appelle « madmoiselle » et pas « madame ». Je suis féministe mais… j’ai tendance à généraliser sur les mecs dès qu’il y en a un qui me fait un sale coup. Je suis féministe mais… les mecs effeminés, ça me repousse. Je suis féministe mais… je ne peux pas concevoir la vie sans mon mec. Je suis féministe mais… je veux avoir des enfants un jour »

Vous savez ce qui n’est « pas féministe » dans la liste de ces convictions personnelles ? Ce serait la tentation d’en tirer des vérités généralisables à toutes les femmes, et/ou à tous les hommes.

Moi, je n’aime pas qu’on m’invite, mais je tiens au « mademoiselle » (sauf sur mes documents administratifs : je renseigne « madame », et c’est mon choix). Je ne sais pas si je veux des enfants un jour, mais le désir de maternité n’a strictement rien à voir avec le féminisme.

Les goûts, les couleurs, les envies, les préférences, tout ceci n’est pas lié au féminisme. La seule règle que vous imposent vos convictions féministes est de ne pas généraliser vos préférences à tout un groupe d’individus.

Ne pas présumer qu’un mec est un salaud / un prince charmant / insérez ici un stéréotype, simplement parce que son comportement n’est pas conforme à nos attentes personnelles.

La diversité des individualités que les féministes revendiquent dans la population féminine existe également dans la population masculine.

« Je suis féministe, mais… je tiens à la galanterie. »

Pour celle-ci, il est facile de sortir du paradoxe : la galanterie est une forme de politesse, pratiquée par les hommes, envers les femmes. Si on enlève la notion de genre, ça s’appelle tout simplement « la politesse » !

Je tique quand un•e ami•e ne propose pas de payer l’addition, et ne me laisse pas la possibilité de l’en empêcher (exception faite bien sûr des gens dont je connais la situation financière). Ce n’est pas une question d’être un homme ou une femme, c’est une question de moyens. Mais offrir de payer la consommation d’une personne avec laquelle on a passé un bon moment, de mon point de vue personnel, c’est poli, amical, affectueux, généreux, c’est un millier de choses avant d’être « galant ».

Alors je peux tout à fait comprendre qu’on puisse être « refroidie » lorsqu’un mec avec lequel on vient de passer une excellente soirée attend qu’on sorte le portefeuille. Mais la convention qui est froissée ici est la politesse, avant d’être la galanterie.

« Je suis féministe, mais… parfois, je préfèrerais ne pas l’être »

Le féminisme n’est pas une marque déposée, mais nombreux•ses sont les groupes et les individus qui prétendent parler en son nom.

« Je suis féministe, mais… je ne me reconnais dans aucune association féministe. Je suis féministe, mais… être associée aux FEMEN, c’est vraiment pas possible. Je suis féministe, mais… pas féminazi. Je suis féministe, mais… je trouve les féministes de Twitter insupportables. Je suis féministe mais… je ne m’attribue jamais ce qualificatif sauf si on me pose la question, de peur de passer pour une meuf agressive. Je suis féministe mais… je le cache souvent. »

Je suis française, et ça me fait mal d’être associée à certaines personnalités publiques et politiques. Je suis une femme et ça me fait mal d’avoir des points communs avec Christine Boutin. Je suis féministe, et je n’ai pas à me désolidariser de comportements que je réprouve, ni à me justifier d’actions menées par d’autres militant•e•s. Ça n’empêche bien sûr personne de me demander des comptes, mais je suis très à l’aise pour répondre.

Je n’ai rien à voir avec les FEMEN, je n’ai pas de convictions arrêtées sur tous les sujets sociétaux, laissez-moi tranquille, je suis venue boire des cocktails et manger des chips, pas débattre de la pertinence des actions de La Barbe ! Voici ma répartie de prédilection lorsque je suis assaillie de commentaires sexistes en soirée.

Et le syndicat des féministes (qui n’existe pas) ne m’en tient pas rigueur, ne vient pas me demander des comptes sur mes paradoxes idéologiques, mes paresses, et l’intermittence de mon engagement.

« Vous, les féministes » est le nouveau « vous, les filles », et j’ai déjà longuement exprimé ce que je pensais de cette assignation globale, négatrice de mon individualité !

« Je suis féministe mais… je choisis mes batailles »

« Je suis féministe mais… mon père est macho et j’ai arrêté de m’énerver à chaque fois, je laisse dire. Je suis féministe, mais… j’ai arrêté de me battre avec les gens que je ne connais pas. Je suis féministe mais… lorsque le prof de qui dépend la moitié de mon année fait une blague homophobe, je laisse passer. Je suis féministe, mais… je fais attention à la hauteur de ma jupe les jours où je n’ai pas le courage. Je suis féministe mais… je préfère porter une veste sur mon crop top dans la rue pour éviter les remarques et regards lubriques. Je suis féministe mais… quand des gens âgés font des plaisanteries sexistes et que je n’ai pas envie de les attrister, je laisse pisser. »

Nous, les filles — appréciez cette formulation à sa juste valeur, car il y a peu de situations dans laquelle elle puisse s’appliquer légitimement — nous ne sommes pas des soldats sur le front de la lutte contre le patriarcat. Nous sommes des individus, nous avons le droit de vivre nos vies comme nous l’entendons, sans nécessairement porter les armes chaque matin jusqu’au soir, sans être d’irréprochables militantes.

« Je suis féministe, mais… je pense qu’il y a quand même des combats plus important dans le monde. »

Nous, les filles, ne parlons pas d’une seule voix. Nous ne sommes pas un groupe homogène. Nous avons des sensibilités différentes, des besoins, des envies, des ambitions différentes. J’aime à penser que nous sommes toutes des féministes, bourgeons en devenir ou militantes chevronnées, et toutes les nuances que cet entre-deux permet, parce que nous méritons toutes d’être considérées comme les personnes uniques que nous sommes.

« Je suis féministe mais… je me définis en tant qu’être humain et pas en tant que « fâââme ». »

Mais ce féminisme, ces féminismes ne sont ni des amulettes contre la pression sociale portée par le patriarcat, ni un dogme auquel on ne peut pas se soustraire sans avoir à s’en repentir.

Les seules « mauvaises féministes » sont celles qui voudraient vous faire croire que cet engagement est incompatible avec vos envies, votre vision de la féminité, certains aspects de votre personnalité, certains de vos choix. Ou celles qui font mine d’opposer des convictions féministes à des opinions ou des préférences personnelles qui n’ont aucun rapport. Je veux dire, penser systématiquement qu’un homme qui va chercher ses enfants à l’école « doit chercher du travail, le pauvre », c’est d’abord… idiot !

C’est une idiotie qui prend ses racines dans un stéréotype sexiste (« un homme au foyer par choix, ça ne se peut pas »), mais laisser passer ce stéréotype inconsciemment assimilé jusqu’à la partie consciente de son cerveau, puis jusqu’à son clavier, qu’une pareille idiotie soit validée par un comité de rédaction, imprimée et vendue à trois cent mille exemplaires, c’est de la paresse intellectuelle, de la négligence.

Le sexisme de la société n’excuse pas tout non plus, il faudrait veiller à ne pas systématiquement imputer la sottise individuelle au patriarcat. Des féministes sottes, ça existe aussi, ce n’est pas incompatible.

« Je suis féministe mais… je suis un garçon. J’ai le droit ? »

Mais bien sûr, cher ami. C’est même fortement recommandé.

« Je suis féministe, mais… contrairement à ce que l’on peut penser, les hommes et moi, on s’entend très bien. Je suis féministe mais… je ne déteste pas les hommes. »

La condition d’admission dans le club très ouvert des féministes est la même que pour les femmes : respecter les gens, dans leur diversité, dans leur individualité, les respecter peu importe leurs choix et leurs convictions. Respecter leur parole, leur ressenti, leurs expériences, interroger ses propres réflexes, ses propres certitudes, ses convictions acquises, transmises, éprouvées.

Être féministe, c’est refuser d’enfermer les individus dans une identité assignée, en les jugeant par rapport aux stéréotypes correspondants. C’est accepter et respecter les différences. C’est à la fois extrêmement simple, et fichtrement compliqué à mettre en pratique au quotidien.

« Je suis féministe, mais… j’ai faim. »

Non, celle-là c’était un piège, ça n’a rien à voir avec la choucroute. C’est juste pour voir si vous avez suivi.

« Je suis féministe, mais…. » : ce « mais » est trompeur, parce qu’il suggère une contradiction, alors que le plus souvent, il n’y en a pas : ce sont juste des différences d’opinions, des préférences personnelles. Et si on disait plutôt « je suis féministe, et… » ?

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Les Commentaires

62
Avatar de Paquerettes88
21 mai 2015 à 12h05
Paquerettes88
Je trouve que dire que ta soeur imite les garçons revient à reconnaitre qu'il y a un comportement de garçons et un comportement de fille et ça,j'ai un peu de mal...Peut-être que c'est juste sa personnalité. Tu en as déjà parlé avec elle?

Oui Maud, on en a déjà discuté et je sais qu'elle en est consciente. Elle l'a en quelque sorte reconnu lors de notre discussion d'il y a quelques mois mais qu'elle prône un "je suis qui je suis et je ne rentrerai pas dans des standards", elle le fait malgré tout. Certes, avec son petit ami, elle a décidé de ne plus faire les efforts qu'elle pensait qu'il lui demanderait (ce qu'il n'avait pas fait mais d'elle même, elle voulait entrer dans le standard qui pourrait lui plaire.. et donc, s'est un peu oubliée pour revenir à ses habitudes personnelles)

Petit "hors sujet" (et encore, en est-ce un?) Ca me fait penser à cette histoire: il y a 3 ou 4 ans je ne sais plus, elle est allée voir American Pie 4 au cinéma avec copains d'étude. Elle a toujours détesté les films car elle n'apprécie pas du tout l'attitude des mecs face aux femmes (son idée en gros: "elles sont souvent présentées comme des filles faciles instrumentalisées, cruches ou casse-couille". Mais, elle voulait être intégrée à la sortie entre mecs (là, il n'y avait que ses amis, pas de petites amies si ce n'est elle) et y est allée. Elle était "dans le coup". Je l'entends encore d'ici me faire la liste des réductions féminines présentées par les films (alors qu'elle n'en a vu que quelques uns)... Mais elle y est allée, n'a pas aimé, ne l'a pas dit à ses copains... Pour ma part, elle aurait pu proposer une autre idée de sortie car elle n'aimait pas, aller voir un autre film et les retrouver après mais non... Pourquoi ne pas avoir dit "je n'aime pas, je ne cautionne pas parce que...."et ne pas y aller?
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