Depuis que j’ai environ quitté le collège, je n’ai plus jamais le temps de m’ennuyer.
Et ça n’est pas une bonne nouvelle.
L’ennui, mon meilleur ami
Je rêve de m’ennuyer. S’ennuyer, c’est le top dans la vie, vous saviez ?
Attention, pour moi, s’ennuyer ne veut pas dire glander (même si j’apprécie et maîtrise également cet art).
S’ennuyer signifie surtout à mon sens avoir du temps, un espace mental 100% disponible, et pour autant n’avoir rien à faire « d’obligatoire ».
S’ennuyer, c’est quand la vie te laisse tellement tranquille, que ça en devient chiant.
Je me revois enfant, trainer ma peau sous le nez de ma mère qui m’assurait que « c’est très bien de s’ennuyer ».
J’aurais préféré qu’elle me donne une idée de truc à faire, un dessin animé jamais vu, ou un Kinder Bueno.
Mais je comprends aujourd’hui ce qu’elle voulait dire par là, car je réalise à quel point l’ennui a été un moteur de ma créativité.
Coincée dans ma campagne, sans enfant de mon âge aux alentours, j’ai passé moult samedis après-midis à bricoler, dessiner, couper, coller, peindre pour ne pas sombrer dans la désolation.
L’ennui est le meilleur ami de l’imagination, un terreau fertile dans lequel ont germé mes passions, surtout pendant cet été absolument emmerdant, il y a 13 ans.
L’été où je ne suis pas partie en vacances
Chaque année depuis ma naissance, j’ai eu la chance de partir une semaine en vacances à la mer avec mes parents.
Puis les hormones sont passées par là, et j’ai décidé, vers l’âge de 16 ans, que j’étais trop vieille et trop rebelle pour participer à ce genre d’excursion.
Je vous avoue qu’avec le recul et la pauvreté, je me demande bien comment je pouvais cracher sur une semaine de soleil tous frais payés.
Mais cette décision a priori peu judicieuse m’a permis d’emprunter un chemin qui fait on ne peut plus de sens a posteriori .
Il y a 13 ans, pour la première fois, je ne suis donc pas partie en vacances…
Sauf que mes amies, si.
J’étais toujours coincée dans la campagne de mon enfance, j’étais absolument seule et l’unique but de mes journées était d’attendre ce qui passerait à la télé le soir.
Bref, je m’emmerdais sévère.
Comment l’ennui m’a permis de créer
S’ennuyer, c’est sympa si ça ne dure pas trop longtemps. Il me fallait un but, une autre raison de me lever le matin que Fort Boyard.
Heureusement, Dailymotion venait littéralement d’être inventé et un copain m’avait montré comment y trouver tous les épisodes de South Park, ce qui était assez révolutionnaire pour l’époque, #jai112ans.
En me baladant sur la plateforme, j’y découvris ce qu’on appelait alors des « groupes », similaires à ceux de Facebook, et notamment un dont les membres se lançaient mutuellement des défis à relever en vidéo.
Notez que youTubeur était encore bien loin d’être un métier, et que ces petites communautés s’amusaient entre elles dans l’innocence et la bienveillance les plus totales.
Super, me dis-je, j’adore justement jouer la comédie devant la caméra depuis que mon père me filmait enfant, refaisant les petites annonces d’Élie Semoun.
Entre temps, je me suis aussi découvert une passion pour la photo et la réalisation car j’ai la chance de posséder un petit appareil numérique.
Parce que je ne sais pas rester sans rien faire, je décide de tuer mon ennui en réalisant des « films ».
Mes premiers montages sur Internet
La toute première vidéo que je mets en ligne est un montage sur une chanson triste de Radiohead. J’ai filmé les arbres qui bougent dans le vent, la vue de la fenêtre de ma chambre, des objets…
La mélancolie adolescente est palpable. « Un piti montage pr ceux qui s’ennuient » nous dit la description.
Je passe ensuite deux jours à diriger ma petite cousine de 4 ans, qui habitait tout près de chez moi, pour réaliser un clip dans lequel une enfant seule dans une maison fait tout comme les grands.
Le montage (sur le logiciel gratuit de Windows) me tient occupée quelques après-midis. Je reçois mes premiers commentaires positifs qui m’encouragent à poursuivre mes expérimentations.
Puis j’intégre l’un de ces groupes sur lesquels les gens se lancent des défis. Je reçois le challenge de faire un playback de Scatman, puis de la chanson Bécassine de Chantal Goya (jamais je ne vous donnerai les liens, vous m’entendez ? JAMAIS.)
Quelle joie de faire l’imbécile et de pouvoir le partager avec mes nouveaux amis virtuels. Je n’imagine pas à l’époque qu’une dizaine d’années plus tard, ce sera exactement comme ça que je gagnerai ma vie.
Merci l’ennui pour cet été passionnant
Cette expérience positive me conforte dans ma passion (et rend toute ma famille très fière).
L’été suivant, l’ennui me rattrape à nouveau. Je le passe à écrire un court-métrage avec un copain qui s’emmerde autant que moi.
Je mesure aujourd’hui la chance que nous avions de pouvoir passé des journées entières à nous consacrer à ce projet qui n’avait d’autre but que de nous distraire.
Nous suivions notre envie, sans aucune pression, sans autre objectif que remplir le vide avec quelque chose qui nous faisait plaisir, qui nous motivait.
Qualques années plus tard, je me suis spécialisée en télé pendant mes études de journalisme et je suis arrivée sur le marché du travail en tant que réalisatrice/monteuse.
Quand on relie les points a posteriori, c’est fou de voir comme tout s’imbrique, dingue de constater qu’un été d’ennui absolu il y a 13 ans a été le point de départ d’un parcours qui continue de se dérouler aujourd’hui.
Chérissez donc ces moments de rien, où vous êtes pomax, dans lesquels votre seule richesse est le temps.
L’inspiration viendra quand votre âme n’en pourra plus de ce mortel ennui, et elle pourrait bien le transformer en une aventure passionnante.
Et toi, comment tu mets à profit tes moments d’ennui ?
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