Le titre du deuxième épisode de l’immense enquête sur le porno français menée par Le Monde ne présage rien de bon, et le contenu est à la hauteur des horreurs qu’il sous-entend : La mécanique des larmes et de la violence. Donc, encore une fois, gros trigger warning violences sexuelles et viols.
Dans le premier volet, Le Monde faisait la lumière sur l’ignoble processus de recrutement des femmes qui tournent dans les films X de certaines plateformes françaises. Grâce aux deux années d’enquête de la gendarmerie et aux témoignages d’une cinquantaine de victimes, on sait maintenant comment Julien D., un homme tout ce qu’il y a de plus lambda, a exploité les failles de vingtenaires fragiles sous un faux profil pour les appâter. Sa seule forme de rémunération pour sa contribution ? Visionner les vidéos de ses victimes violées.
On y apprenait également que Pascal Ollitrault, dit Pascal OP, le producteur du site French Bukkake (qui se vantait il y a quelques années de ses 200 000 visiteurs par mois), enrôlait ensuite les victimes de Julien D., les violait à de multiples reprises puis les forçait à tourner des scènes violentes.
La deuxième partie de l’investigation n’en a justement pas fini avec l’immonde personnage mis en examen pour « viols en réunion », « traite aggravée d’êtres humains », « proxénétisme aggravé », « blanchiment », « travail dissimulé » et « diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne ».
Des viols en plusieurs actes
Bienvenue dans « la mécanique des larmes et de la violence », un immonde rouage duquel profitent plusieurs producteurs et diffuseurs de porno en France, selon Le Monde.
Dans cette mécanique, les victimes ne sont que des dommages collatéraux, de la chair fraîche pourvoyeuse, malgré elles, de toujours plus d’argent.
On leur promet beaucoup d’argent — 2 000 euros en moyenne par scène, qui se révèlent être en réalité 250 euros ou parfois rien du tout. On leur promet qu’elles tournent du porno amateur, des vidéos confidentielles et anonymes. Elles sont en fait dupées de bout en bout.
La mécanique bien ficelée qui profite de leurs faiblesses n’est qu’un tissu de mensonges qui se ressert autour d’elles. Les victimes voient leur consentement bafoué à de multiples reprises : pendant qu’elles se font recruter, puisqu’on leur ment ; pendant les tournages, puisqu’on les viole ; et lorsque les contenus sont publiés contre leur gré.
Parfois même, quand une jeune femme croit ne réaliser qu’une seule vidéo, le contenu est en fait utilisé pour plusieurs scènes diffusées dans différentes productions. Imane, une de ces victimes, témoigne de sa descente aux enfers au Monde : alors qu’elle ne pensait participer qu’à une seule vidéo plutôt « classique » et à l’accès privé, elle s’est retrouvée à tourner des scènes de sodomie non consenties avec des inconnus qu’on ne lui présente pas. Elle a été également violée par le producteur Pascal OP.
Les images de ses viols ont ensuite été mises en ligne sur les plus grandes plateformes X et elle n’a jamais vu la couleur de son argent. Elle raconte une des scènes à laquelle elle a dû participer — attention, c’est douloureux et cru, passez sous la citation si vous voulez éviter les détails les plus durs.
« J’avais mal, je leur ai dit, mais ils s’en foutaient. Là, ils m’ont tout fait, plusieurs en même temps, double pénétration, sodomie, etc. […] Je me suis un peu énervée, mais ils m’ont forcée, ils ont appuyé ma tête contre le sol et ils ont continué. […]
C’était un hangar, dans une vieille casse de voitures abandonnée. [Pascal OP] me dit : “C’est des gars des quartiers, ils sont là pour te faire du mal, pour te faire du sale.”
C’est un cauchemar. Je dois me mettre à genoux, toucher tout le monde, me laisser faire. »
Le producteur français, qui « s’invite dans la scène en cours, sans prévenir les femmes » tient ses victimes d’une main de fer par les menaces de mort et par la promesse d’argent ««« facile »»»…
Un troisième acolyte
Les tournages ont lieu dans des hangars, des locations d’appartements, des forêts ou des parkings vides. Derrière la caméra, Mat Hadix, 38 ans. L’homme travaille, entre autres, pour Jacquie et Michel, le magazine Union ou encore pour Dorcel Vision — notez que la société de production Marc Dorcel nie toute responsabilité :
« Nous n’avions évidemment pas connaissance des suspicions de recours à de telles pratiques et nous n’avons, à ce jour, reçu aucun signalement d’aucune sorte quant aux productions que nous avons diffusées. »
Malgré son implication évidente, du fait des nombreux témoignages qui l’associe à l’affaire, Mat Hadix nie en bloc les accusations de viol et fait semblant de tout juste réaliser la portée de ses actes :
« Je commence à comprendre que des femmes qui viennent sur des tournages sans savoir ce qui se passe, sans connaître le nombre d’hommes, ni les pratiques, ce n’était pas convenable. »
Sans déconner.
Le sentiment d’avoir été réduites à des « morceaux de viande »
Évidemment, Mat Hadix n’est pas le seul à vouloir s’en laver les mains. Pascal OP conteste également tous les faits. À propos de l’une des 52 victimes qui l’accuse, il rétorque :
« Elle a été payée, elle a signé tous les contrats. Pour moi, sur la vidéo, si je me rappelle, elle avait le sourire, ça s’est bien passé. »
Ignoble. Pire, dans les bouche des accusés, une question revient : « si c’étaient des viols, pourquoi n’ont-elles pas quitté les tournages ? »
Donnons-leur le bénéfice du doute (non) : Pascal OP et ses acolytes violeurs ne connaissent peut-être pas l’effet de sidération psychique, un mécanisme du cerveau face à un traumatisme qui paralyse psychiquement et physiquement les victimes, lesquelles se retrouvent dans « l’incapacité de réagir, de crier, de se défendre ou de fuir. »
Mais l’enquête a tout de même prouvé qu’ils administraient des substances aux victimes, dont un mélange d’alcool et de cocaïne, que les jeunes femmes acceptaient parfois d’ingurgiter, probablement pour faire passer la douleur de la violence de ce qu’elles subissaient à répétition. Une victime témoigne au Monde :
« Il m’a dit : “Si tu ne bois pas tout ton verre, on ne tourne pas” .»
Si elles avaient le malheur de chercher du réconfort auprès de leur fausse amie virtuelle Axelle les victimes étaient alors vivement encouragées à « poursuivre le tournage coûte que coûte ». Et pour cause : Axelle n’est autre que… le recruteur Julien D., celui-là même qui les attirées dans le piège.
Et puisqu’on peut faire encore pire, l’article précise que la plupart des jeunes femmes n’étaient pas protégées contre les MST lors des tournages et étaient forcées à avoir des rapports sans préservatif.
Découvrez le deuxième volet dans son intégralité sur le site du Monde. Et à demain pour un résumé du troisième épisode, Les supplices de l’internationale du porno.
À lire aussi : On a lu le premier volet de l’enquête du Monde qui fait trembler le porno français
Crédits photos : CoWomen et Anete Lusina (Pexels)
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