Ils ont intitulé leur premier album La cour des grands, un titre qui en dit long sur leur état d’esprit depuis qu’ils ont été propulsés sur le devant de la scène du rap français.
« On veut rentrer dans la cour des grands. »
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« C’est qui, ces deux-là ? »
Je me souviens du matin où nous avions découvert à la rédac’, le premier clip de Bigflo et Oli, Monsieur Tout Le Monde, et de ma réaction : « c’est qui, ces deux-là ? ». Alors je n’ai pas pu réprimer un sourire en découvrant qu’une des chansons de leur premier album portait précisément ce titre ! C’est un peu leur marque de fabrique, l’autodérision, déjà mise en scène dans Gangsta, sorte d’anti-hymne du rap commercial.
Bigflo et Oli font du rap sérieusement sans se prendre en sérieux — une maxime empruntée à mon professeur de droit constitutionnel, qui savait rendre cette matière divertissante et attractive, même pour celles et ceux qu’elle pouvait, a priori, rebuter.
Il y a un an, je n’écoutais pas de rap… mais il y a un an, je ne connaissais pas Bigflo et Oli. Et aujourd’hui, je me retrouve à dodeliner de la tête au rythme de leur beat, seule à la terrasse d’un café, le casque vissé sur les oreilles, et l’esprit déjà loin !
Des philosophes d’Aujourd’hui…
Les deux frangins alternent entre des morceaux sur leur vision du rap et de son univers, et des chansons-portraits de leur génération, des instantanés de la vie quotidienne, qu’on réécoute sans se lasser, comme on regarde une photo en y découvrant un nouveau détail, un nouveau souvenir.
« Aujourd’hui j’ai une copine, mon permis et mon bac, Demain j’aurai une fille, une voiture et un taf »
– Aujourd’hui
Cette jeunesse, « ces jeunes » qu’on caricature tellement dans les médias, cette « génération sacrifiée » sur laquelle on extrapole tant d’interprétations, trouve à travers le flow de Bigflo et Oli une voix authentique, sans excuse ni jugement.
« Parce que la mort nous en a trop pris, Si c’est un jeu, elle triche… »
– Marco
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Ces « philosophes sans la barbe » dressent un tableau pas vraiment rose, mais pas non plus misérabiliste de notre époque. On est loin des grandes tribunes politiques en totale déconnexion avec les ressentis, les angoisses et les espoirs de la jeunesse exclue des débats, celle qu’on invoque dans les discours mais dont on ignore la voix quand elle tente de se faire entendre…
« Égalité, fraternité, on n’y voit que des larmes. Allons enfants, aux armes
Beaucoup de haine, beaucoup de peine, un peu de peur La France n’a pas de couleurs »
– Nik ta mère
« C’est pas du rap, c’est de la musique »
« C’est pas du rap, c’est de la musique » chantent les deux frangins ; j’ajouterais que c’est bien plus que de la musique. Il y a de la poésie dans leurs textes, des hymnes générationnels dans leur prose et dans leurs mélodies, des vérités dans la rime, des confessions dans les rythmes.
Ils alternent les morceaux « légers », qu’on imaginerait aisément en tube de l’été des soirées lose (Comme d’hab), les critiques sociétales sans accusation (Le bijoutier), les galères et les angoisses de cette jeunesse (Ça coûte rien, Marco) et des chansons en forme de confession, de témoignage, comme une bouteille à la mer qu’ils rouvriront plus tard, histoire de voir s’ils se retrouvent dans ces autoportraits, entre nostalgie et aspirations au futur qu’ils construisent.
« La réussite, c’est la fierté dans les yeux de ceux que l’on aime »
– Aujourd’hui
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Cet album, c’est déjà un héritage, et ce n’est que le premier des deux « araignées montantes » du rap français. Je vous dirais volontiers que j’attends la suite avec impatience, mais en vérité, il va me falloir un peu de temps pour assimiler tout ce que cet opus envoie, parce que j’ai pris quelques grandes claques en écoutant La cour des grands, comme par exemple avec Le cordon, mais aussi Miroir, Aujourd’hui, J’attends la vague, Marco et Nik ta mère !
On disait que le futur du rap français était assuré, mais les frangins toulousains prennent la relève au présent. Cet album le confirme : ils jouaient déjà dans La cour des grands (à télécharger ici).
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