Deux témoignages avaient émergé juste après sa nomination, et depuis hier, le 14 juin 2022, de nouvelles voix s’élèvent pour évoquer l’attitude de Damien Abad envers les femmes.
Mediapart a révélé de nombreux éléments sur le ministre des Solidarités de l’Autonomie et des Personnes handicapées pour décrire des comportements récurrents « lourds », « indécents », « insistants », des gestes et des propos « déplacés » qui n’ont rien à faire dans un cadre professionnel, ainsi que le témoignage d’une élue centriste qui affirme avoir subi une tentative de viol de la part du désormais ministre, des faits qui remonteraient en 2010.
Une femme, a décidé de briser le silence à son tour et raconte à Mediapart le « climat “malsain” et sexiste » , « où la “drague était institutionnalisée” , et où « les femmes étaient souvent réduites à leur physique ou considérées comme des atouts “de communication ».
Elle évoque aussi un sentiment de toute puissance émanant de l’homme politique, décuplé lorsqu’il est devenu député européen en 2009.
Une tentative de viol en 2010
Elle raconte des remarques insistantes, mais aussi des gestes déplacés, qu’il met sous le compte de son handicap :
« Très régulièrement, lorsqu’on se rencontrait lors de réunions du parti, pour me dire bonjour il me faisait la bise, il avançait ses bras comme pour les poser sur mes épaules, puis les frottait, ainsi que ses mains, sur ma poitrine. »
Lors d’un dîner en 2010 avec des cadres centristes auquel elle assiste et où Damien Abad est présent, elle affirme avoir vu quelque chose au fond du verre que ce dernier lui tend.
« Je ne savais pas ce que c’était », raconte-t-elle. « J’étais méfiante étant donné son comportement passé, j’ai eu peur qu’il m’ait mis un truc pour m’embêter ». Elle raconte avoir aussitôt « “recracher” sa gorgée aux toilettes ».
Un détail sidérant quand on se souvient que l’une des premières témoins avait fait de ses craintes d’avoir été droguée et violée en 2010.
Les choses ne s’arrêtent pas là : elle raconte avoir été poussée par Damien Abad dans une pièce et qu’il aurait alors tenté de la violer. Elle se serait alors débattue et aurait réussi à se dégager en lui assénant un coup au ventre.
Un témoignage qui contrecarre la défense de Damien Abad depuis les débuts des révélations, à savoir que son handicap ne lui permettrait pas de contraindre quelqu’un par la force.
Comme le développait la militante handi-féministe Céline Extenso pour Madmoizelle, le viol est trop souvent associé à l’idée d’une « violence physique », or « la contrainte morale est une arme tout aussi puissante, qu’elle soit manipulation, sidération, chantage, menace, mais aussi soumission chimique, évoquée dans l’affaire Abad ».
Les faits remontent à plus de dix ans, mais Mediapart a recueilli la parole de nombreuses personnes à qui cette nouvelle témoin dans l’affaire Abad s’était confiée, dans son entourage intime, mais aussi du côté du parti.
Mediapart révèle aussi qu’une membre du parti Les Républicains qui aurait subi les comportements déplacés du ministre a reçu des sms de Damien Abad et des appels d’un de ses proches, alors qu’il venait de recevoir les questions des journalistes dans le cadre de leur article contenant les deux premiers témoignages. Il lui demandait si elle avait parlé à la presse.
Le témoignage d’une Miss
Entre 2014 et 2019, Damien Abad a entretenu une correspondance avec une Miss Pays de l’Ain dont Mediapart a recueilli le témoignage. La jeune femme trouve au départ « un peu cocasse de voir quelqu’un qui a ce poste s’intéresser à des minettes et à des concours de beauté ». Au fil du temps, Damien Abad aurait été de plus en plus insistant pour la rencontrer dans un cadre privé, tard le soir. Malgré les réponses pas du tout intéressées de son interlocutrice, il aurait persisté.
La colocataire de la jeune femme à l’époque a confirmé ses messages :
« On le prenait un peu à la rigolade, aussi parce que quand on était une jeune femme, avant #MeToo, c’était vu comme une situation normale, alors on essayait de prendre avec un peu de légèreté tous les hommes insistants. »
L’ancienne Miss reconnait aujourd’hui ne pas être « surprise » des accusations portées contre Damien Abad.
Un nouveau témoignage, mais toujours pas de réaction à Matignon
« Je peux vous assurer que s’il y a de nouveaux éléments, si la justice est à nouveau saisie, nous tirerons toutes les conséquences de cette décision » avait déclaré la Première ministre Elisabeth Borne en réponse aux toutes premières accusations après l’annonce du nouveau gouvernement. Va-t-elle réagir aujourd’hui, à la lumière de cette nouvelle enquête journalistique ?
Damien Abad n’a pas répondu aux journalistes. Auprès de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, il a réfuté « catégoriquement » ces nouvelles allégations et affirmé : « Ça ne me déstabilisera pas ! Je continue à faire campagne. » Le ministre s’est qualifié pour le second tour des législatives dans la cinquième circonscription de l’Ain face à la candidate Nupes Florence Pisani.
Après le tollé provoqué par la visite de la gendarmerie au lycée d’une jeune féministe qui avait eu l’outrecuidance de demander à Emmanuel Macron « Vous mettez à la tête de l’État des hommes qui sont accusés de viol et de violences pour les femmes, pourquoi ? », beaucoup attendent désormais que le gouvernement cesse de faire l’autruche et prenne ses responsabilités.
À lire aussi : Une jeune féministe interpelle Macron sur les hommes accusés de viol au gouvernement
Crédit photo : France Inter (capture Youtube)
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Les Commentaires
Mais je dois dire ce qui me sidère le plus dans cette affaire (car du gouvernement actuel, j'avoue ne malheureusement pas en attendre grand chose et ne plus être étonnée du manque de réaction), c'est qu'il soit passé au second tour des législatives !!! Apparemment il n'y a pas que le gouvernement qui s'assoit sur la parole des victimes....