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Sarah Bernhardt
Arts & Expos

Sarah Bernhardt, l’actrice qui inventa la célébrité moderne

À l’occasion du centenaire de sa mort, le Petit Palais met l’actrice Sarah Bernhardt à l’honneur dans une exposition visible jusqu’au 27 août. L’occasion de découvrir toutes les facettes d’une artiste accomplie, pionnière du show business et engagée dans les grandes luttes de son temps.

« Quand même » était sa devise. Une façon de rappeler au monde sa détermination et son mépris des conventions. Née en 1844 d’une mère courtisane, elle découvre le théâtre à l’adolescence et c’est un coup de foudre. À 15 ans, elle entre au Conservatoire d’art dramatique de Paris. En 1862, elle intègre pour la première fois la Comédie Française mais doit aussi subvenir à ses besoins par la courtisanerie. C’est au Théâtre de l’Odéon qu’elle connaît ses premiers succès, en 1869, dans la pièce Le Passant puis en 1972 avec le triomphe de Ruy Blas écrit par Victor Hugo. Elle n’est qu’à l’aube de sa gloire. Phèdre, Andromaque, Hernani, La Dame aux Camélia, Lorenzaccio, CléopâtreL’exposition du Petit Palais retrace les plus grands rôles d’une carrière qui s’étend sur pas moins de cinq décennies, comprend une centaine de pièces de théâtre, ainsi que des films de l’ère du muet à partir de 1900.  

Copie de [Image intérieure] Carré
Sarah Bernhardt, « Mains entrelacées de Sarah Bernhardt et Louise Abbéma », c. 1875, bronze, Londres, Daniel Katz Gallery
ⓒ Daniel Katz Gallery

Richement illustrée de sublimes peintures, affiches et photographies de « la Divine » réalisées par tout le gratin artistique de l’époque, l’exposition fait la part belle à l’actrice géniale, adorée du public, qui ne se lassait pas de son jeu tout en gestes et en spasmes enfiévrés, de ses envolées lyriques et de ses agonies over the top. Si son talent dramatique ne fait aucun doute – Jean Cocteau la qualifie de « monstre sacré » – l’exposition met aussi l’accent sur l’artiste derrière l’actrice. Écrivaine, peintre et sculptrice, elle expose au Salon en 1880 l’œuvre La Jeune Fille et la Mort et réalise de superbes bronzes de son éphémère mari, Jacques Damala ou de son amante Louise Abbéma, également artiste. Exposées au Petit Palais, ces œuvres à la beauté mélancolique et aux détails d’une grande finesse témoignent de son talent de sculptrice. 

Sarah Bernhardt face au sexisme de la presse 

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Jules Bastien-Lepage, « Portrait de Sarah Bernhardt », 1879, huile sur toile, collection particulière ⓒ Christies’s Images / Bridgeman Images
Sarah Bernhardt, « Le Fou et la Mort », 1877, bronze, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, ⓒ Paris Musées / Petit Palais

Sous le feu des critiques de l’époque, elle écrit dans ses mémoires : « On me reproche de vouloir tout faire : théâtre, sculpture et peinture, mais cela m’amuse ! Et je gagne de l’argent, que je dépense ainsi qu’il me plaît ». Une femme indépendante financièrement, qui suit ses désirs sans demander de permission ? Il n’en fallait pas plus pour déchaîner la presse. En 1879, Emile Zola prend sa plume (« Qu’on fasse une loi qui interdise le cumul des talents ! » écrit-il) pour dénoncer le comportement des médias, qui taillent à l’actrice une « réputation romantique et légèrement ridicule d’une femme à moitié folle ». L’écrivain souligne l’obsession pour son corps, les mauvaises blagues sur sa maigreur. Un traitement médiatique sexiste qui résonne avec celui réservé aux actrices, encore aujourd’hui. 

Les rumeurs les plus folles courent sur Sarah Bernhardt : elle ferait rotir ses singes (elle possède une ménagerie exotique), aurait des relations sexuelles avec un squelette et dormirait dans un cercueil (son goût pour le macabre est bien connu) ! Autant de pratiques qui la rapprochent de la sorcière ou de la vampire, ces créatures féminines trop libres… En réponse, Sarah Bernhardt fait tirer des clichés d’elle dans son fameux cercueil et les commercialise en carte postale : c’est le buzz ! 

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Sarah Bernhardt dans son cercueil

Et Sarah Bernhardt créa la star 

Sarah Bernhardt a le sens des affaires et bâtit bientôt un empire sur son nom. Elle devient une star internationale à partir de 1880, où elle part en tournée aux États-Unis. Puis elle se produit dans la langue de Molière (!) en Russie, en Amérique du Sud et jusqu’en Australie, devenant la première actrice de son époque à sillonner les cinq continents. Une salle de l’exposition retrace ses grandes épopées. Alors que les affiches publicitaires font leur apparition en France, elle prête son image à de nombreuses marques : biscuits, médicaments, alcool, poudre pour le visage… Aujourd’hui, on compare ses activités lucratives au métier d’influenceuse. Elle aura par la suite deux théâtres à son nom, qui lui permettent de choisir ses rôles.  

L’exposition retrace également son engagement politique. Victime de caricatures antisémites (elle possède des origines juives par sa mère), l’actrice soutient publiquement Alfred Dreyfus lors de son procès. Fervente patriote qui avait la guerre en horreur, elle avait transformé le théâtre de l’Odéon en hôpital militaire lors de la guerre contre la Prusse en 1870. Puis pendant la Première Guerre mondiale, elle se déplace au front pour soutenir les poilus alors qu’elle a subi une amputation de la jambe en 1915. La dernière section de l’exposition est consacrée à son havre de paix, Belle-île-en-mer, un lieu alors inconnu du tourisme, pour lequel elle a un coup de cœur à la fin 1890. Elle y achète un fortin militaire à la Pointe des Poulains et y réside lors de ses vacances. Inspirée par les fonds marins, elle réalise de saisissantes sculptures aquatiques, visibles au Petit Palais. Son âme d’artiste jamais ne la quitte. 

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Georges Jules Victor Clairin, « Portrait de Sarah Bernhardt », 1876, huile sur toile, Petit Palais, musée des Beaux-arts de la Ville de Paris, ⓒ Paris Musées / Petit Palais


Cent ans après sa mort, le 26 mars 1923 sur le tournage du film La Voyante, Sarah Bernhardt fascine toujours par sa grande modernité. On l’imagine sans mal vivre de nos jours. Refusant les étiquettes, l’actrice a connu des passions amoureuses avec des hommes et des femmes. Elle nourrissait un goût pour le travestissement et l’androgynie. Elle a su capitaliser sur une célébrité dont elle a aussi payé le prix. Par-dessus tout, ce qui frappe et inspire dans la vie de Sarah Bernhardt, c’est sa suprême liberté.


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Les Commentaires

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Avatar de Cafedusoir
15 mai 2023 à 12h05
Cafedusoir
@Bealor C'est surement ça mais dommage que l'article ne le mette pas plus en lumière. Je ne jette pas la pierre à la personne qui l'a écrit, j'ai l'impression que l'article a été retravaillé plusieurs fois pour que ça convienne...
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Voir les 4 commentaires

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