Notre espérance de vie augmente chaque année (1), l’image des vieux est progressivement redorée au fur et à mesure que les personnalités de plus de 70 ans cartonnent dans les médias… pourtant il reste une sphère hermétique aux bouleversements de la société du XXIè siècle : le très cruel et affreux monde de la mode.
Cécilia Cassini
Si la blogueuse Tavi (15 ans le mois prochain) a un style et une volonté d’apprendre à vous rendre baba, toutes les pré-pubères ne possèdent pas sa touchante naïveté.
[rightquote]Jusqu’où peut-on descendre ? 9, 7 ou 6 ans ? Peut-on lancer son propre défilé à sa naissance ?[/rightquote]En novembre dernier, nous découvrions Cécilia Cassini, une jeune créatrice de 12 ans au phrasé insupportable qui vendait des robes pour enfants sur Internet. Lourdes Léon, la fille de Madonna âgée de 14 ans, s’est épilée le monosourcil en 2010 et joue depuis les conseillères artistiques pour la marque de fripes pour ados Material Girl. Elle Fanning, 12 ans au compteur, est déjà l’égérie haute-couture pour Rodarte (2). Invitations sur les tapis rouges & interviews se multiplient pour ces starlettes qui, à défaut de réel talent dans le domaine, peuvent miser sur leur jeune âge pour faire parler d’elles.
Jusqu’où peut-on descendre ? 9, 7 ou 6 ans ? Peut-on lancer son propre défilé à sa naissance ?
La liste s’allonge de jour en jour. Mais jeunesse ne va pas forcément de pair avec le ridicule. Grant Mower, à 12 ans à peine, vient de remporter une récompense à la cérémonie des Fashion Group International of Dallas Awards pour une robe réalisé avec l’aide de sa mère. En France, la petite Laureen a ouvert son blog mode où elle pose en marinière et pantalon chino, sans que ce soit dérangeant pour autant. L’initiative d’ouvrir un blog mode n’est pas choquante en tant que telle : Laureen ne fait probablement que reproduire ce qu’elle a vu à longueur de pages sur Internet. Les commentaires et le regard que vont vous porter les autres peut en revanche être dangereux.
En clair : ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on ne peut pas être intéressé par la mode. Mais ce n’est pas parce que la mode nous intéresse que l’on doit s’efforcer d’être jeune à tout prix.
Ces créatrices, blogueuses et adeptes de la Fashion Week doivent être regardées avec bienveillance et non être portées aux nues à cause de leur âge. Ce n’est pas leur rendre service, et ce n’est pas nous rendre service que de valoriser leur jeunesse outre-mesure.
Car les rêves de jeunesse ne peuvent se réaliser qu’à l’âge adulte. Avant l’heure, c’est pas l’heure comme dit le dicton. Il faut admirer beaucoup, travailler tout autant, et avoir le temps de douter pour réussir sur la durée. « La jeunesse ? Une merveilleuse chose ! Mais quel crime de la laisser gaspiller par les enfants ! » disait Jacques Deval (Afin de Vivre Bel et Bien, éd. Albin Michel, 1970). Regardez Jordy. Aujourd’hui, il est fini.
Alors sommes-nous condamnées à être les spectatrices de ce jeunisme dans la mode ? Grands Dieux, non. Créateurs et pôles de communication, peut-être avec l’âge, ont appris à ne plus être dupes, et à s’adapter à leur clientèle. En décembre 2010, Tom Ford se moquait, dans une série photos pour Vogue Paris, de ses filles que l’on engage de plus en plus jeunes pour porter (et vendre) des vêtements pour femmes (3). Peu de temps avant, Cindy Crawford, à qui l’on avait prédit – comme à toutes les top-models – une carrière de courte durée, devenait l’égérie d’un magasin moscovite, TSUM (4) et posait pour le Vogue India dans la foulée. Saskia de Brauw, quant à elle, est une sorte de mannequin 3ème âge : elle vient de rentrer dans la mode à 29 ans (5).
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(1) Source : INSEE (2) Le court-métrage réalisé par Todd Cole pour la marque, « The Curve of Forgotten Things » (3) Voir l’article de Géraldine Dormoy sur le sujet dans l’Express (4) Voir la campagne publicitaire sur En Mode Luxe (5) Le NY Times lui a consacré un article cette semaine.
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