Alors que ses amours pour le jazz et son obsession pour les tourments d’artistes font d’ordinaire l’unanimité auprès du public et de la critique, Damien Chazelle est aujourd’hui loin de conquérir tous les cœurs.
En signant pour Netflix les deux premiers épisodes de la série The Eddy (les six autres sont réalisés par Houda Benyamina, Laïla Marrakchi et Alan Poul), ode au jazz et à un Paris sud sous les graffitis, le cinéaste de seulement 35 ans divise les foules.
À raison ?
The Eddy, de quoi ça parle ?
Elliot Udo (Andre Holland) a connu ses heures de gloire. Jazzman new-yorkais de renom, il touche à tous les instruments, mais n’est jamais meilleur que derrière un piano.
Désormais loin des États-Unis et du succès d’antan, Elliott tient un club de jazz parisien, où la clientèle vient à manquer.
Ça n’est pourtant pas faute de redoubler d’efforts, de courir après ses musiciens et de les pousser (à l’instar de Terence Fletcher dans Whiplash) dans leurs retranchements.
Entre Elliot et sa fille, par ailleurs, c’est le froid polaire.
Il faut dire qu’Elliot est davantage préoccupé par son club que par ses fonctions paternelles et que l’adolescente est bien décidée à vivre comme elle l’entend, en faisant fi des ordres de son père.
Entre eux deux, quelque chose est latent. Un drame. Un deuil.
Ainsi, les fantômes du passé hantent cette relation, le club de jazz et les talents d’Elliot.
D’autant que Farid, le gestionnaire du club, est sans doute impliqué dans des affaires douteuses, compromettant la sécurité des membres du clan The Eddy.
Entre passé familial trouble, talent en berne, dépression et magouilles, The Eddy joue du côté obscur de la scène.
The Eddy, qu’en dit la critique ?
La critique américaine est plutôt mitigée, et il en est de même pour la critique française.
Le Point Pop a par exemple titré : « The Eddy, comme une envie de tirer sur le pianiste ! », et Libération a écrit : «The Eddy, fuite de jazz ».
À l’inverse Télérama a titré : « The Eddy sur Netflix : sous le charme de l’entraînante série de Damien Chazelle ».
Partout ailleurs sur la toile, à l’image de ces trois exemples, deux clans distincts se dessinent : les séduits de la première heure, et les déçus.
Toutefois, même les détracteurs de la série soulignent ses points positifs. Car il n’y a pas à dire, The Eddy n’en manque pas…
Les beautés multiples de The Eddy
Dans le paysage parfois un brin aseptisé des séries Netflix, The Eddy
fait figure d’OVNI.
Chaque épisode dure plus d’une heure, et fait un focus sur un personnage précis.
L’image est très grainée, la caméra essuie des secousses, vole librement d’une action à l’autre dans l’agitation, le temps est ralenti, la musique omni-présente, tout comme les bruits d’un Paris en ébullition : pas de doute, The Eddy est bourrée de charmes.
Dès son introduction, le jazz porte les drames et l’intrigue.
Les morceaux composés par Elliot sont aussi mélancoliques que lui, et dans son club aux airs de vieux rade où je passerais bien ma vie à boire du whisky, le temps semble s’être arrêté.
Surtout quand Maja chante.
Dès lors, j’aurais aimé que toute la série se concentre sur ses premières et belles intentions : le récit d’un club en mal d’amour public, un lieu en reconquête, le théâtre de sentiments contrariés, timides ou avortés.
Mais la série s’éloigne finalement de ses ambitions humanistes et musicales pour prendre la route du thriller. J’y reviendrai plus tard.
Ce qui est tout à fait admirable, dans The Eddy, c’est qu’elle est le stricte opposé du film qui a valu l’Oscar du meilleur réalisateur a son créateur : La La Land.
Après ce succès lumineux qui a suivi celui de l’excellent Whiplash, Damien Chazelle aurait pu continuer sur le même ton.
Mais il a décidé de prendre le contrepied de son œuvre acclamée, en réalisant deux premiers épisodes sombres et déprimés.
La La Land, c’était glamour, coloré, Hollywood, gloire et beauté, le tout quasiment uniquement porté par des acteurs blancs.
The Eddy, c’est tout l’inverse. Les personnages sont abîmés, ont abandonné leurs rêves de gloire, les décors sont très urbains et le casting fait la part belle à la diversité ethnique.
Un virage qui se tient et qui met en lumière tout l’éventail des talents de Damien Chazelle.
Ainsi, The Eddy n’a rien en commun avec les autres séries de la plateforme, ce qui la rend déroutante.
J’ai justement adoré me sentir un peu secouée dans mes habitudes de consommatrice. Toutefois, certains points de la série sont venus ternir mes émois premiers…
Les heures sombres de The Eddy
Si je ressors de The Eddy un peu déçue, c’est parce qu’elle a emprunté un chemin auquel je ne m’attendais pas.
Au départ, je me suis lovée dans son ambiance jazzy, impatiente d’en découvrir plus sur le club et sur ses personnages.
J’aurais presque aimé ne jamais en sortir, passer mon temps au bar à voir les musiciens s’effriter pour une histoire de tempo, à regarder Elliot apprendre à connaître sa fille, à attendre les clients.
Mais très vite, l’intrigue bascule dans le thriller, et je crois que c’est ce qui fait perdre de son charme au programme.
Les petites magouilles de Farid (Tahar Rahim), les suspicions qui pèsent sur Elliot, les addictions malsaines de Julie (Amandla Stenberg) : tout se mêle dans ce qui ressemble du coup à un brouillard opaque m’empêchant de vraiment discerner les enjeux du show.
Par ailleurs, j’ai trouvé les dialogues un poil en-deçà de ce qu’ils auraient pu être.
Il y a avait matière à tant faire en jouant sur les différentes langues parlées dans la série !
Malheureusement, les discussions, empruntées à un naturalisme très Nouvelle Vague, m’ont laissée tout à fait perplexe.
Mais à la fois, je pense que la pauvreté des dialogues est là pour expliquer l’incapacité des personnages à communiquer entre eux car trop embourbés dans leurs propres problématiques.
The Eddy, entre charmes et déceptions
Dès que je trouve un défaut à The Eddy, je la trouve superbe deux minutes plus tard, et je lui pardonne mes quelques déceptions.
Je pardonnerai toujours, de toute façon, à une série créée avec autant d’amour et de spleen.
Parce que si The Eddy m’a perdue via une intrigue trop alambiquée, elle m’a conquise par sa nostalgie infinie.
La même qui fout les poils dans La La Land.
Les deux contenus sont-ils finalement si différents ?
Elliot ne serait-il pas une version désabusée de Sebastian (Ryan Gosling), dont le rêve était également d’ouvrir un club de jazz ? Ou peut-être sont-ils les deux facettes d’un même personnage ?
En tout cas, difficile de rester fâchée bien longtemps contre Damien Chazelle et ses complices, qui m’auront quand même fait passer un week-end étourdissant à goûter toutes les liqueurs du bar de The Eddy.
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Les Commentaires
Je l’avoue, j’ai été clairement déçue. Peut-être parce que j’ai adoré Whiplash et qu’il y avait un beau casting franco-américain, que l’histoire était assez singulière par rapport à ce que se fait dans l’univers des séries françaises.
Le truc je crois que ne me fait pas accrocher, c’est le fait que les personnages ne sont vraiment pas attachants. Et je trouve ça hyper dommage parce qu’il y a un paquet de monde ! Et qu’il se passe des trucs qui devraient prendre au trip (spoiler:
Et en fait, ben non. Elliot me paraît juste à être un gros con, donc quand il lui arrive des emmerdes, je n’ai pas pitié pour lui, je me dis juste: « ben ouais, mais ça arriverait pas si il était con aussi » … sa fille est vraiment la caricature de l’adolescente rebelle et écervelée. ( la fameuse scène: « kikou je suis américaine et je veux de la coke ! »on est pas loin d’une alerte au gogole quand même ).
Ne parlons pas de la chanteuse, qui est quand même la personne la moins professionnelle qu’on puisse voir dans un club de musique.
Quand aux musiciens, ben ils font un peu arrière-décor et qu’ils subissent le drama quotidien.
Le seul personnage pour lequel j’avais un début de sympathie c’est
Je peux comprendre que la caméra sur l’épaule c’est un peu dur à regarder, après moi ça ne me dérange pas plus que ça. Ça créé une idée de tourbillon, une sorte de métaphore d'une vie qu'on arrive pas à maitriser comme peut se l'imaginer Eliott. Bon après je ne me suis fait que 2 épisodes donc peut-être que Chazelle a un peu abusé de ce stylé 200x par épisode je ne sais pas.
La vraie réussite pour moi reste le choix de filmer Paris sans tomber dans le côté Tour-Eiffel-oh-my-god-paris-so-chic. C’est rafraîchissant de voir des appartements, des rues qui ressemblent quand même plus au quotidien de cette ville (bon ça reste le Paris bohème mais c’est quand même ça).
J’ai vu passer une critique sur le choix racial du casting mais je trouve au contraire qu’il laisse vraiment la part aux acteurs non blancs, ce qui est quand même un exploit pour une série française avec une grosse production, un réal hyper bankable et un super beau casting. A part la chanteuse (qui est d’ailleurs plus souvent absente que présente sur scène) et la batteuse qui fait un peu office de figurante, y’a clairement pas beaucoup de blancs. C’est un peu triste à dire, mais dans le milieu des séries françaises, ça reste un peu un exploit.
Si j’ai la foi de recommencer la série, je ferai un update.