Cet article est le sixième épisode du journal de bord d’Anouk Perry sur un voilier queer et féministe. Vous pouvez lire les épisodes précédents et suivants ici :
- Episode 1 : Comment j’ai tout plaqué pour partir voyager à bord d’un voilier queer et féministe
- Episode 2 : « Si on coule, tu restes tant que tu peux sur le bateau » : ma première semaine à bord d’un voilier
- Episode 3 : « Et soudain, la voile se déchire » : ma deuxième semaine à bord d’un voilier
- Episode 4 : « On arrive au port suivant et il n’y a toujours pas de toilettes, je craque » : ma troisième semaine à bord d’un voilier
- Episode 5 : « L’ancre s’est détachée, on dérive vers les rochers » : ma quatrième semaine à bord d’un voilier
Après plus d’un mois à bord de ce voilier, je sens que j’ai pris un certain rythme de vie plus doux. Je parle plus lentement, je me sens détendue, et je réalise un jour que cela fait des semaines que je m’endors à 23 heures comme un plomb alors que cela faisait des années que j’étais sujette aux insomnies au quotidien, ou presque.
C’est donc apaisée que j’accueille à bord deux nouvelles coéquipières, Léonie et Lilas qui deviennent immédiatement de véritables coups de cœur amicaux. Je les adore, on rigole sans cesse et je me rends compte à quel point cet aspect-là (partager l’humour) m’avait manqué les semaines précédentes.
Je prends aussi conscience à ce moment-là de mes compétences acquises sur le voilier. À l’arrivée, je connaissais quelques bases, mais j’étais encore perdue. Maintenant, je montre à mes nouvelles équipières des nœuds de marin, comment on installe les voiles avant une navigation ou encore comment les régler une fois en mer.
Ensemble, on part jeter l’ancre dans un premier « Rias » (une sorte d’avancée de l’océan dans les terres)… Sauf que comme d’habitude sur Triton, rien ne se passe jamais comme prévu.
Et si je vois un fantôme flotter dans les airs ?
Lors de la première nuit avec ce nouvel équipage, vers 3 heures du matin, je suis réveillée par Hannah qui me chuchote qu’on a encore un problème avec l’ancre. Elle s’est décrochée et nous dérivons bien trop proche d’un luxueux catamaran qui a jeté l’ancre à nos côtés. Pas question de le toucher, cela pourrait nous coûter bien trop cher.
Pas le choix, il faut se déplacer plus loin, relancer l’ancre, et comme personne n’est vraiment rassuré•e par la situation, on décide de se relayer 2 heures chacune sur le pont du bateau pour être prêtes à réveiller les autres si l’ancre se décroche de nouveau.
C’est ainsi qu’entre 3 et 5 heures du matin, je reste éveillée à guetter qu’on ne s’approche ni des rochers, ni du catamaran, ceci en sachant que j’ai peur du noir. Et même si on est isolées au milieu de l’eau, je me fais des scénarios à n’en plus finir (imagine, je vois un fantôme flotter dans les airs ???).
Quand je réveille Léonie pour qu’elle prenne son tour, elle grogne et tarde, mais moi, je ne suis que joie de pouvoir retourner me poser à l’intérieur du bateau. Ici, je sais qu’aucun monstre ne viendra me chercher !
Welcome to paradise
Le lendemain, on repart naviguer vers un nouveau lieu que des locaux nous ont conseillé. Sauf que sur le chemin, la mer est plate. Tellement plate que personne ne veut barrer, c’est juste super ennuyant. Pourtant, on n’a pas le choix, car Triton n’a pas d’auto-pilote et on en a pour plus de 7 heures de navigation. Alors, comme d’habitude, on se relaie.
Heureusement, à l’arrivée, tout soupçon de regret disparaît. Nous jetons l’ancre face à une petite crique isolée, avec une petite plage d’eau turquoise entourée d’une dense forêt d’eucalyptus. C’est magique. Il n’y a personne aux alentours, on se baigne à poil, on bouquine sur le pont du bateau et on rigole comme des folles plusieurs jours durant.
Un soir, on fait un petit feu sur la plage, on chante, on danse, tout est magnifique. C’est tout simplement magique.
Ares, la ville du « Pussy Gate »
Après quatre jours ainsi, nous décidons de quitter ce coin de paradis afin de rejoindre Ares, une petite ville du nord-ouest de la Galice. On a envie de retrouver un port, ou plutôt des sanitaires : ça fait alors 5 jours que nous n’avons pas pris de véritables douches. Et oui, sur Triton, il n’y a pas de toilettes (juste un seau), ni de douche (juste un robinet, avec un débit très réduit).
Les sanitaires sont assez sommaires ici. Les douches sont communes, sans cabines, et le jet d’eau est tiède, mais pour nous, c’est déjà le luxe.
D’autant plus que cette ville, Ares, est super mignonne, et la côte est toujours aussi belle. Je vis alors mes plus beaux jours sur ce bateau.
C’est pourtant là qu’a lieu un remous que je n’avais pas vu venir. Reprenons le contexte : je m’entends très bien tout le monde sur le bateau à ce moment-là, mais c’est vrai que j’ai une connexion un peu plus forte avec Léonie. On se donne des surnoms, on se confie, on se rapproche.
Un jour, alors qu’elle fait la sieste sur sa banquette (située dans l’espace salon du bateau), je me penche pour prendre un truc dans un tiroir situé au-dessus d’elle.
En baissant les yeux, j’aperçois dans le bâillement de son short son sexe nu. Un peu gênée, je lui fais remarquer en rigolant que je vois son sexe (« Euh… For your info I can see your pussy Léonie ! »), elle répond elle-même en rigolant que ce n’est pas grave (« You have already seen it »). On a, en effet, passé plusieurs jours à se baigner à poil juste avant.
Bref, cette conversation aurait pu être anecdotique si quelques minutes après, Hannah n’avait pas sorti la tête de sa cabine pour nous dire sèchement qu’iel n’avait pas envie de nous entendre flirter et parler de nos organes génitaux. Il y a un blanc.
Je m’excuse immédiatement, prête à calmer le jeu, mais Hannah nous annonce dans la foulée avoir besoin de prendre du temps seul·e et part se promener 2 heures sans donner de nouvelles.
Léonie, Lilas et moi avons du mal à comprendre, et moi, je me sens ultra-bête et peinée, car après un mois et demi à bord, s’il y a bien une leçon que j’ai retenue, c’est qu’un rien peut faire perdre tout équilibre…
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