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Féminisme

J’ai pris une main au cul, et ma colère est légitime

Des mains au cul, Anouk en a pris plein. Une agression qui peut devenir d’autant plus douloureuse quand l’ensemble des personnes présentes semble la voir comme un fait absolument anodin.

Samedi soir, je suis allée danser avec une copine. On s’amusait, un peu alcoolisées, nous laissant porter par une musique un peu trop forte et pas top niveau qualité. Bras-dessus bras-dessous, plusieurs mecs nous ont draguées ; on en a repoussé, on a parlé à d’autres. Tout allait bien.

Et puis voilà qu’à trois heures du matin, alors que je traversais la boîte en tenant la main d’un gars qui me plaisait, un autre m’a mis une main au cul. Non, je ne parle pas d’un faux mouvement qui atterrit là par accident : je parle clairement de deux pinces qui se sont resserrées sur mon bouli, comme ça, sans prévenir !

Je me suis retournée, j’ai vu le garçon qui avait fait ça : l’un de ceux auxquels j’avais refusé une danse quelques heures plus tôt.

seriously

C’est. Quoi. Le. Fuck. 

On m’a dit que mon agresseur avait été correct avec moi, sachant que je lui avais foutu un râteau.

Je l’ai traité de pervers et de connard, je lui ai dit de s’excuser, je lui ai demandé pourquoi il avait fait ça, je lui ai dit que j’allais appeler la sécurité. Le groupe d’amis du fameux agresseur s’est ligué contre moi, me disant qu’il avait été super correct avec moi sachant que je lui avais déjà foutu un râteau ! Que c’est bon, il s’excuse, ça arrive une main un peu trop baladeuse.

Ça aurait pu s’arrêter là mais celui que je tenais alors par la main m’a dit que j’allais trop loin, que ce n’est qu’une main au cul, pas un viol.

Alors je suis allée rechercher ma pote et on s’est cassées, les larmes aux yeux et la colère dans la gorge. J’ai un peu parlé avec des types dehors, ils étaient plutôt d’accord sur le fait que j’en faisais trop, que ce n’était rien.

La main au cul et sa minimisation, deux fléaux parallèles

Non, une main au cul ne tue pas, mais elle fait mal à l’intérieur. Ce soir là, elle m’a fait me sentir comme une merde, une potentielle victime partout où je passe. Je pense être forte mais j’ai eu l’impression de sentir quelque chose se briser en moi.

Ce qui me rend malade, c’est que cela semble anodin aux yeux de beaucoup.

Le souci, c’est que ça aurait pu s’arrêter à cette souffrance. Là, ce qui m’a rendu malade, c’est que cet acte a semblé être anodin aux yeux de tant de gens. Je me suis questionnée : suis-je trop émotive ? Ai-je un problème ? Je ne pense pas. Il n’y a rien de normal à toucher une personne sans son consentement, surtout une partie intime comme les fesses.

On pourrait se dire que c’est un cas isolé, que j’étais entourée de petits cons… Mais aussi loin que je remonte, toutes les fois où j’ai été agressée de la sorte, on m’a dit que j’en faisais trop. On m’a demandé de me calmer. Parfois on m’a ri au nez.

À treize ans, lors d’une sortie en ville pendant une colonie de vacances, un adulte inconnu m’a touché les fesses en passant. Choquée, j’étais allée me plaindre à une animatrice qui nous accompagnait. Elle a ri puis m’a répondu :

« Tu sais, c’est la première mais certainement pas la dernière de ta vie. Il faut t’y habituer »

Non, je ne serai pas doublement victime

Des histoires comme ça, j’en ai un paquet. Les mains au cul m’arrivent entre deux et trois fois par an. De jour, de nuit, sobre, en robe, short,

jogging. Il n’y a qu’un seul dénominateur commun à toutes ces histoires : j’ai croisé la route d’un agresseur.

Bien entendu j’ai eu des ami•es et des inconnu•es qui m’ont soutenue quand c’est arrivé, mais j’ai aussi toujours croisé des gens qui minimisaient voire niaient totalement ma réaction.

Alors à toutes ces personnes qui ont pensé bon de ridiculiser mes émotions, qui ont cherché à minimiser mon agression ou qui m’ont dit que je les embarrassais, je n’ai qu’un seul message : en me disant que je ne devrais pas réagir de la sorte, vous me faites sentir doublement mal.

Dans un premier temps parce que j’ai subi une main au cul non consentie. Dans un second temps parce que le seul résultat de ce genre de propos est de faire culpabiliser !

À lire aussi : Viol : une vidéo drôle et déprimante sur la culpabilisation des victimes

Comment bien réagir face à une agression sexuelle ?

Je ne demande à personne d’aller casser la gueule de ces messieurs et je peux même comprendre qu’on soit impressionné•e à l’idée d’intervenir, qu’on ait peur que ça dégénère. Seulement, dans ces moments là, je ne demande qu’une seule chose : de l’écoute.

À lire aussi : Testez vos réactions face au harcèlement dans les transports, grâce à cette vidéo interactive

Écoutez ma peine et elle s’en ira. Je n’aime pas me plaindre continuellement, pendant des heures, mais quand ça ne va pas, j’ai besoin que ça sorte. Me brider est la voie numéro un pour faire exploser la colère au fond de moi.

Ce n’est pas parce qu’il y a pire en terme d’agression sexuelle qu’on doit se taire sur ce qui semble moins grave. Minimiser une main au cul en la comparant à un viol, c’est comme si on disait à quelqu’un à qui on vient de piquer son portable : « pourquoi tu te plains, c’est pas comme si on avait volé ta voiture ! ».

Un seul mot d’ordre : solidarité

Aujourd’hui, j’écris cet article car je sais que je ne suis pas seule à me prendre des mains au cul. Je ne suis sans doute pas la seule non plus à avoir connu ce genre de réactions autour de moi. Nous avons le droit de nous plaindre et de l’ouvrir.

Peut être que certaines personnes qui lisent cet article ont un jour réagi à l’agression d’un•e proche en minimisant ce qu’il/elle avait ressenti. L’idée n’est pas de blâmer mais de faire comprendre pourquoi ce n’est pas une bonne idée et surtout, comment réagir la prochaine fois.

Tout le monde peut un jour être victime, ou proche d’une victime, alors si je devais résumer tout cet article en un seul conseil, il serait de ne pas se tirer dans les pattes les un•es des autres. Une victime l’est déjà d’une première agression, elle n’a surtout pas besoin d’en ressentir une deuxième via la parole de ses proches.

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Les Commentaires

49
Avatar de Leann Soillearch
28 juillet 2016 à 09h07
Leann Soillearch
Ah ça me rappelle ma première (et seule et unique) expérience en boîte : il y avait un mec super relou qui n'arrêtait pas de se coller à ma meilleure amie et moi. Comme c'était notre première fois en boîte, on a d'abord essayé de faire comme s'il n'était pas là. Sauf qu'il est revenu de façon insistante à la charge, on a fini par lui dire vertement de dégager et je crois qu'il nous a insulté. Parce que bien sûr, une femme n'a pas le droit de refuser
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