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"Illustration : @badass.blue"
Grossesse

Quand la grossesse te pèse mais que tu ne peux pas le dire

Au quotidien, les femmes enceintes subissent différentes sortes de pression : celle de la société, celle de leur entourage plus ou moins proche et aussi, parfois, celle qu’elles s’infligent elles-mêmes.

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Le mois dernier, je te proposais un article avec des témoignages de lectrices sur le vaste sujet de la loterie de la grossesse. Eh oui, qui dit grossesse dit souvent maux en tout genre et il est impossible de savoir à l’avance à quelle sauce on va être mangée…

Pour ce nouvel article sur ce thème exploitable à l’infini, j’ai eu envie de te parler de la pression qui pèse sur les femmes enceintes : celle d’irradier de bonheur, quoi qu’il se passe dans leur vie, dans leur tête et dans leur corps.

Une représentation de la grossesse idéalisée

Malgré ce qu’essaye parfois de nous faire croire l’imagerie populaire, les neuf mois de grossesse ne sont pas un long fleuve tranquille. Et la femme enceinte n’est pas un être céleste béni de lumière et de plénitude mais bel et bien un être humain, en chair et en os, avec son lot de bons et de mauvais jours, son intelligence, et ses sentiments parfois contradictoires.

Le mythe de la grossesse, Société, 21e siècle
En préparant cet article, je me suis rendue compte que la grossesse manquait cruellement de représentation objective. Dans l’imaginaire collectif, la femme enceinte et sa gestation sont largement idéalisées : parce qu’elle porte la vie, la femme est forcément plus belle, plus lumineuse, comme irradiée par le bonheur qui l’habite. Sa grossesse, qui se passe évidemment sans grosses complications, ne peut être qu’une succession de petits et grands émerveillements. Bref, du grand n’importe quoi.

Je n’aime pas être enceinte

Certaines femmes connaissent effectivement une grossesse idyllique, pregnancy glow (la fameuse aura des femmes enceintes) et libido explosive inclus, mais d’autres sont plus mitigées sur cette expérience. Pour Valérie, qui a vécu deux grossesses très différentes, l’attente chaotique de son deuxième enfant a mis un terme à son désir de famille nombreuse :

Pour mon premier bébé, j’ai vécu une super grossesse sans trop de désagréments, à part quelques remontées acides en fin de course. En revanche, pour mon deuxième, ça a été la cata ! J’ai pris 25 kg, j’avais les jambes pleines de flotte et je ne rentrais plus dans mes chaussures tellement mes pieds étaient enflés. Pour couronner le tout, au dernier trimestre, j’avais du mal à me déplacer tellement mes jambes me faisaient mal.

Moi qui ai toujours été très active et tonique, je ne me reconnaissais plus dans le miroir. C’était comme si on avait pris mon esprit pour le mettre dans un autre corps ! Ça m’a fichu un sacré coup au moral et, moi qui voulais quatre enfants, je me suis promis de ne plus jamais m’infliger ça.

Être trahie par son corps

Marine, maman comblée d’un petit garçon de 9 mois, n’a pas non plus envie de recommencer après une première grossesse compliquée :

J’étais persuadé de vivre une grossesse merveilleuse et un accouchement très stressant mais ce fut l’inverse. Même si cet enfant était très désiré, je crois que je ne m’attendais pas aux vomissements, aux vertiges, à la fatigue et aux hormones qui me faisaient pleurer pour tout et n’importe quoi. Mon début de grossesse fut un désastre, je voulais avorter, quitter mon conjoint… Et puis j’ai remonté la pente, j’ai repris le sport et j’ai travaillé jusqu’à mon accouchement.

Ce sentiment d’être trahies par leur corps, de nombreuses primigestes et multigestes le ressentent pendant leur grossesse. Certaines osent en parler et prennent le risque de se heurter à un mur d’incompréhension, d’autres préfèrent prendre leur mal en patience et ravaler leur détresse plutôt que d’avoir à se justifier.

Le tabou des maux de grossesse

Les nombreuses femmes qui ont répondu à mon appel à témoignages ont eu l’impression de ne pas pouvoir parler ouvertement de leurs maux de grossesse. Cette pression peut venir à tout moment et de la part de n’importe qui : stricts inconnus, corps médical mais aussi proches et amis, hommes ou femmes. La plupart du temps, plus que d’exprimer leur ressenti, c’est la réaction de leurs interlocuteurs et interlocutrices qu’elles redoutent. Au mieux, on ne tient pas compte de leur malaise, et au pire, elles sont dénigrées.

« Aujourd’hui, on va parler de la pire maladie que vous pouvez attraper : la grossesse. »

Je me souviens d’un rendez-vous chez mon gynécologue, au tout début de ma grossesse. J’avais de fortes nausées depuis deux mois et je lui ai avoué que ce n’était pas facile tous les jours. Sa seule réaction a été de me répondre que « l’important, c’est que le bébé aille bien ». Si j’étais d’accord avec lui sur le principe, j’ai été déçue de voir qu’il faisait peu de cas de mon bien-être personnel. J’avais besoin qu’on m’écoute vraiment, qu’on s’intéresse à moi en tant que personne et non comme un incubateur sur pieds (très enflés, les pieds).

« Petite nature »

Dans le cas d’Aurélie, lectrice de Rockie alors enceinte de son premier enfant, c’est le manque de soutien de sa mère qui a été le plus pesant :

J’ai essayé de parler de mon mal-être à ma maman mais elle, qui a adoré chacune de ses trois grossesses, ne me comprenait pas. J’avais le droit à des « bah on n’est pas prêts d’avoir d’autres petits enfants », alors que je ne savais même pas si moralement j’allais réussir à aller au bout de cette grossesse.

Pauline, qui a aussi répondu à mon appel à témoignages, a été marquée par l’intolérance des autres à son égard :

J’ai eu une grossesse difficile, rythmée par un puissant mal de dos, des douleurs ligamentaires et de nombreux problèmes digestifs. On m’a fait comprendre que je me plaignais beaucoup et que j’étais une « petite nature ». J’ai appris qu’il y avait eu beaucoup de remarques désobligeantes dans mon dos.

La femme enceinte, un être désincarné ?

Souvent, celles qui portent la vie ont aussi l’impression que leur corps ne leur appartient plus. Cela va des recommandations médicales (nécessaires mais strictes) aux croyances populaires, en passant par l’opinion de Monsieur et Madame Tout-le-Monde. Comme si la grossesse était devenue une affaire d’État et que la femme enceinte appartenait au domaine public…

Le risque de dire : « vas-y, tu peux toucher ».

Anne, qui attendait alors son premier enfant, a eu l’impression de ne plus être maîtresse de ses décisions :

Je ne compte plus le nombre de fois où des gens que je connais à peine se sont permis de juger mes choix. C’était toujours des « moi, à ta place… » et des « si j’étais toi… ». Ça partait sûrement d’un bon sentiment mais j’ai détesté cette sensation d’être infantilisée.

Moqueries et superstitions

Fatia, qui est en surpoids, n’a pas apprécié les allusions de la gynécologue qui la suit sur son mode de vie :

Ma grossesse se passe très bien, je n’ai aucun problème d’hypertension ou de diabète et je prends un poids raisonnable. Pourtant, ma gynéco ne se gêne pas pour me faire des remarques sur ce que je dois manger ou non, ainsi que des petites blagues sur mon « abonnement à la pâtisserie du quartier ». Je ne trouve pas ça très pro et je ne pense pas retourner la voir après l’accouchement.

Enfin, mon anecdote préférée est celle d’Alice, qui travaillait dans une mercerie au moment de sa seconde grossesse, et qui se rappelle avoir fait les frais de la superstition d’une cliente :

Lorsque j’attendais mon second bébé, je proposais des ateliers tricot près de chez moi. Une femme qui avait réservé une place a fait un scandale dans la boutique en remarquant que j’étais enceinte : elle disait que mon bébé allait s’étrangler avec le cordon ombilical si j’utilisais des aiguilles. Elle me les a arrachées des mains ! J’ai été à la fois choquée et hyper énervée. Qui était-elle pour me dire ce que j’avais le droit de faire ou non ?

Je suis enceinte et tout va bien (mais je ne le dis pas)

La plupart des femmes ont l’impression de ne pas pouvoir parler ouvertement de leurs maux de grossesse, ou faire ce qui leur plaît, sans être montrées du doigt. Mais même celles pour qui tout va bien ont parfois du mal à se positionner pendant leur grossesse.

Image d'erreur
« Déso mais t’écouter parler de toi n’est pas dans le top des trucs qui m’intéressent en ce moment. »  Moi à ma pote quand elle me raconte à quel point elle est épanouie depuis qu’elle est enceinte alors que j’ai envie de crever.

Pour cette lectrice qui préfère rester anonyme, parler librement de sa grossesse presque idyllique est compliqué. Afin qu’il ne soit pas interprété comme de la vantardise ou un manque de délicatesse, elle préfère garder son ressenti pour elle :

À 30 ans, je suis entourée d’essais bébé désespérés, de fausses couches, de maladies dues à la gestation, d’accouchements traumatiques, d’IVG, de copines seules voulant un enfant (ou dont le mec ne veut pas), de demandes d’adoption interminables etc. Bref, le récit de mon expérience de grossesse ultra positive est parfois mal vécu.

Se taire pour protéger les autres

Aurélie, qui a aussi tenu à témoigner, a préféré se taire plutôt que de risquer de blesser une personne qu’elle aime :

Lorsque je suis tombée enceinte, ma meilleure copine essayait elle aussi d’avoir un bébé, mais ça a pris plus de temps. Je culpabilisais de ne pas bien vivre ma grossesse alors qu’elle n’arrivait pas à tomber enceinte, alors je ne lui en parlais pas.

Dans son cas, ce silence est lié à la culpabilité qu’elle a éprouvée de ne pas aimer être enceinte alors que son amie peinait à concevoir.

Caroline, une autre lectrice, n’a quant à elle pas réussi à dire qu’elle n’allait pas bien parce que, physiquement, sa grossesse se passait comme un charme :

Je suis tombée enceinte très rapidement, en même temps que de bonnes copines. Alors qu’elles galéraient physiquement entre fortes nausées et maux de ventre, je vivais une grossesse absolument parfaite. Et pourtant, je détestais être enceinte, surtout le fait de ne pas pouvoir faire tout ce dont j’avais envie parce qu’un petit être grandissait dans mon ventre. J’aurais aimé pouvoir dire que psychologiquement ça n’allait pas, mais je ne me sentais pas de me plaindre alors que j’étais hyper en forme.

Vers la démythification de la grossesse

Cet autre son de cloche, celui de celles qui n’ont pas vécu une grossesse de rêve, que ce soit physiquement ou moralement, se fait entendre de plus en plus souvent.

Je pense évidemment à Florence Foresti et à son célèbre sketch sur la « gueule de bois qui dure 9 mois », mais aussi à certains films comme le très drôle Ce qui vous attend si vous attendez un enfant (Kirk Jones, 2012) ou Tully (Jason Reitman, 2018), qui traite de la grossesse mais aussi de la maternité de façon plus générale.

Je pense également à l’actrice américaine Amy Schumer, qui n’hésite pas à partager les moments les moins glamours de sa grossesse sur son compte Instagram, comme ses nausées. On est loin de l’image d’Epinal de la femme enceinte hyper épanouie, et ça fait du bien !

En tout cas, quel que soit le type de pression que les femmes enceintes peuvent subir, que cette influence provienne de l’extérieur ou du plus profond d’elles-mêmes, toutes les futures et jeunes mamans ayant témoigné ont exprimé le même souhait : voir se manifester plus de bienveillance. Parce que si toutes les grossesses sont différentes, aucune n’a moins de valeur qu’une autre.

Et toi, t’es-tu sentie jugée pendant ta grossesse et /ou as-tu culpabilisé pour une raison ou une autre ? As-tu subi des remarques désobligeantes de la part de ton entourage ou de strict·es inconnu·es ? Viens vider ton sac dans les commentaires !

 


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