Mise à jour par Carotte
Depuis la polémique engendrée par son tweet controversé, J.K Rowling a partagé un long post dans lequel elle tente de s’expliquer.
Elle revient sur ses premiers tweets à tendance transphobes, une chronologie que Mymy te détaille plus bas dans cet article.
Dans un premier temps, J.K Rowling explique s’intéresser à la transidentité de près et tenter de la comprendre depuis un moment parce qu’elle fait de la recherche pour l’un de ses prochains romans.
Dans ce texte long et relativement confus, l’autrice parle de beaucoup de choses à la fois : elle évoque les menaces qu’elle a reçues suite à ses propos controversés, ramène la conversation sur son expérience personnelle en évoquant les violences conjugales qu’elle a subies, et se désole du fait que Twitter ne soit pas un endroit où l’on peut avoir une conversation nuancée.
Elle semble ne pas se rendre compte que tout le problème de cette polémique est que son tweet n’était en fait pas vraiment nuancé ; il était relativement moqueur et sarcastique.
Si c’est la nuance qu’elle recherchait, poser des question de manière bienveillante et demander à ses fans de l’éclairer sur la transidentité en étant ouverte au sujet et sincèrement désireuse de s’éduquer aurait probablement suscité des réactions bien différentes.
Évidemment, ce post n’a donc pas vraiment arrangé les choses et il est depuis très critiqué.
Tu peux prendre connaissance de ce texte ici.
Ce dimanche 7 juin au matin, je m’étirais dans le lit d’une amie chez qui j’avais passé la nuit, et comme à mon habitude, j’ai déterré mon smartphone de sous l’oreiller pour faire un petit tour sur les réseaux sociaux.
Le mouvement #BlackLivesMatter se mobilise aux États-Unis et dans le monde depuis une semaine, je voulais donc me tenir au courant des actualités à ce sujet…
Mais quand j’ai vu les tweets postés par J.K. Rowling, j’ai roulé des yeux si forts que je ressemblais à un personnage de cartoon.
Cet article va beaucoup parler de transidentité ; si tu n’es pas au point sur la question, voici un petit lexique !
- Femme trans ou homme trans
Une femme trans est née dans un corps assigné au genre masculin (avec des testicules, un pénis…), un homme trans dans un corps assigné au genre féminin (avec un vagin, un utérus…).
Certaines personne trans modifient leur apparence, par de la chirurgie et/ou des hormones, d’autres non. Ça n’a pas d’importance : c’est le genre auquel ces personnes s’identifient qui compte !
- Femme cis ou homme cis
« Cis » est le diminutif de « cisgenre », ça veut dire que le genre de la personne correspond à celui qui lui a été assigné à la naissance.
En gros, si tu es née avec un vagin, qu’on a dit à ta daronne « Félicitations, c‘est une fille ! » et que tu te sens effectivement comme appartenant au genre féminin, tu es cis !
- Pronoms et transidentité
Toute personne (trans ou non) peut indiquer les pronoms qu’elle préfère utiliser pour se désigner elle-même. Il est irrespectueux de ne pas respecter ce souhait.
- TERF (Trans-Exclusionary Radical Feminist)
Littéralement « féministe radicale qui exclut les trans ». La définition Wikipédia est plutôt claire :
Inventé en 2008, le terme s’applique à des féministes qui adhèrent à des positionnements essentialistes et transphobes, par exemple en s’opposant à l’avancée des droits des personnes trans, en étant pour l’exclusion des femmes trans des espaces non-mixtes réservés aux femmes, ou en rejetant l’idée que les femmes trans sont des femmes.
J.K. Rowling, transphobe sur Twitter ?
L’autrice d’Harry Potter a donc décidé de publier plusieurs tweets au sujet de la transidentité et des hommes et femmes trans.
Elle a commencé par ironiser sur un article intitulé Opinion : Créer un monde post-Covid-19 plus égalitaire pour les personnes qui ont leurs règles.
« Les personnes qui ont leurs règles ». Je suis sûre qu’on avait un mot pour désigner ces personnes, avant. Que quelqu’un m’aide. Fammes ? Fommes ? Fimmes ?
J.K. Rowling a ensuite enchaîné avec un court thread de trois tweets ; en voici le premier, je te traduis le tout juste en-dessous.
Si le sexe n’est pas une réalité, alors il n’y a pas d’attirance pour les personnes de même sexe. Si le sexe n’est pas une réalité, alors ce que vivent réellement les femmes à travers le monde est effacé. Je connais et j’aime des personnes trans, mais effacer le concept de sexe retire à beaucoup la capacité de discuter vraiment de leurs expériences. Dire la vérité, ce n’est pas tenir un discours de haine.
L’idée que des femmes comme moi, qui sont en empathie avec les personnes trans depuis des décennies, qui se sentent connectées à elles parce qu’elles partagent une vulnérabilité en tant que femmes (vulnérabilité face à la violence masculine), « haïssent » les personnes trans parce qu’elles estiment que le sexe est une réalité et a des conséquences sur nos vies… c’est un non-sens.
Je respecte le droit de toute personne trans à vivre sa vie de la façon qui lui paraît la plus sincère et confortable. Je manifesterais à vos côtés si vous étiez victime de discrimination à cause de votre transidentité. Et en même temps, ma vie a été façonnée par le fait que je suis de sexe féminin. Je ne pense pas que ce soit « haineux » de dire ça.
Je te propose, avant d’analyser le discours de J.K. Rowling, de faire un petit retour en arrière, car ce n’est pas la première fois qu’elle est accusée de transphobie.
Et je pense qu’il est toujours important de connaître le contexte, pour comprendre une polémique.
J.K. Rowling accusée d’être transphobe depuis longtemps
Sur Reddit, le top commentaire de cette discussion propose un historique très clair de la polémique « J.K. Rowling est une TERF », mais il est en anglais, je vais donc te résumer tout ça en français !
J.K. Rowling like un tweet transphobe
En mars 2018, l’autrice d’Harry Potter a liké un tweet parlant des femmes trans comme d’« hommes en robe », ce qui a immédiatement provoqué de nombreuses réactions négatives.
Rebecca Salt, son attachée de presse, avait expliqué qu’il s’agissait, en quelque sorte, d’une faute de frappe, et que Rowling avait liké ce tweet par erreur :
J’ai bien peur que J.K. Rowling ait eu un moment de maladresse typique d’une personne de son âge : ce n’est pas la première fois qu’elle like quelque chose en tenant mal son téléphone.
Bon. Pourquoi pas. En effet, ce sont des choses qui arrivent ! Mais tu t’en doutes, l’histoire ne s’arrête pas là…
J.K. Rowling suit une youtubeuse transphobe
En 2019, un article se demandant si J.K. Rowling n’aurait pas « confirmé » sa transphobie est devenu viral.
L’argument ? Elle suivait sur YouTube Magdalen Berns, une vidéaste lesbienne (aujourd’hui décédée) ayant eu des propos discriminants envers les femmes trans.
Là encore, l’argument repose sur un like ou un abonnement : ce n’est pas comme si Rowling avait directement exprimé des opinions transphobes.
Il y a plein de raisons pour lesquelles on peut liker un contenu ou suivre une personne sur Internet, et ce n’est pas un signe 100% indiscutable qu’on partage 100% de ses idées, bien sûr.
J.K. Rowling soutient une femme accusée de transphobie
Le bénéfice du doute va en s’amoindrissant, tu t’en rends compte…
En mars 2019, une femme nommée Maya Forstater, qui bossait pour une organisation luttant contre la précarité, a perdu son job : son contrat n’a pas été renouvelé.
Maya s’est estimée victime de discrimination, estimant que si elle n’a pas gardé son boulot, c’est à cause de ses opinions sur la transidentité — elle a porté plainte contre son ex-employeur, et perdu.
Ses opinions sur la transidentité sont limpides : elle a notamment clamé que «
les femmes trans sont des hommes » et dit qu’elle n’utiliserait pas forcément les pronoms que ses interlocuteurs et interlocutrices trans préfèrent. C’est purement et simplement de la transphobie.
Le rapport avec J.K. Rowling ? Eh bien… ce tweet en soutien à Maya Forstater.
Habillez-vous comme vous le voulez. Faites-vous appeler comme vous le voulez. Couchez avec n’importe quelle personne majeure et consentante qui le souhaite. Vivez votre vie de la meilleure des façons, en paix, et en sécurité. Mais faire perdre leur emploi à des femmes parce qu’elles disent que le sexe est une réalité ? #JeSoutiensMaya #CeciNEstPasUnExercice
Oooooooh boy. Ouloulou. À ce moment-là du ride « J.K. Rowling et la transidentité », j’étais déjà bien fatiguée.
Et le nouvel élément de ce ride est donc la série de tweets dont je te parlais en début d’article.
J.K. Rowling est-elle vraiment transphobe ?
Le problème avec les tweets de J.K. Rowling, c’est qu’elle confond « sexe » et « genre » — une erreur courante, surtout en anglais où les deux termes sont parfois utilisés de manière interchangeable.
J.K. Rowling ne différencie pas le sexe du genre
Le sexe, c’est l’aspect biologique, « mâle ou femelle », qui concerne davantage les chromosomes (XX ou XY) que les parties génitales, soit dit en passant.
Le genre, c’est ce à quoi on s’identifie, ce qu’on ressent et la façon dont on est perçu ou perçue par la société qui nous entoure.
En France, comme en Angleterre, pays de J.K. Rowling, on considère globalement qu’il y a deux genres, « homme et femme », mais il en existe d’autres : les personnes non-binaires ou genderfluid par exemple, qui luttent, ici, pour être reconnues, mais sont totalement intégrées et acceptées dans d’autres cultures !
(Si tu veux en savoir plus, tu peux lire cette page Wikipédia qui te renverra vers plein de sources passionnantes.)
Personne (ou alors des courants très, TRÈS minoritaires) ne dit que le sexe n’existe pas ou que les femmes trans n’ont pas une expérience de vie différente des femmes cis.
Plein de sous-groupes de femmes ont des expériences différentes : les femmes noires, les femmes précaires, les femmes handicapées n’ont pas la même vie que J.K. Rowling, y compris par rapport au patriarcat et à la violence masculine.
Pourtant, elle ne tente pas de les « exclure » de ce qu’elle considère comme étant des « vraies femmes »…
J.K. Rowling persiste et signe sur la question des femmes trans
Le vrai souci, c’est que l’autrice peut difficilement plaider l’ignorance.
Ça fait plus de 2 ans qu’elle est soupçonnée d’être une TERF et que de nombreuses personnes prennent le temps de lui répondre, parfois violemment, certes, mais parfois avec pédagogie, afin de lui expliquer la différence entre sexe et genre et l’importance pour les femmes trans d’être considérées comme des femmes à part entière.
De même pour les hommes trans qui, bien qu’ils aient, pour certains, leurs règles, n’en sont pas pour autant des femmes.
Les questions de transidentité sont souvent méconnues, l’erreur est humaine, mais après tant d’occurrences, il semble y avoir un vrai refus de s’informer ou de se remettre en question du côté de J.K. Rowling.
Sans parler du fait qu’il est a minima ÉTRANGE de remettre le sujet sur le tapis au moment où le monde vibre au rythme de la lutte antiraciste…
Surtout que l’article sur lequel rebondit J.K. Rowling n’est même pas un pamphlet pour l’inclusion des femmes trans mais simplement un contenu sur la précarité menstruelle qui a choisi de parler, dans son titre, des « personnes ayant leurs règles » au lieu de dire « les femmes » (faut-il rappeler que toutes les femmes cis n’ont pas leurs règles et que ce n’est donc pas déconnant d’utiliser cette paraphrase ?).
Ça fait vraiment gratuit comme démarche : en plus des propos excluants pour les femmes trans, le timing est… disons… peu pertinent.
J.K. Rowling serait transphobe… on s’en fout ou pas ?
J’ai vu certaines personnes dire que J.K. Rowling n’est qu’une autrice vivant sur son héritage Harry Potter, et qu’on ne devrait pas prêter attention à ses opinions politiques.
Je peux comprendre cette démarche : ne lui donnons pas d’attention, elle n’a jamais prétendu représenter quoi que ce soit pour les personnes trans, etc.
Mais il est difficile d’ignorer la force de frappe de J.K. Rowling — 14 millions de followers rien que sur Twitter — et la place qu’elle a dans le cœur de beaucoup de gens.
Les messages d’acceptation, de tolérance et de diversité présents dans Harry Potter, même s’ils paraissent un peu fades en 2020, ont participé à la construction de millions de lecteurs et lectrices à travers le monde. Encore aujourd’hui, l’œuvre est vue comme portant un discours positif, encourageant l’ouverture d’esprit.
Voir l’autrice d’une saga si importante pour tant de gens propager de telles idées reçues et opinions sur les femmes trans, ça heurte et ça se comprend.
Au-delà du fait que personne ne mérite le cyberharcèlement, j’avoue que je n’ai pas trop d’idée arrêtée sur la façon dont il « faudrait » réagir.
Ignorer J.K. Rowling ? Lui répondre en faisant preuve de pédagogie ? Je pense que plusieurs options peuvent cohabiter.
J’espère en tout cas qu’elle aura un jour l’ouverture d’esprit nécessaire pour s’informer et remettre en question ses préjugés. Et tant que ça n’arrive pas, eh bien, les gens continueront de lui expliquer qu’elle a tort.
À lire aussi : Daniel Radcliffe réagit aux propos transphobes de J.K. Rowling
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