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Pourquoi l’allongement du délai légal de l’IVG bloque en France

Avec le refus du Sénat d’allonger le délai légal d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse, le droit à l’avortement n’est pas renforcé, au contraire. Mais qu’est-ce qui coince, au juste ?

Dans le monde d’après, faire avancer les droit des femmes reste toujours aussi laborieux : décidément, cette pandémie n’aura rien apporté de bon…

La proposition de loi qui prévoit d’allonger le délai légal d’accès à l’avortement de 12 à 14 semaines de grossesse a été rejetée par le Sénat ce mercredi 20 janvier — sans surprise dans un hémicycle à majorité de droite (en première lecture, la disposition avait été votée à l’assemblée nationale à majorité LREM).

Au-delà du clivage politique s’opposent également des préoccupations techniques et éthiques.

L’IVG à 14 semaines, une opposition technique

Afin de garantir le droit à l’avortement pendant la pandémie de Covid-19, la députée Albane Gaillot a proposé l’allongement de ce droit. L’objectif ? D’éviter aux femmes des grossesses non désirées parce qu’elles avaient dépassé le délai légal en France et que les frontières étaient fermées.

Avant d’apporter son soutien à cette proposition au mois d’octobre 2020, le gouvernement a fait preuve de prudence, invoquant des réserves sur la faisabilité technique d’un tel acte. En effet, les gestes pour pratiquer un avortement à 12 et 14 semaines ne sont pas les mêmes.

Dans une interview au Monde publiée le jeudi 7 octobre, le professeur Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF) et chef du service de gynécologie-obstétrique du CHU de Strasbourg, affirme que ce geste n’est pas anodin. Opposé à l’allongement du délai légal, il a déclaré :

« Concrètement, à douze semaines, un fœtus mesure 85 millimètres, de la tête aux fesses. Ç quatorze, il mesure 120 mm et a la tête ossifiée. Ce qui veut dire qu’il faut couper le fœtus en morceaux et écraser sa tête pour le sortir du ventre. On peut donc comprendre que ce soit assez difficile à réaliser pour beaucoup de professionnels ».

Un argument balayé par Sophie Gaudu, gynécologue-obstétricienne et responsable de centres d’IVG et de planification familiale dans Le HuffPost. Selon elle, certes, la procédure diffère mais « c’est un geste que les professionnels font déjà, notamment dans le cadre des interruptions médicales de grossesse ».

Cet argument technique ne suffit donc pas à expliquer le rejet de l’allongement du délai… mais il s’accompagne d’un souci éthique.

L’IVG à 14 semaines, une opposition éthique

Techniquement, ce geste est possible, mais l’est-il psychologiquement ? Face à cette interrogation, le jeudi 8 octobre, le ministre de la Santé Olivier Veran avait préféré, avant de donner son avis, saisir le Comité consultatif national d’éthique.

 

Parce que les gestes ne sont pas les mêmes, un médecin pourrait avoir des réserves au moment de pratiquer l’avortement, en raison des conséquences sur son état d’esprit ou de ses convictions personnelles. Cloé Guicheteau, médecin au Planning familial et au centre IVG du CHU de Rennes, qui réfute cette position, a confié à Slate :

« Pour les professionnels qui pratiquent l’IVG, ce n’est pas rien d’extraire un fœtus à ce terme-là. Heureusement, ils savent qu’ils ne sont pas en train de tuer une vie mais d’en sauver. »

Un argument rejeté également par le Comité consultatif national d’éthique, qui dans un avis rendu le vendredi 11 décembre a affirmé n’avoir « pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse. »

Par conséquent, cette position interroge sur l’obsolescence ou non de la clause de conscience des médecins.

Lors de l’étude de la proposition de loi au Sénat, des parlementaires ont tenté d’interdire aux médecins de refuser de pratiquer l’IVG. Une démarche peu souhaitable pour le professeur François Olivenne, qui signe une tribune dans Le Monde et y souligne :

« L’acte d’IVG n’est pas un acte médical comme un autre et l’on peut comprendre que certains médecins puissent refuser de le pratiquer en fonction de leur croyance personnelle. Cette idée n’est surtout pas bonne, car l’on peut imaginer dans quelles conditions seraient effectués ces actes par des médecins forcés de le faire alors qu’ils y sont farouchement opposés. »

Afin de garantir et renforcer le droit à l’avortement, il faut aller plus loin : c’est ce que propose le professeur Yves Ville, chef de service à Necker. Dans une interview au Parisien, il affirme que pour faire face à la fragilité de la loi Veil :

« Il faut inscrire le droit à l’IVG dans la constitution. Et que les seules personnes habilitées à se poser la question d’IVG soient les femmes concernées. »

En somme : pas d’utérus, pas d’avis. En attendant qu’un jour cet argument soit pris en compte, le groupe LREM a déjà annoncé l’inscription une nouvelle fois de la proposition de loi  à l’ordre du jour de l’Assemblée.

À lire aussi : Les chiffres à retenir de l’étude sur l’IVG en France en 2019


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Les Commentaires

17
Avatar de Fentanyl
28 janvier 2021 à 21h01
Fentanyl
J'ai pris un peu de temps pour me renseigner auprès d'obstétriciens qui pratiquent des IVG dites "tardives" après 12SA (la limite actuelle étant à 14), selon eux, ça ne va rien changer à la technique... Ils savent, faire, c'est vraiment pas un geste compliqué qui demande beaucoup de formation, même les internes apprennent rapidement à faire ça seuls... Alors bon, l'argument bidon de la difficulté, les opposants peuvent se le caler derrière l'oreille.
La seule chose, c'est qu'effectivement, le fœtus est plus formé, et ca peut être un peu plus difficile psychologiquement pour certains soignants. D'ailleurs, ils évitent de programmer plusieurs IVG tardives pour un même opérateur le même jour. Mais toutes les femmes qui en ont besoin seront prises en charge quoi qu'il arrive, car la priorité c'est les patients.
En tant que futur médecin (et peut-être gynéco-obs), j'ai du mal avec cette clause de conscience où le soignant se permet de faire passer son jugement, ses croyances avant la prise en charge d'un malade. Après certaines situations personnelles sont totalement compréhensibles (par ex une médecin qui fait des fausses couches à répétition, n'arrive pas à être enceinte) mais en dehors de ces rares cas, on tombe plutôt dans une sorte de paternalisme écœurant, à mieux savoir ce que devraient faire les autres et le leur imposer... On est là pour accompagner, pas pour imposer notre vision des choses.
A la limite je comprends qu'on puisse refuser de pratiquer une aspiration tardive, mais qu'on refuse une IVG médicamenteuse à une femme sous prétexte qu'on est contre l'IVG, je trouve ça écœurant. J'en viens à souhaiter qu'il y ait une loi pour que les futurs gynécologues ne puissent pas refuser une IVG médicamenteuse. (y'a d'autres spécialités hein, si ca les défrise d'aider les personnes souhaitant interrompre une grossesse non désirée)
Il ne faut pas oublier qu'environ 75% des IVG sont pratiquées alors que les femmes ont une contraception. Pas plus tard que la semaine dernière, c'était sous DIU au cuivre.

Fin bref, l'IVG, la contraception sont des sujets qui me tiennent à coeur.

L'année passée, LSD, la série documentaire de France Culture, a consacré 4 épisodes super intéressants sur l'IVG, où sont évoqués en long et en large la question de la clause de conscience, les difficultés du parcours de soin, les raisons qui font que le délai des 12 semaines peut être dépassé... (et avec notamment le témoignage, glaçant, d'une directrice de planning familial, acteur historique de la légalisation de l'IVG, qui témoignait de la récente difficulté de trouver des soignant.es prêt.es à pratiquer l'IVG...)
A écouter ici : https://www.franceculture.fr/emissions/series/avortement-le-pouvoir-du-medecin

J'avais écouté cette série, passionnante mais inquiétante ! Je conseille à tout le monde.
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