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Je suis atteinte du syndrome de Little, et je le considère comme une force

Jennifer est atteinte du syndrome de Little, qu’elle considère maintenant comme une force. Elle vous raconte son combat contre la maladie, et sa façon de voir la vie !

J’ai toujours adoré l’eau, sentir mon corps en apesanteur, pouvoir le bouger sans efforts… D’ailleurs, quand j’étais petite, La Petite Sirène était devenue un réel problème : je m’identifiais un peu trop à elle ! Rêveuse, mélodieuse, déterminée, téméraire, amoureuse de tout et de rien… Un peu comme moi, c’était une fille qui souhaitait avoir de « vraies jambes » et qui se baladait souvent en soutif. La différence, c’était la source de notre désir de gambader sans entraves.

Le syndrome de Little

Lorsque les autres enfants de mon âge ont commencé à marcher, moi je suis restée clouée au sol. Les médecins disaient que « je me faisais paresseuse », mais mes parents voyaient bien que quelque chose ne tournait pas rond avec mes guiboles. Balayant d’un revers de la main les conseils des médecins qui les laissaient perplexes, ils ont préféré frapper directement à la porte des plus grands professeurs spécialisés dans l’analyse de la marche du pays. Et c’est comme ça que mes jambes m’ont emmenée aux quatre coins de la France, alors qu’elles ne fonctionnaient pas.

À Paris, un docteur a posé le doigt sur ma pathologie en y mettant un nom : le syndrome de Little. Il a aussi soigneusement expliqué à mes parents qu’à cause de cela leur enfant ne marcherait probablement jamais. Je n’imagine pas ce qu’ils ont dû éprouver à ce moment-là, mais je sais que mon père l’a mal vécu. Quant à ma mère, qui a toujours adoré la perfection, cela a dû être difficile d’admettre que son enfant n’était pas parfait.

Le syndrome de Little est une maladie psychomotrice qui touche de près les membres moteurs du corps. Dans mon cas, elle est due à une naissance prématurée et une hémorragie cérébrale lorsque les médecins ont tenté de me réanimer… Autant vous dire que je reviens de loin et que mes premiers pas dans le monde étaient déjà mal partis.

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Vulgaris Médical définit le syndrome (ou maladie) de Little comme :

« une affection neurologique de sévérité variable, entrant dans le cadre des encéphalopathies infantiles, et se caractérisant par une paralysie plus ou moins importante des deux membres supérieurs ou inférieurs (paraplégie) de type spasmodique, et qui apparaît dès les premiers mois de la vie chez les enfants présentant une anoxie (difficulté respiratoire) et une ischémie (insuffisance d’apport sanguin) des tissus nerveux lors d’un accouchement difficile. »

J’ai toujours eu l’impression que l’on collait le nom de cette maladie à toute pathologie qui troublait la mobilité. Comme si un mec en blouse déclarait un truc du genre :

« Tiens bah toi, on ne sait pas exactement ce que tu as, mais comme tu as du mal à te mouvoir on va te diagnostiquer un syndrome de Little, et tu te contenteras de ça ! C’est joli comme nom, ça te plaît ? »

Cette maladie se traduit le plus généralement par une hyper rigidité musculaire pouvant aller jusqu’à une paralysie partielle des membres moteurs, ce qui touche directement la mobilité. Dans la plupart des cas, les personnes atteintes peuvent faire une croix sur leurs jambes et même leurs bras car ce sont les membres principalement touchés par l’affection. Cette dernière est en effet à degrés variables : des personnes sont atteintes plus que d’autres.

Cette maladie peut également avoir des conséquences sur la concentration, la mémoire et même sur l’orientation car les personnes sujettes au syndrome de Little ont plus de mal que d’autres à se repérer, à se situer dans le temps et l’espace. Au niveau de l’état de santé général, les réjouissances comptent de l’insuffisance respiratoire, des migraines, de l’anémie, des contractures et autres malaises vagaux. Car la maladie s’en bat les cacahuètes qu’on soit potentiellement quelqu’un de bien qui ne mérite pas cela. Elle me dessine même de vilaines cernes sous les yeux qui feraient sourire un panda tellement mon sang est mal oxygéné…

Toujours d’après le Vulgaris Médical, la maladie est détectable vers l’âge de six mois :

« L’enfant ne tient pas bien sa tête et présente une rigidité des membres inférieurs accompagnée d’une diminution de la possibilité de mobiliser les membres (motilité). Quelquefois, ce sont les membres supérieurs qui sont atteints.

Dans certains cas, l’enfant est normal jusqu’à huit ou neuf mois, âge auquel quelques signes apparaissent : difficulté à relever la tête quand il est couché sur le ventre, difficulté à se retourner sur le ventre, impossibilité de se soutenir sans appui des mains et du dos.

En ce qui concerne le psychisme, l’intelligence est conservée dans les formes mineures et de gravité moyenne.

Quelques cas d’épilepsie ont été rapportés et la scolarité est marquée par un retard essentiellement au cours préparatoire et pendant les classes élémentaires. Elle touche spécifiquement la lecture et l’écriture.

En ce qui concerne les formes sévères, l’épilepsie est plus fréquente (10 à 20 % des cas) et l’intelligence généralement altérée. »

Heureusement, je n’ai pour ma part pas encore eu le droit aux crises d’épilepsie.

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Le combat contre la maladie

Petite, je n’avais peut-être pas de jambes mais j’avais des bras, et je rivalisais d’ingéniosité pour m’évader de mon lit d’enfant à barreaux ou pour me diriger d’un point A vers un point B en me fixant des objectifs. Ce qui était curieux, c’est que mes jambes, qui refusaient pourtant de me porter, bougeaient. Je pouvais donner des coups de pied et me battre avec mon frère, qui se trouvait être mon colocataire de poussette à la même époque. Mes jambes n’étaient donc pas totalement foutues et je pense que c’est cela qui a permis à mes parents de reprendre espoir.

Je me suis fait opérer à l’âge de 3 ans. C’était inespéré et mes parents ont accueilli la nouvelle comme s’ils avaient gagné au Loto. Cependant ils ont été confrontés à la jalousie que pouvaient éprouver d’autres parents, démunis face à la maladie de leur enfant qui restait dans leur cas inopérable… En effet, je me trouvais à ce moment-là dans un centre de rééducation avec d’autres bambins atteints du syndrome de Little. La maladie étant à degrés variables, je n’ose imaginer ce que ces parents ont pu ressentir…

Malgré le caractère inespéré de cette opération, mon entourage a souffert en me voyant me tordre de douleur. À 3 ans je n’étais qu’un bébé, mais cet épisode a laissé un souvenir indélébile dans mon esprit. Je me revois pleurer, crier à m’en égosiller la voix tout en réclamant mes proches dans l’espoir qu’ils soulagent la douleur alors qu’ils étaient impuissants.

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Puis, un beau jour, ça a été « Lève toi et marche !». Mon pied a foulé le sol et je me suis tenue debout sur mes jambes pour la première fois. Ce n’était que le début du combat. Il n’y a pas vraiment de traitement pour cette pathologie, mais suivre une rééducation intensive et subir des interventions chirurgicales aide beaucoup — quand c’est possible. Mon enfance et mon adolescence ont ainsi été rythmées par les hospitalisations et les opérations.

Et comme je ne suis pas (encore) Wonder Woman, certaines décisions de santé se sont faites au détriment de ma scolarité, ce qui m’a menée à avoir plusieurs années de retard sur mes camarades de classe. Malgré tout mes parents ont toujours mis un point d’honneur à ce que je suive un cursus scolaire normal. La rééducation étant toutefois impérative, je devais tout de même interrompre les cours pour faire des séances de rééducation dans un centre spécialisé tous les après-midi jusqu’à mon arrivée en primaire. C’était un peu « Éclatez-vous bien avec votre pâte à modeler les mecs, moi j’ai kiné ! Ciao et à demain ! ».

En primaire et au collège, avec le rythme scolaire devenant plus soutenu, j’ai dû passer à deux ou trois séances de rééducation par semaine après les cours.

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Mon univers impitoyable

Ah le collège, cet univers impitoyable… Il faut savoir que je marchais, mais mal. Comment pourrais-je vous décrire ma façon de marcher durant toute cette période-là… N’y allons pas par quatre chemins : je marchais de la même manière qu’un canard déséquilibré, à savoir les pieds tournés vers l’intérieur. Malgré tout, je me suis toujours sentie comme n’importe quelle fille de mon âge. J’aurais pu subir les moqueries et autres quolibets de mes camarades, mais cela n’a jamais été le cas. Au contraire, ils adoptaient un comportement protecteur.

Étant différente, je suis consciente que j’aurais pu servir de « tête de turc », comme d’autres de ma classe qui n’avaient pas de chance, mais là encore cela n’était pas mon cas. Peut-être parce que j’avais un peu de personnalité, qui faisait oublier mon handicap, et parce que j’ai toujours été entourée d’amis et de personnes aussi incroyables qu’adorables.

Avec le collège est survenue l’adolescence, et ses bouleversements que tout le monde connaît. Le rapport que j’entretenais avec mon corps n’était pas simple. Grande, plate, maigre avec des jambes graciles et grêlées de cicatrices… J’étais devenue le sosie humain d’un coton-tige avec la chevelure indomptable de Diana Ross. Ajoutez à cela mes cernes de panda, mon teint cadavérique de fille anémiée et ma démarche en canard : j’avais tout de la reine de beauté « made in The Walking Dead ».

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Comment je me voyais.

Bon, peut-être que j’exagère un peu parce que cela n’empêchait pas certains de me trouver mignonne, mais voilà, j’étais bourrée de complexes, incapable de me trouver jolie ! Je me savais différente, sans me sentir différente. En effet, je ne me suis jamais considérée comme handicapée et on ne m’a jamais considérée comme telle. Même dans mes rêves, ma démarche a toujours été normale. Mais me sachant tout de même malade, j’avais cette idée folle qu’aucun garçon ne pouvait s’intéresser à moi, alors je me faisais extrêmement timide et refusais toutes avances.

Être une feeemme

À mon entrée au lycée, mon corps de femme a cependant pris place. J’avais enfin des formes que je n’attendais plus — j’avais fait le deuil, inconscient, de l’idée d’avoir des seins un jour. Je commençais réellement à ressembler moins à un coton-tige et plus à quelque chose, et j’avais, mon Dieu, réussi à dompter ma tignasse ! À partir de là, beaucoup de choses ont changé… à commencer par mon regard sur mon corps.

J’ai toujours su attirer les regards, qu’ils soient curieux ou admiratifs. J’intrigue malgré moi. Enfant, le regard des autres me dérangeait un peu mais maintenant il m’amuse : j’ai appris à en jouer tout en me sentant féminine. D’ailleurs je trouve qu’il est important de se réconcilier avec son corps après avoir eu tant de mal à l’apprivoiser. J’aime le mien, aussi mal fichu soit-il.

Désormais j’arrive même à trouver mes cicatrices jolies. Elles sont pour moi une douce piqûre de rappel encrée sur ma peau qui signifie que je reviens de loin. Elles me sont précieuses et restent un message de vie. Ce sont mes blessures de guerre, les vestiges de mon passé, souvenirs de chaque bataille gagnée.

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Aussi loin que je m’en souvienne, on m’a toujours demandé ce que j’avais aux jambes ou pourquoi je boitais. Jusqu’à la quatrième, je déballais pour seule explication à qui voulait savoir toute la définition de ce fameux syndrome de Little. Aujourd’hui je m’en fiche. Les gens pensent automatiquement que je boite à cause d’un accident et pas d’une maladie. Et quand je leur demande ce qui leur fait penser cela, la plupart me répondent tout naturellement que je n’ai pas le physique d’une handicapée… Ce qui a le don de me faire grincer des dents.

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Le handicap, les autres et moi

Je pense que dans l’inconscient collectif, il est mal vu d’être une personne ayant un handicap ou porteuse d’une maladie orpheline sans être moche et parfaitement stupide. Cela est même devenu un tabou car on croit que la maladie est toujours vécue comme une expérience traumatisante, alors que ce n’est pas forcément le cas. Ce ne sont que des clichés, et je ne pense pas être « l’exception » qui échappe à cette règle imaginaire.

Le handicap, ce n’est pas seulement une enfant qui se fait arracher la jambe en posant malencontreusement le pied sur une mine ou une personne dont l’ADN a été altéré. Ce n’est pas seulement une personne assise dans un fauteuil roulant, ni une personne isolée dans ses pensées, ni même une personne n’ayant pas la faculté d’entendre, de voir, ou même de parler. Handicap. Quel mot absurde et farfelu !

Pour être honnête, ces trois syllabes font peur. Même à moi, je l’avoue. Pourtant, être handicapé•e signifie vulgairement ne pas être « normal•e ». Mais n’est-ce pas mieux, dans un sens, de se savoir unique sans se sentir pour autant différent•e ? On oublie souvent que le handicap ne qualifie pas une personne, mais que c’est la personne qui subit le handicap. Personnellement, je vois la maladie comme une force et non comme une entrave ; sans elle, je ne serais définitivement pas la même.

La maladie me pousse à vivre et à savourer chaque instant. Alors oui, j’intrigue malgré moi et j’en ai pris l’habitude. Je ne vais pas m’excuser de me sentir bien dans ma peau et d’avoir du caractère, ou même d’avoir un cerveau. Je ne suis pas à plaindre. J’ai une maladie psychomotrice, elle fait partie de moi, mais je ne suis pas « que ça ». Je suis juste une femme avec ses défauts et ses aspirations, qui aime croquer la vie à pleines dents et qui se sent désormais bien dans ses baskets.

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Et maintenant ?

De nos jours, avec l’avancée médicale, le suivi des grands prématurés comme moi est sous meilleur contrôle qu’il y a quelques années, et ils ont donc moins de chances de développer le syndrome de Little. Quant à moi, je m’en sors plutôt bien et surtout je marche mieux.

Je fais de la rééducation tous les jours et je n’aurais pas pu espérer meilleur kinésithérapeute pour me suivre. Il est devenu mon partenaire de crime en m’aidant à repousser la maladie, ainsi qu’un ami.

D’ailleurs ma meilleure amie, ma soeur, mon frère jumeau, ma famille et mes amis sont présents dans ma vie de tous les jours et ils ont toujours fait en sorte que je me sente bien dans ma peau sans pour autant me considérer aussi fragile qu’un morceau de sucre. Je ne les en remercierai jamais assez ! Cela m’a aidée à m’épanouir et à avoir confiance en moi.

La maladie n’a jamais été une barrière, je profite de la vie. Elle ne m’empêchera jamais de voyager, de tomber amoureuse, d’avoir de l’ambition, ni de faire de belles rencontres ou de réaliser mes rêves. Je suis actuellement en licence, et si je ne suis pas tout à fait sûre de la suite, ce n’est pas à cause de mon handicap mais d’une pure question d’orientation : je cherche encore ce que je veux faire. Je ne suis malheureusement pas devenue une sirène, mais rien ne m’empêche de garder espoir !

Si j’ai souhaité témoigner, c’est pour vous encourager à vous accepter et à apprendre à vous aimer vous-même avant d’aimer les autres. Ne vous cachez pas, soyez vous-même ! Peu importe que vous soyez malade ou non, la vie est trop courte pour se préoccuper de ce que les gens pensent.

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Les Commentaires

14
Avatar de Pixieslechat
16 novembre 2015 à 23h11
Pixieslechat
@Lilicinéphile, Merci pour ces jolis compliments, merci de m'avoir lu !!
Coeur sur toi. Je crois que tout le monde à besoin d'un peu d'amour en ce moment.
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