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Culture

Knock at the Cabin est un grand film de Shyamalan sur… le cinéma (analyse et explications)

Vous avez une envie de cinéma mais ne savez pas quoi choisir parmi les sorties en salle ? Dans Premier Rang, Maya Boukella, journaliste pop culture chez Madmoizelle, vous recommande un film à l’affiche. Cette semaine, on vous dévoile le sens caché du nouveau film du maître du mystère, M. Night Shyamalan.

Vous revenez d’une séance de Knock at the Cabin de Shyamalan en vous demandant ce que vous venez vraiment de voir. Et si, derrière cette étrange fable apocalyptique sur un impossible dilemme se cachait un grand film sur le cinéma ?

Attention, cet article analyse Knock at the Cabin et spoile allègrement le film. Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas vu, foncez le découvrir en salles avant de revenir à l’article !

Le plus grand dilemme de l’Histoire du cinéma

Sauver sa famille. Sauver le monde. L’histoire du cinéma est jalonnée d’un nombre incalculable de films tournant autour de ces deux enjeux. De Harry Potter à Avengers en passant par Avatar, combien de synopsis racontent l’histoire de ce héros, prêt à tout pour sauver sa famille, combien de bandes-annonces nous plongent dans l’univers de cet autre, chargé de la lourde mission d’empêcher la disparition de l’humanité ?

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©  Universal Studios

Dès lors, que se passe-t-il quand ces deux enjeux entrent en contradiction et forment un dilemme ? C’est la question cruelle, mais ô combien fertile, que pose Shyamalan dans Knock at the Cabin. Dans ce film en huit-clos, deux pères et leur petite fille sont pris en otage par quatre étrangers armés qui exigent d’eux un terrible choix : la famille devra sacrifier l’un de ses membres, sinon, l’apocalypse frappera la Terre et engloutira les humains en quelques heures.

Ce choix semble impossible, et peut-être encore plus : complètement absurde.

Quel lien extraordinaire pourrait-il exister entre le sort de la Terre entière et de cette famille tout ce qu’il y a de plus banal ? Qui sont ces étrangers aux allures de secte organisant un suicide collectif au nom d’arguments illuminés ? Pourquoi l’humanité serait-elle sur le point de disparaître ?

Les images comme gage de vérité

Convaincre. Pendant 2 heures, les quatre étrangers vont tout mettre en œuvre pour que la famille élue croie en la nécessité de son sacrifice pour sauver le monde. Pour accomplir une mission aussi inimaginable, les individus n’auront aucune limite. Ils iront jusqu’à renoncer à leur propre vie et à provoquer le début de la fin du monde. En effet, le suicide de chacun entraîne l’une des quatre étapes de l’apocalypse.

Tout en se donnant la mort les uns après les autres sous les yeux de la famille ébahie, les étrangers allument la télévision du salon. Sur l’écran, des chaînes d’informations diffusent en direct des images de la fin des Temps. À ces moments du film, Shyamalan met les bouchées doubles en matière d’effets spéciaux et nous donne à voir, en même temps qu’à ses personnages, des tsunamis, des crashes d’avion et autres catastrophes… des images dont le réalisme hallucinant a de quoi faire pâlir d’envie les plus grands films apocalyptiques.

Une fois écartées les hypothèses les plus crédibles (et arrangeantes car beaucoup moins dramatiques), il devient rapidement clair que ces images sont bien réelles et transmises en direct, la famille accepte de voir la vérité ses images et finit par commettre le sacrifice qui sauve l’humanité.

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© Universal Studios

Dans un monde d’images, continuer à être touché par les folles histoires que le cinéma nous raconte

À travers cet étrange conte sur la fin du monde, Shyamalan propose, comme à son habitude plusieurs grilles de lecture. On pourrait par exemple y voir une allégorie sur l’obstination des climatosceptiques à refuser d’admettre l’évidence de la catastrophe climatique en cours. Et si les quatre individus étaient des sortes d’activistes aux méthodes extrêmes, entrant dans les foyers des sceptiques pour les obliger à regarder l’ampleur d’un drame collectif qu’ils nient pour éviter de se mouiller ?

Pourtant, je ne crois pas que cette piste soit la plus fertile. En réalité, ce dont Shyamalan nous parle dans Knock at the Cabin, c’est de cinéma. De fait, que fait un réalisateur, si ce n’est rentrer dans notre quotidien, notre maison, notre esprit, s’emparer de nos écrans, notre attention et notre imaginaire à travers ses films ? Que fait-il à part tenter grâce aux outils du langage cinématographique de nous faire croire à ses histoires, même les plus magiques, enfantines ou insensées, mais aussi les plus belles, merveilleuses, tristes, drôles touchantes ?

Pour Shyamalan, il n’y a rien de plus précieux que cette forme de croyance qui donne son essence au cinéma. Devant le grand écran, on a parfaitement conscience que les images ne sont qu’un simulacre fabriqué de toute pièce. Or, réfléchir, rire, pleurer, être touché par un film, c’est forcément croire, malgré l’évidence de l’artifice. Cet acteur qui joue la comédie, cette image de synthèse, ce scénario fantastique ou de science-fiction, on y croit.

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© Universal Studios

Des images « incroyables »

Dans Sixième Sens, le psychologue joué par Bruce Willis apprenait au petit garçon un tour de magie particulièrement absurde, dans lequel une pièce est sensée disparaître alors qu’on voit bien qu’elle n’a jamais bougé. Quand le petit garçon lui fait remarquer que son tour n’a rien de magique, Bruce Willis répond : « Oui, mais c’est drôle ». Cette séquence pourrait résumer à elle seule le cinéma de M.Night Shyamalan. C’est in-croyable – au sens où l’on ne peut y croire comme à une vérité rationnelle. Mais c’est également incroyable de réussir à procurer des émotions, des pensées et des sensations qui elles, sont bien réelles et devant lesquelles on accepte de mettre de côté son scepticisme.

Cette ambivalence passionnante du cinéma, c’est ce que Shyamalan explore et questionne dans son dernier film. À ce titre, l’une des scènes les plus intéressantes du film parle… de poulet frit. Comme à son habitude, le réalisateur apparaît dans un caméo de quelques secondes. On le voit sur l’écran de télévision, dans une émission où il vante le miracle d’un poulet frit healthy. À travers ce qui est évidemment une pure arnaque, Shyamalan souligne à nouveau le paradoxe de la croyance en les images. Comment faire confiance aux images alors même qu’elles peuvent sans effort nous mentir, nous faire consommer, mener à notre perte tout comme ce personnage poussé au suicide après avoir été convaincu par des images ?

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© Gaumont

Dès lors, on comprend bien la raison d’être de Knock at the Cabin dans la filmographie de celui qui renversait notre perception de ce qui est réel ou non dans The Village filmait des aliens dans Signes ou encore des super-héros qu’on accuse d’être des malades mentaux dans Incassable, Split et Glass. Comme leur créateur, les personnages de Shyamalan sont terriblement sincères. Ce sont des enfants, des fous, des colosses tatoués prêts à mourir pour aider. Ce sont des héros risibles, remplis d’espoirs et d’imagination, luttant pour être autorisés à aider les autres, dans des sociétés capitalistes obsédées par la rationalité.

Ce cri d’amour au cinéma et en la capacité d’être émerveillé par ses histoires est particulièrement retentissant à l’heure où nous sommes plus que jamais noyés dans des images qui se ressemblent toutes. En particulier, dans une époque où il est parfois difficile d’éprouver de l’intérêt ou des émotions devant des flux de contenus conçus sur mesure selon des standards commerciaux. Certaines productions peuvent au mieux être divertissantes… mais souvent, c’est surtout mortellement lisse.

Shyamalan nous ramène cette audace, ce sens de l’humour, ces histoires délicieusement premier degré devant lesquels on a envie d’avoir peur, de pleurer et de rire.

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© Madmoizelle

Premier Rang, c’est la chronique sans langue de bois de Maya Boukella, journaliste pop culture chez Madmoizelle, dans laquelle elle vous conseille le film à voir au cinéma cette semaine. Un rendez-vous hebdo pour dénicher les pépites du grand écran, en ne gardant que le meilleur des films à l’affiche et des sorties de la semaine.

Crédit de l’image à la Une : © Universal Studios

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