Je suis féministe et j’aime les hommes plus grands que moi.
Je ne suis pas sûre que ce soit une contradiction en soi… Mais en tout cas c’est un poil relou étant donné que je fais 1m77.
Préférer les hommes plus grands que moi
En quittant Tom Cruise (1m70), l’actrice Nicole Kidman (1m80) avait lancé cette pique dans les médias :
« Qu’est-ce qui a changé depuis que Tom Cruise et moi avons divorcé ? Maintenant, je peux porter des talons. »
Pourquoi ne l’aurait-elle pas fait à son bras ? Parce qu’un homme plus petit, ça présente mal, c’est la honte…
En dépit de toutes mes convictions sur l’égalité des genres, j’ai baigné dans cette culture de domination masculine et je porte en moi cette idée.
Quitte à vivre dans un monde sexiste où l’homme doit être plus grand que la femme, j’aurais préféré être dans le petit corps de Mymy :
« Vu ma taille (1m58), c’est rare que je tombe sur un mec plus petit que moi. C’est plutôt les « trop grands » qui me posent souci.
Je me souviens du torticolis que j’avais quand je sortais avec un grand dadais d’1m96 au lycée ! Lui se tuait le dos à atteindre ma bouche, et moi je m’étirais la nuque.
Mais c’est vrai que d’un point de vue purement sexuel, j’aime bien être un peu « écrasée » par un mec plus grand que moi… »
ET. MOI. DONC.
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Pendant des années ma préférence est passée presque inaperçue. Mais en découvrant le monde merveilleux des applis de rencontres, la question s’est posée.
Difficile en effet de savoir à quelle hauteur plane tel célibataire à partir d’une photo !
Peu encline à me déplacer pour rencontrer des « nains » de moins d’1m80 (bah oui, mais tout est relatif aussi), j’ai précisé ma taille dans ma bio, espérant que cela les décourage.
Je me suis aussi mise à poser cette question gênante dès les premiers échanges par chat :
« Tu mesures combien ? »
Les réactions étaient souvent amusées mais je sentais bien que mon interrogation sonnait déplacée…
Les applis ressemblent déjà tellement à des catalogues un peu glauques de l’amour ; fallait-il vraiment rajouter une couche de déshumanisation en les feuilletant au filtre de critères aussi « superficiels » ?
Sortir avec un homme plus petit que moi
Un jour, sur Tinder, ma dalle me joua un tour.
J’accrochais si bien avec ce garçon charmant qu’au bout de quelques messages, je lui proposais d’aller boire un verre dans la foulée.
En nous retrouvant devant la terrasse du bar, je pu lire dans son regard le « AH » qui devait aussi briller dans le mien.
Ce AH-là.
Il était beaucoup plus petit que moi, une bonne tête et demi je dirais. Mais ça matchait, ça ne le dérangeait pas et moi non plus (la dalle, je vous dis).
Ce fut, je pense, le plus petit mec que j’ai jamais embrassé. Je dois avouer que s’il m’avait dévoilé sa taille sur le chat, je ne suis pas sûre que j’aurais continué à lui parler…
Dans la vraie vie, en soirée, dans le métro ou aux caisses de Leader Price (on chine où on peut), je continue à repérer mes cibles parmi les têtes qui dépassent de la foule.
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Je précise que, malgré mon tri parfois rigide sur les applis, ma préférence pour les hommes plus grands reste une préférence, pas un critère suffisant (ou éliminatoire), ni un fétichisme.
J’ai été en couple avec des hommes (légèrement) plus petits que moi. Bien sûr, c’est la personne qui m’avait séduite, son esprit, son humour.
Mais je m’aperçois avec le recul que les quelques centimètres qui « annulaient » le rapport de domination physique entre nous étaient sans doute compensés par d’autres attributs que je jugeais très masculins : larges épaules, barbe brune…
À l’heure précise où j’écris ces lignes, j’ai en tête un bien gentil garçon de bonne famille, drôle, intelligent ET mignon. Eh ben, j’aimerais lui faire des bisous, mais je le trouve trop féminin. Trop féminin pour moi, devrais-je dire.
Suis-je condamnée à désirer des modèles masculins stéréotypés que Disney and co. m’ont infusé dans le cœur dès le plus jeune âge ? (Aladdin, je t’ai jamais oublié !)
T’es féministe mais… t’aimes les mecs virils ?
Alors que des mecs de taille moyenne galèrent à pécho des grandes comme moi, je sais que certains hommes seraient très gênés de sortir avec des femmes qui les dépassent.
La dynamique se fait à deux : il y a certaines meufs qui exigent des partenaires plus grands, et certains mecs qui ne s’imaginent pas lever la tête pour embrasser leur go.
Au fond, peut-être, une peur de perdre en virilité… Est-ce aussi misogyne que d’être effrayé par une compagne qui gagne plus d’argent ?
Où s’arrête la part d’attraction physique qu’on ne peut maîtriser ? Où commencent les préjugés sexistes ?
J’aime les barbes, les muscles, les cicatrices sur le visage, les grosses mains, les pieds de Hobbit… Bref, j’aime les hommes à l’apparence virile, c’est-à-dire conforme selon moi aux stéréotypes d’une masculinité tout ce qu’il y a de plus artificielle.
Le mâle rassurant, protecteur, parce que physiquement dominant… Un tas de conneries, je vous l’accorde. Mais des conneries ancrées bien profondément !
Océane a longtemps agi sous le poids de ces mêmes conditionnements.
« Je fais 1m74, et pendant 6 ans de vie sexuelle et amoureuse, je rembarrais automatiquement les mecs qui ne faisaient pas au moins 1m85.»
Puis, elle a commencé à assouplir ses critères sur la taille des mecs en prenant confiance en elle :
« Ça fait seulement 2 ou 3 ans que j’y fais beaucoup moins attention. J’ai remarqué que c’est parce que je vais mieux avec moi-même : j’ai moins besoin que le mec soit grand pour assumer ma propre taille. »
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Une question qui ne se pose même pas lorsque, comme Manu, on est une femme « petite » :
« Quand tu fais moins d’1m60, presque tous les mecs sont plus grands que toi donc je n’ai jamais eu ce souci.
En revanche, ma meilleure amie, qui est un poil plus haute que moi, a déjà mis un stop à un mec plus petit qu’elle, tout en sachant que c’était injuste… »
Car la grande différence entre aimer les blonds, les bouclés ou les moustachus, et vouloir que notre partenaire nous dépasse, c’est que dans le deuxième cas, l’on se base sur un critère relatif.
Je n’aime pas les grands, j’aime les plus grands que moi.
Interroger mon sexisme intégré
S’il n’est pas « mal » en soi de désirer un compagnon plus grand que soi, il est néanmoins utile de s’interroger sur les mécanismes qui peuvent sous-tendre cette préférence.
À l’évidence, la norme de l’homme plus grand dans un couple s’appuie sur des stéréotypes de genre, forgés par le patriarcat. Elle prolonge le rapport de force global de dominée à dominant.
Au niveau individuel, les préférences en matière de taille dans un couple ne sont pas problématiques en elles-mêmes. Il ne s’agit pas de se forcer en allant vers des hommes plus petits pour être une bonne féministe !
Mais plutôt de remettre en question ce qui peut passer pour naturel (je ne choisis pas de préférer les plus grands, comme je ne choisis pas d’aimer le fromage).
Océane me confie :
« Je me sens moins enfermée dans des carcans chelous qui ne viennent pas forcément de moi depuis que j’arrête de regarder D’ABORD la taille. »
Une fois que ces « évidences » ont été éclairées à la lumière de nos conditionnements, de notre part de sexisme intégré, à chacune de faire ses choix, mais cette fois, en connaissance de cause.
Qu’en penses-tu ? Ce blocage sur la taille, tu le ressens aussi ? D’où vient-il selon toi ?
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