Cette année, Roland Garros accueillait la tenniswoman Serena Williams, après un an et demi d’absence.
Son retour était très attendu sur le court de cette grande compétition, 8 mois seulement après la naissance de sa fille en septembre 2017.
L’américaine s’est battue comme une reine mais a fini par déclarer forfait le 4 juin dernier, quelques minutes avant la huitième de finale qui aurait dû l’opposer face à la Russe Maria Sharapova.
Un journaliste sportif du nom de Christophe Spahr a écrit pour le journal régional suisse Le Nouvelliste au sujet de Serena Williams, et il n’a pas vraiment mentionner les compétences sportives de la tenniswoman, mais sa tenue. Il la qualifie comme « une faute de goût. »
Le 5 juin dernier, Stéphanie Schneider, une internaute, a partagé l’e-mail qu’elle a envoyé à ce journaliste pour dénoncer le sexisme de ses propos parus dans le quotidien.
Elle a accepté que madmoiZelle publie sa lettre.
Ce matin, j’ai lu le Nouvelliste. Comme ça, par hasard. Et je suis tombée sur un article signé Christophe Spahr. Voici la lettre que je lui ai adressée suite à cette lecture.
Cher Monsieur Spahr,
Je vous adresse cet email suite à la parution de votre article intitulé : « Tennis : Serena Williams, une vraie faute de goût », dans le Nouvelliste du 5 juin 2018.
En votre qualité de responsable des sports, vous dites tout d’abord ceci : « Je ne comprendrai définitivement jamais les « grands couturiers » ».
Et bien tout ceci me paraît d’une logique implacable : vous êtes responsable des sports, et non de la mode ou de la fashion week 2018.
Par conséquent, vous ne pouvez pas comprendre pourquoi et comment on imagine une telle tenue. Je vous encourage donc à rester dans votre domaine de compétences car, en définitive, cela nous importe peu de connaître votre avis au sujet des vêtements portés par Serena Williams lors du tournoi de Roland Garros.
D’autres journalistes seront plus aptes que vous à nous parler de mode. Par contre, parlez-nous de son jeu, de son retour sur les courts après un an d’absence.
Là, oui, on lira volontiers ce que vous avez à nous dire.
« Essayez de vous concentrer sur le jeu des joueuses, et non sur leurs fesses. »
Puis, vous continuez en affirmant :
« Ce n’est ni insultant ni moqueur d’affirmer que l’Américaine n’a pas le physique adéquat pour se déhancher, sur un court, dans une combinaison aussi moulante qui met avant tout en évidence ses formes très généreuses. »
J’ai ici aussi une proposition : lors du prochain match, essayez de vous concentrer sur le jeu des joueuses, et non sur leurs fesses. Car il faut le savoir : les joueuses de tennis ne se déhanchent pas sur le court, ELLES JOUENT AU TENNIS.
Oui oui je vous l’assure.
À lire aussi : Sexisme dans le sport : c’est bientôt fini, oui ?
Elles ne défilent pas sur un podium de mode. Encore mieux : elles ne sont pas là pour distraire et émoustiller la gente masculine ou féminine.
Ce sont des athlètes d’une puissance remarquable, au talent incomparable et au courage admirable. Dans le cas de Serena Williams, revenir avec cette qualité de jeu seulement 10 mois après avoir donné naissance à son premier bébé nous donne une simple idée de sa force mentale et de sa volonté.
Ce n’est pas un hasard si elle est l’athlète féminine la mieux payée au monde
, selon le classement de Forbes 2017. Quelle femme et quelle athlète !
Enfin, vous écrivez au sujet d’une tenue similaire portée par Anna White : « Une tenue qui, par ailleurs, la mettait particulièrement en valeur. Elle… »
Là encore, les lecteurs du Nouvelliste peuvent constater ce qui vous intéresse chez les joueuses de tennis. Donc, selon vos arguments, ce qui vous dérange réellement, ce n’est pas la tenue de Serena Williams en elle-même, mais le fait que son corps, très puissant et musclé, n’est apparemment pas à votre goût.
Alors là aussi, je dois vous dire que le lecteur n’a cure de connaître vos préférences physiques.
Je ne vois aucun problème à ce que vous parliez de ça au moment de l’apéro entouré de vos semblables, car là vous êtes libre d’être sexiste et paternaliste et je ne peux alors rien faire pour vous.
Mais lorsque vous vous adressez aux lecteurs du Nouvelliste, je pense qu’il est honnête d’attendre de vous une information de qualité centrée sur les événements sportifs.
« Secouez-vous, Monsieur Spahr, vous dormez ! »
Mais dites-moi, qui êtes-vous pour décider ce qu’une joueuse peut porter ou non ? Réveillez-vous Monsieur Spahr, nous sommes au 21ème siècle, et ce n’est plus à l’homme que revient le droit de décider ce que la femme peut faire ou non !
Si Serena Williams, fière de ses formes et de sa puissante carrure (qui la hisse au sommet du tennis mondial), souhaite porter cette tenue moulante, elle a le droit de le faire sans que vous ressentiez l’obligation, depuis votre fauteuil de journaliste moralisant et machiste, de juger de son bon goût.
Il vous suffirait en outre d’ouvrir un peu les yeux pour comprendre que vos codes esthétiques issus de la communauté blanche, ne sont absolument pas partagés par une grande partie d’autres cultures mondiales où les formes très généreuses comme vous dites, sont célébrées comme l’apogée de la beauté féminine.
Et encore ceci : les femmes disposent de leur corps comme elles le souhaitent, elles ne sont pas votre propriété. Secouez-vous, Monsieur Spahr, vous dormez !
En résumé, vous êtes tombé dans tous les pièges lors de la rédaction de votre article : le piège du paternalisme, celui du sexisme et celui du racisme ordinaire.
Vous avez une responsabilité envers les lecteurs du Nouvelliste : celle de lui fournir votre regard d’expert au sujet du sport. Tenez-vous en à ce domaine. Vous êtes payé pour ça.
Et si vous souhaitez faire preuve de machisme de bas étage, faites-le en privé et non publiquement.
Ne nous polluez pas avec vos remarques libidineuses et peu pertinentes. Vous nous faites perdre notre temps.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire, Monsieur Spahr, et je vous souhaite un merveilleux tournoi de Roland Garros.
Stéphanie Schneider.
Le texte de Stéphanie Schneider a d’abord été publié sur Facebook le 5 juin dernier. Merci à elle de nous avoir autorisé à la relayer sur madmoiZelle.com
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Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
J'ai lue la même info. Et ça donne encore plus envie de distribuer des baffes.
On est en 2018 et certaines personnes considèrent encore que la priorité d'une professionnelle (sportive ou pas) c'est d'être "agréable à l'oeil" et pas de pratiquer son activité dans des conditions optimales pour son bien être et sa santé.