« Les parents d’aujourd’hui » est le terme utilisé par de nombreux réactionnaires pour nommer la Daronnie moderne. Cette appellation, à première vue factuelle, est en vérité une petite crotte de nez jetée au visage de ces parents d’aujourd’hui, ces faibles, naïfs, incompétents qui passent leur temps à scroller sur les réseaux sociaux au lieu de discipliner leurs marmots. Je ne peux pas totalement contredire ce dernier point, puisque c’est exactement à cause de ça que je me retrouve à rédiger ce billet : Ce week-end, en trainant sur Instagram, je suis tombée sur un post de Papatriarcat qui relayait l’extrait d’une interview de Yann Moix, diffusée le 25 septembre dernier sur la chaine de radio France Bleu.
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Visiblement, le journaliste avait profité de son intervention radiophonique pour dispenser des conseils éducatifs aux parents français. Comme à cet instant précis, ma parentalité consistait à éponger des miasmes et à refuser pour la centième fois un cookie très convoité, je me suis dit que ces conseils me seraient utiles. Rétrospectivement, je réalise que je devais couver un virus infantile, pour imaginer ne serait-ce qu’un instant que Yann Moix pouvait posséder un avis pertinent sur la question.
Comme vous l’imaginez, ce n’était pas le cas. L’animateur s’est contenté de réciter les poncifs préférés d’une génération de privilégiés prêts à tout pour continuer d’exercer leur pouvoir sur leurs nombreux subordonnés.
Yann Moix, l’écrivain polémiste
Yann Moix est écrivain, animateur de radio, mais également chroniqueur et polémiste. Avant d’aller plus loin, j’aimerais que l’on prenne tous une seconde pour se concentrer sur ce terme : polémiste. Cela signifie littéralement qu’une des activités professionnelles de Yann Moix consiste à démonter, oklm, les idées et les initiatives de ses pairs.
En 2019, Yann Moix s’était déjà attiré les foudres des extrémistes politiquement corrects, lorsqu’il avait eu l’immense courage de révéler son goût pour des femmes plus jeunes et racisées. Il aura fallu beaucoup de bravoure à Yann Moix, pour assumer ces opinions avant-gardistes dans une société matriarcale totalitaire, et continuer à s’exprimer quand toute la bien pensance ne rêve que de le faire taire. Si on y pense, son histoire, c’est un peu celle de Jean Moulin, sauf que contrairement à son fragile alter ego résistant, Yann Moix tient bon face aux attaques des feminazis.
Le 14 août 2023, au micro d’Europe 1, le héros a cette fois chroniqué un récent voyage en train, gâché par un odieux mouflet qui aurait fait vivre l’enfer à ses parents et tous les voyageurs avec eux. Ce récit permet au polémiste de condamner ce qu’il considère être la pire calamité de l’univers : l’enfant roi. À titre personnel, quand on me parle de pires calamités de l’univers, je pense à nos actions climatiques, au capitalisme et à la toute puissance des classes privilégiées. Yann Moix, lui, considère que ce sont les enfants tyrans. Clairement, nos existences ne se frottent pas aux mêmes défis quotidiens.
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Un enchainement de poncifs et de stéréotypes
Je ne savais pas qu’un homme qui avait le profil de Yann Moix, sans enfants, puissant, quinquagénaire, était susceptible de croiser beaucoup de gosses, mais je me suis trompée. Comme il le regrette cette fois sur France Bleu, le 25 septembre, dans l’émission Dans le Rétro, les enfants qu’il rencontre aujourd’hui sont « abjects, tonitruants et tyranniques ». Nombreux témoignages de « professionnels » à l’appui.
Jusque-là, ces constatations goûtent la bonne vieille soupe démagogique, faussement subversive. Celles qui suivent aussi. La grille du bingo antiparentalité positive est remplie. Selon notre expert, cette tyrannie serait la conséquence d’une… lisez vite, la suite va vous surprendre… « absence de domination et d’autorité parentale ». Il justifie ce point de vue moderne en rappelant les rapports de force impitoyables omniprésents dans notre société ultra-hiérarchisée. Les plus jeunes doivent apprendre dès le berceau à se soumettre aux dominants (qu’il représente, même s’il ne le précise pas).
Cependant, s’il cite l’univers en déplorant le fléau actuel, le monde de Yann Moix est minuscule. Il se limite aux frontières hexagonales. Ailleurs, des pays comme la Suède ou les Pays-Bas appliquent des modèles sociétaux basés sur l’horizontalité et la coopération collective. Ces modèles, qui évitent autant que possible les rapports de domination dans toutes les strates de la société, fonctionnent avec les enfants comme les adultes. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les (nombreux) chiffres.
Les enfants chiants ça existe, mais la (non) domination n’y est pour rien
Au grand bonheur des boomers (de rien), ces poncifs bien rodés sont difficiles à démonter simplement. De facto, il existe bien des enfants considérés comme « insupportables ». Parfois, les raisons de leur comportement sont médicales ou contextuelles. Parfois, leurs parents sont effectivement démissionnaires, submergés ou indifférents.
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C’est aussi vrai que de plus en plus de parents souhaitent abolir les rapports de domination intrafamiliaux. Néanmoins, ces deux éléments ne sont pas liés entre eux, c’est prouvé. Égalité ne signifie pas laxisme et démission. La domination et l’autorité aussi font des ravages, chiffres à l’appui – bis.
Et à ceux qui me répondront qu’autorité ne veut pas dire autoritarisme, je répondrai que voir son enfant comme un égal, ne signifie pas non plus qu’on le considère comme notre copain.
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Les Commentaires
Je mets ça en dehors des parents démissionnaires qui ne s’occupent pas de l’enfant en crise mais ce n’est certainement à ce dernier de savoir se contrôler.