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Jeune mère célibataire en Irlande, je soutiens le droit à l’avortement

Mary est irlandaise et a eu son premier enfant à l’âge de 17 ans. D’un accident, c’est devenu un choix ; aujourd’hui, elle se bat pour conquérir, légalement et véritablement, le droit de choisir.

Esther est partie recueillir les témoignages des jeunes femmes de plusieurs pays, à travers le monde, avec une attention particulière portée aux droits sexuels et reproductifs : liberté sexuelle, contraception, avortement.

Elle a déjà rendu compte de ses rencontres avec des Sénégalaises, puis avec des libanaises, et sa troisième étape l’a menée en Irlande du Nord (Royaume Uni) et en Irlande ! Elle y réalise interviews, portraits, reportages, publiés sur madmoiZelle au fur et à mesure.

Tu peux aussi suivre au jour le jour ses pérégrinations sur les comptes Instagram @madmoizelledotcom et @meunieresther, avant de les retrouver ici bientôt !

Mary* est la maman de deux petites filles, Annie*, 9 ans et Louisa*, 7 ans. La première est née alors qu’elle-même n’avait que 18 ans.

« Je suis tombée enceinte à 17 ans. C’était une grossesse accidentelle, c’était terrifiant, je ne savais pas quoi faire.

Mes parents étaient prêts à payer pour que j’aille en Angleterre. Alors que ma mère était très croyante, elle m’a demandé si je voulais avorter.

Si j’avais voulu j’aurais pu, j’avais cette chance là. Et j’ai répondu non, simplement parce que je pense que ce n’est pas pour moi.

Je ne sais pas comment j’ai pris cette décision. Je ne sais pas, je ne sais pas. Je savais juste que j’aurai cet enfant, je savais que l’avortement n’était pas pour moi, que je n’abandonnerai pas le bébé une fois né non plus. »

À lire aussi : Je suis tombée enceinte quand j’étais ado — Témoignages

L’avortement, une histoire de choix et de situations personnelles

Pour autant, si sa décision a été de poursuivre la grossesse, vendredi 25 mai, Mary votera « oui », lors du référendum portant sur la question de l’avortement en Irlande. Elle votera pour le choix.

« Je sais ce que certaines de mes amies ont dû traverser pour pouvoir avorter. Et le fait qu’elles aient choisi cette option ne les diminue en rien à mes yeux.

Ce n’est pas parce que c’est quelque chose que je ne considérerais pas pour moi que je ne dois pas pouvoir le considérer pour autrui.

Il y a des personnes qui tombent enceintes et ont besoin d’aide, pour n’importe quelle raison. Même si la raison est simplement « ne pas vouloir d’enfants ».

Elles devraient avoir le choix.

Être mère, c’est énorme, c’est tellement difficile, financièrement, émotionnellement, physiquement… on ne devrait jamais être forcée de le devenir. »

À lire aussi : « Je voulais avorter pour ne pas déshonorer mes parents » : l’IVG au Sénégal, un calvaire pouvant mener en prison

Avorter en Irlande, un calvaire

Être forcée de devenir mère, c’est ce qui se produit régulièrement en Irlande, puisque l’avortement y est illégal.

Les solutions principales pour y avoir accès sont soit de commander une pilule abortive en ligne, soit de voyager dans un autre pays où l’avortement est légal.

À lire aussi : Je suis enceinte… je fais quoi ?

Mary se rappelle de sa panique lorsqu’elle a découvert qu’elle était enceinte.

« Je ne peux imaginer la situation des jeunes femmes qui se retrouvent à commander des pilules abortives en ligne.

Tu sais, si je n’avais pas pu dire à mes parents que j’étais enceinte, si j’avais dû me débarrasser de cette grossesse… Je ne peux que comprendre que c’est parfois la seule solution envisageable, de commander ces pilules.

Et là imagine, ne pas pouvoir aller chez le médecin si quelque chose se passe mal ?!

C’est quelque chose qui m’inquiète déjà pour mes filles : qu’elles se retrouvent dans cette situation.

Je veux juste qu’elles soient en sécurité, que si ça leur arrive elles n’aient pas à endurer ça toute seule, à perdre du sang dans leur chambre en espérant que tout va bien se passer. »

Étudier pour un jour subvenir aux besoins de sa famille

Ce sont les filles de Mary qui guident aujourd’hui ses choix de vie. Sa responsabilité de mère a beaucoup joué sur les chemins qu’elle a empruntés.

À lire aussi : Jeune maman à 22 ans, j’ai fait ma vie à l’envers

Lorsqu’elle est tombée enceinte à 17 ans, Mary avait déjà arrêté l’école depuis quelques mois. Mais une fois son bébé né, elle y est retournée, pour avoir son examen de sortie du lycée — l’équivalent du baccalauréat.

« Je suis sortie diplômée du lycée au même moment que les autres personnes de ma génération, ensuite j’ai pris une pause, j’ai eu ma seconde fille, puis j’ai repris les études 4 ou 5 mois après sa naissance. »

Aujourd’hui, elle étudie pour devenir assistante sociale. C’est son expérience de mère célibataire qui lui a donné le courage de se lancer dans ce parcours.

« Initialement la décision de poursuivre la grossesse a été prise avec le père, quand j’avais 17 ans. Le 2ème enfant était voulu depuis le début.

Le père a généralement été présent, sauf pendant deux ans où il est parti, il m’a laissée seule avec les deux filles et ça, c’était très dur.

J’ai pas eu le choix donc j’ai enduré, mais c’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’il fallait que je retourne faire mes études parce que je ne pourrais pas survivre comme ça toute ma vie.

Être une mère célibataire, c’est si dur. C’est faisable, mais c’est tellement difficile, personne ne devrait avoir à subir cette situation. »

Voter oui pour ne pas mettre en danger un équilibre précaire

Si elle vote « oui » vendredi, c’est aussi pour elle et pour sa famille.

« Si je tombais enceinte demain, si ma contraception me faisait défaut pour une raison ou une autre, si je devais avoir un autre enfant et que je devais encore mettre mes études en pause pour quelques années…

Ce ne serait juste pas possible.

Mes filles sont si jeunes, j’ai besoin de me former pour fournir à leurs besoins, ça porterait préjudice à toute la famille.

Je serais dévastée, honnêtement. Parce que j’en suis à cette étape où j’ai repris des études, pour elles, pour me former et avoir un travail correct. »

Pour l’heure, Mary vit grâce aux subventions qu’elle reçoit de la part du gouvernement en tant que mère célibataire et en raison de l’autisme de sa fille aînée.

« Si à 17 ans, ça m’a semblé plus facile d’avoir cet enfant plutôt que d’avorter sur le moment, aujourd’hui la situation est différente et j’aimerais avoir cette option si ma contraception me faisait défaut. »

À lire aussi : Aux États-Unis, la prévention des grossesses adolescentes subit un nouvel assaut

Être une jeune mère célibataire en Irlande, c’est souffrir des préjugés

« Ça semblait plus facile » pour la Mary de 17 ans d’avoir cet enfant, mais la Mary d’aujourd’hui regarde pourtant cette période de sa vie une pointe d’amertume.

« Je ne savais encore ce qu’était être une mère, mais dès que j’ai accouché, j’ai eu à souffrir du regard des gens parce que j’étais si jeune.

Les mêmes personnes qui votent « non » aujourd’hui sont celles qui me jetaient alors des regards méprisants parce que j’étais une jeune mère célibataire.

Même quand j’étais enceinte, les aides-soignantes qui s’occupaient de moi avant que j’accouche étaient tellement condescendantes avec moi, elles faisaient des commentaires désobligeants. »

Son parcours n’était pas rendu plus facile par les personnes qui auraient dû la soutenir :

« Il y avait une autre fille qui était dans la même situation que moi au même moment dans la clinique. Elle ne prenait pas forcément soin de nourrir son bébé, donc les infirmières venaient le lui rappeler régulièrement.

Chaque fois elles en profitaient pour me réveiller, même si de mon côté je n’avais pas ce genre de problème, c’était très pénible…

En tant que jeune mère célibataire, tu dois faire face à beaucoup de préjugés. C’est le poids de la religion : on n’est pas censée avoir des enfants avant d’être mariée.

Ça va si loin que pour mon deuxième enfant, je n’étais pas mariée, mais j’ai décidé de porter une alliance pour m’éviter ça. Et c’était en 2009, il n’y a pas si longtemps que ça. »

« L’Église ne devrait pas dicter le discours ambiant sur l’avortement »

Ce qui la met en colère, c’est justement que la religion joue un rôle si proéminent dans le débat.

« L’IVG ce n’est pas une question de religion, c’est un problème de santé publique !

Tout le monde n’est pas croyant et/ou pratiquant, je ne le suis pas par exemple donc pourquoi les règles religieuses devraient-elles s’appliquer à moi ? »

Mary tient un discours assez virulent vis-à-vis du passé (récent) de l’Église en Irlande :

« Et puis, je me souviens encore très bien des scandales sur l’Église, j’étais à l’école.

Si j’étais tombée enceinte quelques années plus tôt, j’aurais pu être envoyée dans un de ces couvents, donc ma vision de l’Église est plutôt mauvaise.

Même si je sais que certains prêtres sont pro-choix, je n’aime pas ce que l’Église a perpétré en Irlande dans le passé, donc je ne vois pas pourquoi on devrait appliquer leurs vues à l’ensemble de la population. »

Elle fait référence aux différents scandales ayant mis au jour des « fosses communes dans des fosses septiques » contenant les corps de centaines de bébés, près de couvents où l’on envoyait les mères non mariées.

Ces bébés avaient des certificats de décès, mais pas d’enterrement…

« Cela dit, je respecte les gens qui croient et qui vont voter non. Ceux qui m’énervent le plus sont ceux qui ne sont juste pas éduqués à ce sujet, ou ceux qui sont concernés mais qui ne vont pas voter.

C’est frustrant, j’ai une amie qui est allée en Angleterre pour avorter et qui ne s’est même pas inscrite sur les listes… »

Quoi qu’il advienne, Mary est impatiente que le référendum appartienne au passé.

« Je n’en peux plus de voir ces panneaux partout et de devoir supporter les avis des anti-choix. »

Verdict dès le 26 mai.

*Tous les prénoms ont été modifiés


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

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Avatar de Elkaria
23 mai 2018 à 19h05
Elkaria
Je suis bien d'accord avec la conclusion, ce sera bien une fois que ce sera fini, les panneaux partout, depuis plus d'un mois, c'est pénible!

@Lilas DUPONT En cas de non, la constitution reste telle quelle est et l'amendement n'est pas enlevé

The states acknowledges the right to life of the unborn and, with due regard to the equal right to life of the mother, guarantees in its laws to respect, and as far as practicable, by its laws to defend and vindicate that right.’

Donc l'enfant à naitre est reconnu comme égal à celui de la mère, aucune loi sur l'abortion (sous aucun cas sauf risque fatal pour la mère) ne peut être passée. Jusqu’au prochain referendum je suppose…

En principe un avortement est passible de 14 ans de prison. En pratique, je crois que c’est assez peu appliqué (si je ne me trompe pas les contrôles sont bien plus courant en Irlande du Nord, la sentence est à vie et de ce que je viens de lire une femme a été condamnée pour avoir aidé sa fille à obtenir des médicaments, donc juste par association).

Mon voisin de bureau est surement indécis, il demande aux autres s’ils votent/ce qu’ils votent. Ça doit le travailler parce que c’est vraiment pas quelque chose qui est discuté ouvertement. Hier il a demandé au dinosaure à ma gauche, qui a sorti des conneries sur les valeurs de la famille qui partent en vrille (il me gave déjà en temps normal, ça s’est pas amélioré…).

Aujourd’hui c’était mon chef (avec qui je m’entends très très bien et dont j’ai une très bonne opinion), qui votera oui. Il ne sait pas où se pose ses opinions personnelles sur le sujet, mais il refuse d’imposer son opinion a tout le pays et trouve ça inacceptable de laisser d’autres pays s’occuper de leur problème. Ça m’arrange, je peux garder mon opinion positive. J’espère qu’il aura été convaincant.
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