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Si les sitcoms étaient ré-écrites par des féministes…

Si les sitcoms étaient ré-écrites par des féministes, elles seraient certainement plus originales, et mille fois plus pertinentes. À bon entendeur…

Le problème avec le féminisme, c’est qu’il vous fait le même effet que la pilule rouge dans Matrix : une fois que vous l’avez avalée, vous ne pouvez plus jamais revenir en arrière. Le monde qui vous semblait intangible et concret vous apparaît soudainement comme une succession de constructions artificielles, un système de domination hiérarchisé, au sommet duquel règne l’homme blanc hétérosexuel.

À lire aussi : Messieurs, l’égalité hommes-femmes ne se fera pas sans vous

Vous voyez désormais les injustices, les biais sociaux qui favorisent l’un ou l’autre genre, l’une ou l’autre ethnie dans la hiérarchie sociale. Des phrases anodines du quotidien, que vous remarquiez à peine et que vous aviez certainement déjà utilisées vous-mêmes, vous apparaissent soudainement sous leur vraie nature : des véhicules de préjugés sexistes et/ou racistes.

La pop culture est imprégnée de ces clichés, et je dois bien avouer que par moment, je suis fatiguée de voir sans arrêt les mêmes stéréotypes sexistes émailler les films et les séries que je regarde. Non, je ne peux pas faire abstraction de ces micro-agressions, tout comme Néo ne peut plus dire à Morphéus « wého, ça craint ce truc : je vais plutôt retourner peinard dans la Matrix, faire semblant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, salut ».

Le pire dans cette histoire, c’est que la solution est extrêmement simple : il suffirait d’inclure davantage de femmes dans les réunions d’auteurs de sitcoms. Ça ne règlerait pas immédiatement le problème, car il ne suffit pas d’être une femme pour être immunisée contre le sexisme (loin de là !) mais on augmenterait ainsi la probabilité pour que quelqu’un dans la salle remarque que les femmes sont cruellement sous-représentées, et/ou mal représentées.

À lire aussi : Le problème de la représentation, expliqué par Mirion Malle

Si le sexisme ordinaire était proscrit…

Cynthia Kao nous offre un aperçu de ce que pourraient être les sitcoms, réécrites par des féministes. Elle a repris des extraits de séries télé du genre de celles qui passent pendant l’après-midi, qui ne sont pas des chefs-d’oeuvre niveau finesse du scénario, si vous voyez ce que je veux dire.

Elle a sélectionné des passages contenant un stéréotype sexiste, et fait une version doublée de la scène en proposant une alternative féministe. Traduction et commentaires par votre serviteur !

https://youtu.be/OVnpZlKgo18

« Mon avis sur les vagins est le même que celui que j’ai à l’égard des États-Unis : je les adore, mais parfois, ils font des choses qui me dégoûtent. »

La version réécrite par une féministe, ça donne :

« Mon avis sur les vagins est le même que celui que j’ai à l’égard des États-Unis : je suis reconnaissant d’y être accueilli. »

Eh oui, merci de garder à l’esprit que contrairement aux États-Unis, qui sont un territoire, le vagin est un organe qui appartient à une personne humaine. Il est bien malvenu de le critiquer, comme si quiconque d’autre que moi avait la légitimité d’exprimer une opinion sur mon propre corps. Cordialement, bisou.

Le slut-shaming en milieu professionnel

« Tu as vu comment elle est habillée ?

Mon dieu, il faut vraiment qu’elle se couvre davantage.

Je ne comprends pas que les RH ne l’aient pas déjà convoquée et recadrée pour tenue inappropriée.

Mais enfin ! Je te parie qu’elle a déjà couché avec tout le département des ressources humaines ! Comment tu crois qu’elle a fini par être la meilleure vendeuse de notre service ? »

Nous assistons à une scène de slut-shaming tout ce qu’il y a de plus classique. Une femme est habillée de manière à se mettre en valeur, confortable dans ses fringues et son corps, et elle est en interaction avec des personnes du sexe opposé. Et donc, des collègues, nécessairement féminines, nécessairement jalouses, en profitent pour répandre des rumeurs inappropriées sur son compte. C’est pas très original, dites donc.

Voyons la version féministe :

« Tu as vu comment elle est habillée ?

Hey, quand on a des atouts, pourquoi se priver ?!

Je trouve que c’est une belle inspiration, de voir qu’elle peut être à la fois très féminine, et s’imposer comme la meilleure vendeuse du service.

Et dire que pendant tout ce temps, j’ai cru que je devais ressembler aux hommes et imiter leur comportement pour réussir dans l’entreprise. »

On oublierait presque qu’en France, près de 80% des personnes actives évoluent dans des environnements non mixtes. L’entreprise reste un univers très masculins, dont les codes de performances font souvent écho à ceux de la virilité. Et vous pensez que ça influe sur le comportement des femmes dans l’entreprise ? Ho ?

À lire aussi : « Au travail, c’est le talent qui compte » : une campagne pour la mixité des métiers

« Et ils vécurent heureux … »

Une femme accomplie ne saurait l’être sans un mari ! Un dicton sexiste fort connu, puisque de nombreuses femmes l’intègrent dès leur plus jeune âge. La carrière c’est bien, mais sans famille, c’est un sacrifice ! Il va donc de soi dans la tête de nombreux scénaristes que quoiqu’elles en disent, LES femmes aspirent toutes à trouver l’âme soeur. Car toutes les filles ont les mêmes aspirations (non), et sont toutes hétérosexuelles, ou à minima bisexuelles. Dites donc.

À lire aussi : « NOULÉFILLES », cet agaçant syndrome de Stockholm

« Hey, ta meilleure amie a toujours dit « le mariage n’est pas un beau prospect », quel que soit le sens de cette phrase, et tu ne la traites pas d’abrutie !

Toutes les filles veulent se marier, ok ? Et Denise pense peut-être qu’elle est super cool maintenant, avec son attitude dédaigneuse vis-à-vis du mariage, mais une tempête approche, et elle s’appelle « la crise de la quarantaine ». Alors elle ferait mieux de changer son fusil d’épaule, ou elle finira par être cette tata étrange aux cheveux courts, qui ramène « un•e ami•e » à toutes les occasions.

Oh mon dieu ! »

Qu’est-ce que je vous disais. Une femme vous dit qu’elle ne veut pas se marier ? Elle ment, pour sauver les apparences. Au fond d’elle, elle rêve à des fiançailles romantiques. Ou alors, elle changera d’avis plus tard, et regrettera son choix hâtif et contre nature. C’est obligé.

…ah, vraiment ?

« Hey, ta meilleure amie a toujours dit « le mariage n’est pas un beau prospect », quel que soit le sens de cette phrase, et tu ne la traites pas d’abrutie !

Ce qu’elle veut dire, c’est que notre culture dit aux femmes que leur valeur vient de leur capacité à susciter le désir d’un homme, et que notre estime de nous-mêmes est à son apogée le jour de notre mariage ! Ce qui, historiquement, a conduit des femmes à interromptre leur développement personnel en attendant de trouver un homme à marier, pour se rendre en compte par la suite qu’elles n’étaient pas épanouies ! Bien sûr que pour certaines personnes, cette formule marche, mais il y a peut-être une raison au fait que les contes de fées s’achèvent dès que la princesse se marie.»

À lire aussi : Avoir une carrière ou une famille, il faut choisir ?

La jalousie, ce démon féminin…

« Brook Cavanagh, elle a 26 ans, elle vient d’Orange County, elle enseigne dans une classe prépa, elle a gagné un concours publié dans le New York Times. Ok, en résumé : c’est une traînée. »

Alors ça, c’est gratuit comme insulte, non ? Non, vous n’avez pas reconnu le schéma vu précédemment ? En environnement professionnel, la femme est une hyène pour la femme : elles s’entre-dévorent, selon la loi naturelle évidente, qui veut que les femmes sont toutes concurrentes (pour l’attention du mâle bien sûr, suivez un peu).

À lire aussi : Anatomie de la jalousie 2.0

J’ai du mal à qualifier cette nouvelle version de « féministe », c’est plutôt une réécriture logique si vous voulez mon avis :

« Brook Cavanagh, elle a 26 ans, elle vient d’Orange County, elle enseigne dans une classe prépa, elle a gagné un concours publié dans le New York Time. Ok, en résumé : elle est a-do-rable*. »

* Si comme moi tu as entendu « adorbs » dans la vidéo originale, et que tu te demandes d’où je sors « adorable », et bien c’est grâce à l’Urban Dictionary que je décrypte l’argot anglais. Tu sais tout.

La dernière scène doublée est à nouveau extraite d’un lieu de travail. Une blonde énervante s’extasie devant un cadre sup’ encravaté, son café Starbucks à la main.

« Han, je vais être une super stagiaire ! T’es le meilleur, papa ! Je ne te décevrai pas !

Ha. Peut-être pas, cette fois… Il faut bien une première fois à tout. »

Pour être honnête, si je devais réécrire cette scène, je commencerais par virer le cliché de la blonde bécasse, qui réussit à m’être insupportable en l’espace de 6 secondes et une réplique. Voyons ce que donne la version de Cynthia Kao :

« Han, je vais être une super stagiaire ! Je ne te décevrai pas ! [on a donc viré le « merci Papa » qui ne faisait pas très professionnel, et très infantilisant, d’ailleurs.]

Si tu étais mon fils, je te paierais, en fait. »

OOOOH. Et oui, autre grande loi naturelle de l’environnement professionnel : les femmes sont encore et toujours payées en moyenne 27% de moins que les hommes. Le diable est dans les détails : ça commence par un stage, et ça escalade de premier poste en promotions manquées, augmentations rognées. Les femmes ne sont pas entièrement passives dans ce processus, elles contribuent à perpétuer ces écarts de salaires car elles sont globalement moins demandeuses que leurs confrères masculins, qui seront davantage prompts à réclamer une promotion/une augmentation.

Mais il faut bien garder à l’esprit que ces divergences de comportement ne sont pas génétiques, elles sont héritées de l’éducation, différenciée selon le genre. Si les filles réclament moins, c’est en partie une conséquence des principes éducatifs appliqués aux filles, qu’on encourage à être sages, gentilles, calmes, conciliantes, et beaucoup moins à prendre des initiatives, à développer confiance en elles.

À lire aussi : Les stéréotypes de genre sont dangereux pour la santé

Conclusion ?

Si les sitcoms étaient réécrites par des féministes, j’en déduis qu’elles seraient beaucoup, beaucoup moins drôles dites-donc. On serait tenté, de premier abord, de conclure que « les féministes n’ont pas d’humour », mais si on va un peu plus loin dans l’analyse, ne serait-ce pas plutôt parce que… Les discriminations, ce n’est pas drôle ?

Je n’ai pas l’impression que la jalousie caricaturale « entre nanas » soit quelque chose d’hilarant. Et toi, qu’en penses-tu ? Quelles sont les scènes de séries que tu réécrirais ?

À lire aussi : Gone Girl, film misogyne ou exploration d’une glaciale antihéroïne ?


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

8
Avatar de LovelyLexy
1 janvier 2015 à 19h01
LovelyLexy
Je ne connais pas ces séries, mais why not pour la démarche.
Par contre, la version dite "féministe" - "Hey, quand on a des atouts, pourquoi se priver ?!" - me pose question...
Les atouts d'une femme sont donc son physique? (ça me rappelle les "atouts de NVB"
Celles qui ne correspondent pas aux standards de beauté doivent donc "se priver" (bien se couvrir, être discrètes...) ?
J'aurais préféré un "Hey, et si on laissait chacun-e s'habiller comme il/elle l'entend ?"
Ca m'avait aussi dérangé car il y a encore une grosse vision normée de ce que chacun doit porter ( qui est très souvent liée au sexisme, car les injonctions sont présentes pour les hommes, mais moins...): *agisme, grossophobie, thinphobie, slutshaming... Ta version est nettement meilleure.
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