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« Ce que la Silicon Valley pense des femmes », un état des lieux préoccupant

Newsweek dresse un état des lieux préoccupant de la misogynie ambiante au sein de la Silicon Valley. Un péril pour les femmes qui luttent pour s’y faire une place, mais aussi un paradoxe pour un secteur réputé à la pointe de l’innovation, qui fait preuve d’un état d’esprit profondément rétrograde.

Newsweek a publié une longue analyse sur l’atmosphère professionnelle de la Silicon Valley, qui expose notamment la misogynie culturellement ancrée dans cet univers.

Le parcours (du combattant) de deux développeuses associées, Lauren Mosenthal et Eileen Carey, sert d’entrée à l’exploration d’un monde à la fois extrêmement innovant et profondément rétrograde :

« Dans une communauté comme la Silicon Valley, où des investissements à six ou sept chiffres sont habituellement lancés sur des idées qui parfois réussissent, mais le plus souvent explosent en vol telles des météorites, ces deux personnes n’ont guère récolté plus que de l’argent de poche — environ 400 000$, alors qu’il leur manquait encore 525 000$ en mise de départ.

Il y avait pourtant un élément qui faisait défaut à ces deux personnes, et qui est presque une condition sine qua non du lancement d’une start-up dans la Silicon Valley : elles n’avaient pas de pénis ».

Et l’article d’égrener les exemples, faits divers et scandales qui émaillent l’actualité californienne autour du noyau entrepreneurial de la région.

On ne parle pas ici simplement de propos indélicats et autres blagues de mauvais goût partagées en masse sur les réseaux sociaux et internes aux entreprises (sans pour autant minimiser ces pratiques, qui contribuent à instaurer une ambiance de travail nocive pour toutes les personnes, notamment celles qui ne sont pas des hommes blancs hétérosexuels).

On parle carrément de harcèlement, d’éviction des femmes, de faits de violence pour lesquels les auteurs ne sont pas poursuivis, ou s’ils le sont, faiblement réprimandés.

« C’est le genre d’endroit où l’un des jeunes hommes les plus en vue de la Silicon Valley, Gurbaksh Chahal — un entrepreneur dont les sociétés sont évaluées à plusieurs centaines de millions de dollars — a été filmé par une caméra de surveillance dans sa résidence, en train de battre sa petite amie pendant une demi-heure. Il n’a pas été condamné à de la prison, il a plaidé coupable d’infraction mineure et a reçu 25 heures de travaux d’intérêt général et trois ans de mise à l’épreuve.

C’est un endroit où les antécédents de violence conjugale d’un PDG n’ont aucune conséquence, mais où des cadres (des femmes) sont licenciées pour avoir tweeté des blagues sexistes qu’elles entendent au quotidien [pour les dénoncer, NDLR].

C’est aussi le genre d’endroit où des investisseurs peuvent répondre aux femmes qui les sollicitent pour obtenir des fonds des choses du genre « je n’aime pas la façon dont les femmes réfléchissent. Elles n’ont pas encore maîtrisé la pensée linéaire ».

Vous voyez l’univers de la série Mad Men ? Transposez la camaraderie machiste de Don Draper et sa joyeuse clique has been dans un décor high-tech épuré, et vous obtiendrez peu ou prou l’ambiance de travail en 2015 dans les start-up de la Silicon Valley.

Même Wall Street, durement caricaturé dans le biopic critique du trader Jordan Belfort, Le Loup de Wall Street, se défait progressivement de son ambiance de boys club, à grands renforts de rapports et de conseils sur la diversité, mais également de procès pour discriminations et harcèlement.

En Californie, rien de nouveau sous le soleil :

« Cette culture très « Loup de Wall Streetienne » répandue parmi les jeunes riches californiens, combinée aux codes sociaux de ces nouveaux riches entrepreneurs audacieux (voire têtes brûlées) financés par les premiers, ont créé une atmosphère particulièrement toxique pour les femmes dans la Silicon Valley. »

Pour résumer ce tableau : Mad Men x Loup de Wall Street x geek = culture misogyne.

À lire aussi : « I Fucking Love Science » et le sexisme : rétrospective

Pourquoi les femmes décrochent-elles ?

L’hostilité de l’atmosphère se matérialise par un manque de conseil disponible. Le manque de modèle féminins de réussite, couplé au manque d’écoute et de bienveillance à l’égard des femmes, dans un environnement où l’entraide répond aux codes d’une camaraderie très masculine, n’aide pas celles qui veulent persister à trouver l’aide dont elles ont besoin.

« La Silicon Valley n’a encore jamais produit de femme Gates, Zuckerberg ou Kalanick. Il y a bien quelques hautes personnalités parmi les entrepreneuSes de la Bay Area, mais malgré le succès ostensible de Meg Whitman, Sheryl Sandberg et Marissa Mayer, qui ont été embauchées après avoir décollé, leur nombre reste relativement faible ».

Les plus jeunes se rebellent, et dénoncent vigoureusement la misogynie ambiante, sans résultat pour l’instant, et surtout, sans véritable espoir de changement :

« Lorsqu’on lui demande ce que les femmes dans les start-up technologiques devraient faire, Shanley Kane [jeune fondatrice de start-up ainsi que du site critique Model View Culture] n’est pas très encourageante : « Je n’ai pas vraiment de conseils. Il n’y a pas grand chose que vous puissiez faire pour empêcher votre carrière d’être écrasée par la misogynie. »

À lire aussi : « Êtes-vous féministe ? », la question d’entretien interdite

Innover pour survivre et prospérer

Comment un secteur d’activité aussi porté sur le futur et l’innovation peut-il être aussi rétrograde sur un sujet aussi crucial que celui de la ressource humaine ? Comment la Silicon Valley peut-elle objectivement se permettre de mépriser le potentiel de 50% de la population ?

Exploiter le potentiel de tous les talents disponibles est en soi une problématique centrale de l’innovation, et cela, Lauren Mosenthal et Eileen Carey l’ont bien compris, puisqu’elles en ont tiré l’idée de leur start-up : Glassbreakers.

Il s’agit d’une sorte de réseau social/site de rencontre visant à promouvoir les talents féminins et à faciliter leur mise en relation en fonction de leurs métiers, compétences, et de leurs aspirations professionnelles.

À ce niveau, l’enjeu est au-delà du syndrome de l’imposteur et d’arrêter de « s’excuser d’être là », mais carrément d’oser « demander de l’argent ». Ces femmes ont tendance à être moins flambeuses et sûres d’elles que leurs homologues masculins lorsqu’elles se retrouvent à pitcher leurs projets devant les investisseurs.

Car l’éducation genrée produit des conséquences dans la manière dont les futures entrepreneuses présentent leurs projections, selon Vivek Wadhwa, coach diversité et auteure de Innovating Women :

« Les femmes ne vont pas faire des prédictions ridicules sur leur start-up comme certains mecs. Elles ne vont pas dire des choses vraiment stupides comme certains geeks. Elles sont beaucoup plus réalistes, pragmatiques, et humbles. »

Et non, la situation ne va pas évoluer d’elle-même avec le temps : il y a 20 ans, 97% des partenaires des sociétés d’investissement étaient des hommesAujourd’hui ?

Ils sont 96%.

De plus, la nouvelle génération des investisseurs « stars » comme Peter Theil (qui a financé Mark Zuckerberg) et David Sacks véhiculent une critique extrêmement négative (et absurde) du féminisme, une posture qu’ils ont largement diffusée pendant leurs années universitaires à Stanford dans les années 1990. Citons Sacks :

«  Si vous êtes un homme hétérosexuel à Stanford, d’abord vous couchez avec une fille et ensuite elle vous baise » [sous-entendu : elle vous accusera de viol]

Comme si le problème des viols sur les campus américains étaient essentiellement celui d’hommes accusés à tort, et pas celui des centaines de filles qui n’osent pas l’avouer, ou ne sont pas écoutées lorsqu’elles portent plainte, comme ce fut le cas (très médiatisé) d’Emma Sulkowicz !

À lire aussi : Culture du viol, consentement et « zone grise » : des concepts imaginaires ?

« Chaque entrepreneuse interviewée par Newsweek a une histoire qui ressemble quelque peu à celle ci », peut-on lire à propos d’une scène de harcèlement sexuel où un investisseur requiert un attouchement sexuel de la part de la cheffe d’entreprise à laquelle il s’apprête à accorder un prêt. « Oui, c’est vraiment arrivé », insiste Heidi Roizen, une investisseuse.

Autant d’histoires de femmes que leurs patrons, leurs clients ou leurs investisseurs ont invitées à dîner, ce qu’elles ont accepté en penser se rendre à un rendez-vous professionnel, être « one of the boys »… pour se retrouver dans des situations de harcèlement sexuel.

À lire aussi : Je veux comprendre… l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel

Une lueur au bout du tunnel ?

L’espoir réside dans le constat que la situation en est probablement au point de basculement : les femmes n’ont jamais été aussi indépendantes, aussi éduquées, elles n’ont jamais autant été en position d’inverser elles-mêmes la tendance qui voudrait les voir cantonner à des jobs subalternes, loin du « club » très masculin des chefs d’entreprises et fondateurs de start-up à succès.

L’intégralité de cet état des lieux préoccupant est à lire sur Newsweek.

C’est en anglais, mais si tu galères sur certains passages, n’hésite pas à demander un coup de pouce aux traductrices sur le forum !

Célébrer les modèles féminins

À côté des « stars » de la Silicon Valley, il y a toutes celles qui sont en train de se tailler une part de choix dans le pré carré des geeks. Sheryl Sandberg, directrice adjointe de Facebook, mais aussi Marissa Mayer, PDG de Yahoo, sont en train de donner une voix, mais surtout d’ouvrir la voie à toutes celles qui marcheront demain dans leurs pas.

À lire aussi : Sheryl Sandberg (Facebook) : pourquoi nous n’avons que trop peu de dirigeantes

Mais elles sont loin d’être les seules à pouvoir inspirer la réussite aux jeunes femmes qui se cherchent des mentors ou simplement des exemples dans la jungle de la Silicon Valley ! Nous recevions récemment dans nos bureaux Nora Poggi, une journaliste française à l’origine de She Started It, un film-documentaire destiné à mettre en lumière la réussite entrepreneuriale au féminin. Une interview à revoir ici !

À lire aussi : « She Started It », un film qui met à l’honneur les entrepreneuses

La Silicon Valley n’a qu’a bien se tenir en attendant la relève : des armées d’ingénieures ayant grandi dans le féminisme, stimulée aux jouets innovants comme ceux de Goldie Blox, et aussi à l’aise en code que les garçons (parce qu’il n’y a pas de gène des maths ni de l’informatique, n’entretenons pas cette illusion). Les développeuses et les ingénieures en informatique sont déjà là, la relève EST en marche !

Et toi, que penses-tu des métiers de l’innovation et de l’informatique ? Encouragerais-tu les jeunes filles de ton entourage à s’y intéresser, ou leur éviterais-tu d’être confrontées à un environnement hostile ?

À lire aussi : Ingénieure, un métier riche et diversifié — Témoignage et conseils pour les intéressées


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

14
Avatar de honeyspoon_
15 août 2015 à 01h08
honeyspoon_
@Aerlynn Pour les boîtes de jeux vidéo, je confirme. Par contre je suis la seule femme dans les équipes avec qui je travaille donc le cassage de sucre, c'est pas vraiment féminin... c'est pire quand on a pas vraiment le physique d'une nerd et qu'en plus on est noire. Ça sape carrément le moral et quand c'est une autre femme d'en haut qui me dit que c'est de ma faute et que je dois m'adapter, ça me donne carrément envie de chialer.

@hackergirl Tu me vends du rêve. Parce que cet article me fait carrément flipper et j'ose espérer que ce que tu dis est vrai. J'ai vraiment envie de quitter cette France qui a trop tendance à rester dans le copinage et les ragots.
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