Les photos de Jake Gyllenhaal tout de muscles couvert, pour son prochain film Southpaw (dans lequel il incarne un boxeur professionnel), ont fait le tour du Web en deux temps trois clics. Déjà, les diapos avant/après fleurissent sur la Toile, et les slips de certaines personnes touchées par la personnalité et les abdos bandés de Jake ont fait trois fois le tour de leur élastique, direction Vénus.
La publication de cette photo certes impressionnante coïncide avec l’arrivée dans les cinémas du film Nightcrawler (Nightcall en France), dans lequel Jake joue le rôle principal… pour lequel il a perdu beaucoup de poids. Si on calcule bien, il a donc perdu 15kg pour en reprendre le double en muscles secs ! Déjà habitué aux changements physiques (rappelez-vous sa masse musculaire ultra développée dans Jarhead ou Prince of Persia), il a alterné coup sur coup des transformations physiques drastiques.
Résultat, on chuchote qu’il serait en lice pour les nominations aux Oscars, dont les détenteurs sont très régulièrement du club des acteurs qui s’amaigrissent/engraissent pour des rôles. Jake n’a pas encore de statuette, comme notre pauvre Leo, mais il marque des points par cette « performance d’acteur ».
Au-delà du spectaculaire, ces transformations impressionnantes n’en sont pas moins dangereuses à plusieurs niveaux.
Je ne vais pas vous mentir : j’ai bavé sévère en élaborant cet article. Mes traîtresses hormones m’ont mené la vie dure, et je n’en suis pas sortie indemne. Pourtant, avec force et bravitude, j’ai affronté ce déferlement de photographies pour interroger les raisons de cette fascination des médias (et du public) envers ces transformations extrêmes d’acteurs respectés. Car cela ne va pas sans conséquences, qu’elles soient du point de vue des retombées médiatiques, du message envoyé au reste du monde, ou plus simplement de la santé de ces personnages publics qui infligent de drôles de traitements à leurs corps pour le besoin d’un rôle…
J’ai décidé de traiter le cas d’acteurs et non pas d’actrices car sur les dernières années, les changements les plus impressionnants et médiatisés ont été ceux des hommes ; les exemples sont plus variés et je crois à titre personnel que les actrices doivent rester globalement « jolies »selon les codes dictés par Hollywood (donc jamais trop grasses ni musclées, par exemple), alors que la prise/perte de poids extrême pose moins de problèmes pour un acteur.
Charlize Theron dans Monster, à des années-lumières de ses rôles habituels
Entre chemin de croix et apparente simplicité
La force médiatique de ces changements physiques repose sur un double paradoxe. D’abord, la communication autour du film insiste sur le sacrifice, le courage et l’abnégation de l’acteur pour le rôle. Par exemple, Christian Bale raconte qu’il ne mangeait qu’une pomme par jour pour The Machinist, Mc Conaughey s’est affamé pour son rôle de séropositif… et dans une moindre mesure, Jake Gyllenhaal a voulu donner à son journaliste un côté affamé en ayant lui-même « un peu faim ».
Les récits des heures passées à la salle de sport sont aussi un grand classique de communication : Tom Hardy
pour ses rôles dans Bronson et The Dark Knight Rises, Christian Bale entre deux diètes pour chaque Batman… les diapos et reportages en tous genres mettant en scène le courage indéniable de ces hommes ayant passé des mois à sculpter leur corps dans la douleur remportent généralement un grand succès.
Dans un autre film, Warrior, Tom Hardy a levé de la fonte pour incarner un lutteur
Si eux peuvent le faire, pourquoi pas vous ? On parle de défi, de challenge relevé… de l’imagerie positive alliée à une idéologie de l’acteur martyr. C’était le cas pour Mc Conaughey, Christian Bale, Michael Fassbender (qui joue un prisonnier faisant une grève de la faim dans Hunger), mais aussi pour Natalie Portman (Black Swan) ou Anne Hathaway (Les Misérables). Le point commun de tous ces acteurs (cette liste n’est absolument pas exhaustive) ? Ils ont gagné un Oscar, mention spéciale « martyrs du Septième Art ».
Un article de Slate.fr évoquait avec beaucoup de justesse il y a deux mois ce phénomène. Morceau choisi :
« De la même façon que la mode valorise ses mannequins maigres jusqu’à l’excès, Hollywood valorise ses acteurs modulables à l’excès. Oui, pour un acteur, ce jeu sur le corps peut rapporter gros : un acteur capable de s’imposer ce genre de disciplines est capable de tout jouer, d’être l’acteur parfait. »
Le paradoxe du tapis rouge
Ces variations de poids, ce contraste entre la bande-annonce et les photos de promo du film qui font le « buzz » et l’acteur tout beau dans son costume sur mesure sur le tapis rouge à l’avant-première donnent presque l’impression que c’est « facile » après tout.
D’un côté, on insiste sur le caractère héroïque de leurs transformations ; de l’autre, six mois plus tard, ils sont redevenus des gravures de mode pétant la santé. Ils sont en forme olympique alors que leurs corps ont été soumis à très rude épreuve. Si certains parlent des troubles physiques ressentis pendant la transformation, l’après n’est que trop rarement évoqué… Du coup, le public pense pouvoir faire la même chose alors qu’il ne dispose pas du suivi médical de ces stars, qui ont des assurances en béton et des spécialistes hors de prix qui leurs collent aux miches en permanence.
Et même avec un suivi, les risques sont bien présents : Christian Bale est loin de péter la santé ! Il est devenu tour à tour musclé, maigrissime, super musclé, re-maigre, tout bodybuildé, puis rondouillard, pour un retour à la « normale » qui semble presque magique à chaque fois. Et pourtant, ça ne l’est pas ! Que ce soit en perte/prise de poids ou de muscles, les résultats sur le corps sont réels ; la fiction et la réalité s’entrecroisent pour donner un drôle de mélange pas franchement très sain.
En plus, on parle de méthodes « naturelles » type salle de sport-régimes pour ces acteurs… mais on n’est pas non plus au courant de tout ce qu’il se passe dans leurs vies. On ignore si, par exemple, il y a eu des aides médicamenteuses/hormonales type stéroïdes (trèèès dangereux), des chirurgies de forme ou santé pour requinquer ces lascars et/ou les aider un peu dans les transformations. J’DIS ÇA JDIS RIEN.
Bref, on verra bien si Jake a un Oscar (bien mérité, cela dit), mais franchement, ne faites pas ça chez vous. Loin de moi l’idée de minimiser les performances réelles de ces acteurs, mais il faut rester alertes et suffisamment informés pour se rendre compte que cette cette communication à double message est dangereuse dans beaucoup d’aspects…
Si on parle souvent des filles et femmes très exposées aux images et représentations irréelles de corps féminins, et des conséquences que cela a sur leur vision d’elles-mêmes, l’inverse existe aussi. À l’heure de la « déification » des acteurs dont le physique fait le yo-yo, du matraquage de corps super-musclés de super-héros en tous genres, les hommes sont de plus en plus exposés à des physiques impossibles. Alors n’hésitons pas à éduquer notre entourage, surtout les jeunes : avoir le corps de Bruce Wayne juste après celui du « machiniste », ce n’est pas aussi simple qu’Hollywood voudrait le faire croire !
Les Commentaires
(tout ça pour qu'on dise qu'elle a mal vieilli :mur