Plus de doutes possibles : c’est l’automne. Et dans moins de deux semaines, on passe à l’heure d’hiver. Et le mois de novembre déboule au galop afin de finir de nous saper le moral (le ciel gris taupe, les jours qui raccourcissent, les corbeaux qui noircissent le ciel et Noël encore trop loin).
Généralement, à l’approche du mois maudit, on peut distinguer deux groupes de personnes vivant cette période pourrie de façons différentes : d’un côté, il y a ceux qui souhaiteraient hiberner et ne se réveiller que pour les beaux jours de mai. Mais comme la vie est mal faite et que c’est impossible, ils se contentent d’écouter les S club 7 tout l’hiver pour se remonter le moral. De l’autre, il y a ceux qui, comme moi, décident d’aller au bout des choses, lisent des livres et écoutent de la musique qui nous mettent face à la vacuité de nos existences et nous foutent un bourdon carabiné, prennent 10 kilos à trop avoir mangé de rillettes à la cuillère en chouinant devant les téléfilms de TF1 et ne sortent que pour aller acheter du fromage.
Pour ces personnes là, j’ai concocté une petite sélection de livres qui collent parfaitement à cette période de l’année et nous enfoncent un peu plus dans notre spleeno-trivialité (après avoir écrit cette introduction, je me sens déjà groggy).
1. Passer l’hiver – Olivier Adam
Quand j’avais 16 ans, ce recueil de nouvelles était ma Bible. Par conséquent, même dans mes dissertations, j’essayais d’écrire à sa façon. D’écrire comme lui. Pour faire comprendre le vide qui m’habitait, parce qu’à 17 ans, on est vide. Vide, et triste. Et perdu. Bon, j’ai un peu perdu la main, mais j’espère que vous arrivez à vous imaginer combien ma compagnie était funky.
Passer l’hiver est un bon livre dans son genre. A travers ses pages, on rencontre un père de famille bientôt célibataire qui apprend la mort de Pialat (de préférence, seul sur son canapé, pendant une soirée qu’il passe tout seul et après avoir bu trop de vin – tout seul) ; un père qui explique à sa fille qu’il a une tumeur au cerveau et qu’il compte bien mettre fin à ses jours avant de sombrer dans un état végétatif, mais c’est pas grave, parce qu’il l’aime ; l’hôtesse de caisse d’un supermarché de nuit qui passe son réveillon de Noël au boulot…
WHOUHOU ! Solitude, rupture, dépression, problèmes d’addiction : ces neuf nouvelles nous plongent dans l’univers de personnages au bout du rouleau, mais qui tiennent toujours et qui ne craqueront pas, nooon. Ils tiendront et, à la fin de l’hiver, ils seront toujours là, aussi vivants que vous et moi. Ils tireront à peine plus la tronche que nous.
Une petite citation pour se mettre de bonne humeur :
« Cela fait deux ans que je bosse dans ce supermarché. Ce n’est ni mieux ni moins bien qu’avant. C’est juste insupportable, comme n’importe quel boulot de merde. »
Mais aussi… :
« On marchait sous la neige et il me tenait le bras. C’était tombé sans prévenir, la forêt était blanche et lumineuse. Il m’a dit qu’il allait mourir, que les résultats des examens étaient formels, tumeur au cerveau. Qu’un jour, avant d’être trop diminué, avant d’être un légume, il se tuerait, qu’il fallait que je comprenne, qu’il m’aimait. Mon père m’a dit ça et j’ai fondu en larmes et nous avons continué à marcher en silence. J’ai pris sa main et nous étions comme deux amoureux sous la neige. »
Toujours plus fort ! :
« La beauté me donnait toujours envie de mourir, elle me plongeait dans un état de fragilité extrême difficile à expliquer. »
(Moi aussi, ça me fait cet effet-là quand je vois les fesses de Shakira, ndSPP).
Qu’est-ce qu’on se marre !
Idéal à lire un dimanche soir, vers 17h, au moment où le « soleil » se couche, en regardant régulièrement par la fenêtre pour bien s’imprégner de la lumière qui s’éteint.
2. La Cloche de détresse – Sylvia Plath
C’est après avoir lu cet article que j’avais eu envie de découvrir cette auteur. Moins « cliché » que Passer l’hiver, La Cloche de détresse est un petit bijou, une sorte de roman d’apprentissage d’une jeune fille brillante et dépressive.
Petit résumé : après avoir passé une partie de l’été à New York, Esther, 19 ans, rentre chez elle et plonge peu à peu dans la folie. Après, il lui arrive des trucs.
Je n’en dis pas plus car je ne voudrais pas trop en dévoiler. Dîtes-vous juste que si je n’avais qu’un livre pour l’automne à vous conseiller, ce serait celui-ci. Il est magistralement écrit, tout en nuance, et fait de plus écho avec la vie de Sylvia Plath qui s’est beaucoup inspirée d’elle-même pour le personnage d’Esther. L’auteur s’est d’ailleurs suicidée un mois après la parution de ce roman, le 11 février 1963. La légende veut qu’elle aie décidé de mettre fin à ses jours après avoir lu un livre d’Olivier Adam (blague).
3. Les Hauts de Hurlevent – Emily Brontë (ATTENTION JE SPOILE)
Un autre petit pavé à lire en automne. Pourquoi ? Parce que l’intrigue se passe dans la tourbière et qu’en 1847, il n’y avait pas beaucoup d’occasions de s’y fendre la poire. La preuve :
Dans les tourbières, même les poneys trouvent le temps long.
L’histoire est celle de Heathcliff, amoureux de Catherine et réciproquement. Mais Catherine décide d’épouser un riche héritier pour ramener des sous. Ca commence mal. Du coup, Heathcliff décanille. Et Catherine est triste. Bien. Après le mariage, Heathcliff revient. Catherine et lui s’avouent leur amour. Mais – décidément, quelle année pourrie -Catherine meurt. Et Heathcliff de passer le reste de sa vie à pourrir l’existence de tout le monde parce qu’il n’est pas content, et un peu sauvage. You-pi. Ah, et j’allais oublier : après sa mort, Catherine revient en fantôme.
Ce livre, en fait, est une illustration parfaite du précepte qui dit « Fuis-moi je te fuis, suis-moi je te suis, et puis tu meurs », – quelque chose comme ça.
Je l’ai lu il y a de cela plusieurs années. C’était à l’époque du LHC et de la menace irrationnelle d’une possible formation de trou noir. J’avais peur, parce que je ne comprends rien à la science et que je suis findumondophobe (j’y reviendrai un autre jour). Une nuit de novembre où je vivais encore seule, dans une chambre de bonne amiénoise dont la seule ouverture sur le monde était un velux donnant sur un mur, avec un voisin effrayant fan de métal et de Cauet, j’ai décidé de le lire. J’ai craqué, j’entendais des bruits partout, et j’ai décidé, pour me calmer, d’aller faire un tour toute seule pour faire passer mon blues. EN PLEINE NUIT. (Enfin, en réalité, j’ai descendu les escaliers de mon immeuble et je suis remontée aussi sec). Autant dire que ce bouquin est très efficace pour conduire à un nervous breakdown en bonne et due forme.
4. Des souris et des hommes – John Steinbeck
Dans l’Amérique de la Grande Dépression (rien que le contexte me compresse le crâne), Lennie et George sont « collègues » et rêvent de sortir ensemble de la précarité. George protège Lennie, dont la carrure n’a d’égal que la simplicité de son esprit. Un jour, ils rencontrent un jeune couple manipulateur, et leur destin en sera bouleversé.
Un livre culte, certes, mais à lire avec le coeur bien accroché pour ne pas finir par se rouler dans la boue en hurlant de désespoir face à ce roman qui met en exergue la cruauté des hommes.
N’oublie jamais : « L’homme est un loup pour l’Homme. Et surtout pour la femme » (Dirty Dancing)
5. La Nostalgie de l’Ange – Alice Sebold
Susie, une adolescente joyeuse et bien dans ses pompes de 14 ans, est violée et tuée par son voisin. Laissant derrière elle ses parents, sa soeur et son frère, elle les observe du ciel tandis qu’ils essaient de garder la tête hors de l’eau et qu’elle-même tente tant bien que mal d’accepter sa propre mort.
C’est beau (comme Ryan Gosling), c’est doux (comme du papier toilette à 3€ les 4 rouleaux), c’est triste (comme la mort d’une adolescente de 14 ans), c’est bien écrit (comme un livre qui serait bien écrit). De quoi pleurer à chaudes larmes pendant quelques heures, une tasse de lait chaud dans une main et un mouchoir en tissu dans l’autre.
Ca y est, parée pour novembre ? Tu m’en diras des nouvelles. Et toi, tu en connais d’autres ? Dans ce cas, n’hésite pas à venir les conseiller dans les commentaires : je suis un peu en rade pour mon automne à moi.
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