Publié initialement le 30 août 2011
Il y a quelques temps, en Martinique, un homme a été condamné à trois ans de prison, assortis d’un an de sursis.
Il a fait quoi, me demandez-vous ? Je vous le donne dans le mille : un beau matin de juillet, sur la Route de la Folie (délicieuse coïncidence) à Fort-de-France, il a agressé une joggeuse, bien aidé pour cela de ses poings, de ses pieds, et d’un tazer.
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Heureusement pour elle, la jeune coureuse a réussi à se défendre et à le mettre en fuite, mais le coupable a été retrouvé un peu plus tard et a été jugé en comparution immédiate. La dernière en date de ces histoires glauques.
Comme moi, vous avez regardé les informations ces derniers mois. Comme moi, vous avez entendu parler de ces femmes agressées, violées, assassinées. Marie-Christine à Fontainebleau, Natacha à Marcq en Baroeul, Patricia à Bouloc, Marie-Jeanne à Tournon, et bien d’autres dont l’agression passe inaperçue dans les médias.
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Est-ce la faute des victimes ? Pas vraiment (NON)
Comme moi, vous avez lu et entendu les commentaires : « Elle n’avait qu’à pas courir toute seule ! », « Elle l’a cherché, à courir à 5 heures du mat’ ! » « Quelle inconscience, d’aller courir dans un lieu désert, aussi ».
Mais tout à fait, la victime est responsable de son agression. Elle l’a cherché, elle a crié « Agressez-moi, venez donc me violer un petit coup, soyez chic ! » en enfilant ses baskets et son jogging, en mettant ses écouteurs et en partant faire du sport. Mais bien sûr.
Courir : un privilège auquel je ne renoncerai pas
C’est là que je veux réagir, en tant que joggeuse régulière, convaincue (et un peu féministe aussi, faut pas déconner). Laissez-moi vous expliquer en quoi consiste mon plaisir de courir.
Je cours seule, j’aime me retrouver pour ça. En dehors du plaisir basique de la course et de l’effort (je sais, ça sonne cucul, dit comme ça), chaque foulée m’enferme un peu plus dans une bulle. C’est un privilège auquel je ne renoncerai pas.
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Écouteurs sur les oreilles, je cours, pas forcément très vite, mais je me fous du monde entier, comme on dit niaisement. Et pour ça, quels sont les endroits les plus agréables ? Les coins tranquilles, pardi, le grand air, là où personne ne peut vous entendre crier (ou souffler comme un bœuf). Parce qu’on veut du grand air, du calme, et personne.
Oui, je sais, je fais pas d’efforts, tout de même, la vie est plus importante que le plaisir de courir. Je suis bien d’accord. C’est pourquoi quand je vais courir, j’emporte mon téléphone, je mets la musique moins fort et je change mon itinéraire à chaque séance.
Bientôt, j’investirai dans un spray de défense, histoire de repousser un éventuel gros con qui passerait avec les poings ou la bite qui frétillent. Mais je ne renoncerai pas à courir à cause des agresseurs potentiels, ni à cause des bien-pensants qui grognent derrière leur écran.
Stop au slut-shaming, merci
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C’est tout à fait le syndrome du « Elle a été violée parce qu’elle était habillée comme une salope », qui a entraîné les « Marches des salopes » dans un paquet de grandes villes dans le monde.
Parce qu’une victime n’appelle pas au viol, ne demande pas à être agressée. RIEN ne justifie l’acte d’un type dont le cerveau fonctionne en biais.
Oui, une femme peut porter une mini-jupe sans craindre d’être violée dans un coin sombre. Parce que c’est joli, une mini-jupe.
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Oui, une femme peut aller courir tôt le matin, dans la campagne, pour retrouver un bien-être que rien d’autre ne lui apporte, sans craindre de mourir violée, mutilée, ou carbonisée, ou tout en même temps. Parce que c’est bon, de courir.
Parole de joggeuse un poil énervée.
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Les Commentaires
Et ça m'est arrivé quelques fois d'aller courir à 5h du matin, le soleil étant à peine levé. Et ben le BONHEUR. PERSONNE dans la rue, les harceleurs à ct'heure là, ba y dorment tout simplement, ou s'ils sont là, ils ont bien trop la gueule dans le cul pour faire attention à toi.
Bref, fraîcheur du matin, le calme car il y a très très peu de voitures, les fleurs du soir sentent encore un peu, la lumière est très douce. C'est juste un bonheur quoi <3 Si j'étais quelqu'une de matinale, je serai allée courir tous les jours sans exception à ces heures là, tellement tu te sens bien, zen, au calme et en sécurité.
Alors que, courir au même endroit dans l'après midi, putain, même si je n'ai jamais été agressée, y'avait un connard qui avait visiblement capté les heures où je courais (15h) et qui faisait exprès de se garer près de mon passage - et je pouvais pas passer ailleurs à cet endroit - juste pour me klaxonner et me siffler quand je passais... Et il partait ensuite. A se demander sérieusement que fait ce mec dans la vie pour aller se faire chier à se poster à un endroit à une heure précise juste... Pour ça Merde à la fin.
Sinon, je me suis faite très souvent carrément arrêter par des gars, pour "me demander l'heure" et ensuite essayer de taper la discut et me demander ce que je fais, si j'ai un copain MAIS TA GUEULE BORDEL
Et une fois, j'ai eu une belle frayeur, je courais dans un coin de mon parcours normalement totalement safe, et une de 5 gars s'est dirigée vers moi et m'ont barré la route. Pour me demander l'heure et une adresse.
J'étais en train de m'imaginer tous les scénarios possibles, évaluer les échappatoires, ce que je pourrai faire et... Ba en fait ils voulaient vraiment savoir l'heure qu'il était et où se trouvait je sais plus quel magasin.
Je me suis sentie si bête, d'avoir flippé comme ça, j'ai eu du mal à arrêter de trembler ensuite (je suis naturellement anxieuse, le moindre coup de stress me fait tremper et/ou me file des plaques rouges partout sur le haut du corps)
Bref, limite je suis contente de ne plus courir, parce que ça me pesait vraiment de me faire emmerder comme ça alors que je voulais juste courir seule dans ma bulle et penser à RIEN (oui je fais parti de celleux qui n'aiment pas courir avec d'autres gentes, moi j'aime être seule, penser à rien, écouter de la musique ou pas, c'est vraiment agréable de ne penser à rien, d'oublier ses tracas du quotidien, de ne pas parler...)