Outre-Manche, les femmes sont deux fois plus susceptibles de mourir d’une crise d’asthme que les hommes, d’après la nouvelle étude scientifique Asthma + Lung, relayée par The Guardian, le 27 avril 2022. Les experts de la santé appellent à des recherches urgentes sur les différences liées au sexe face à cette maladie.
L’asthme est une pathologie inflammatoire qui s’attaque aux bronches et aux conduits impliqués dans le transit d’air vers les poumons. Parfois, les bronches peuvent mal réagir à certains stimuli comme des acariens, du pollen, de la poussière, la pollution atmosphérique, la fumée du tabac ou encore certains virus et mêmes aliments. Conséquence ? Leur paroi s’enflamme vivement et on a tout simplement l’impression de s’étouffer.
Les femmes et les hommes inégaux face à l’asthme
Plus susceptibles de développer la maladie, d’en développer une forme grave et même de mourir d’une attaque… L’asthme n’épargne pas les femmes. Au Royaume-Uni, au cours des cinq dernières années, elles représentent plus des deux tiers des décès dus à cette pathologie.
L’organisme scientifique a assuré que l’approche actuelle du traitement de l’asthme « ne fonctionne pas ». En effet, il ne tient pas compte de l’impact que les hormones sexuelles féminines durant la puberté, les règles, la grossesse et la ménopause peuvent avoir sur les symptômes et les crises d’asthme.
Sous assistance respiratoire à 22 ans à cause de l’asthme et de ses règles
Poppy Hadkinson, 30 ans, présentatrice de télévision locale, a confié à The Guardian, que son asthme diagnostiqué à l’âge de 11 ans, en pleine puberté, s’aggravait en fonction de son cycle menstruel.
« Il semblait y avoir un schéma réccurent dans mes symptômes, liés à mon cycle menstruel. Presque tous les mois avant mes règles, j’étais vraiment malade à cause de mon asthme. J’avais du mal à respirer, ce qui était terrifiant, et je me retrouvais souvent à l’hôpital. Les crises d’asthme que j’ai subies étaient si graves que j’ai été sous assistance respiratoire quatre fois lorsque j’avais 22 ans et je me demandais si j’irais jusqu’à mon prochain anniversaire. »
Poppy Hadkinson a alors été mise sous traitement : un médicament biologique, l’omalizumab qui lui a changé sa vie, mais qui malheureusement ne fonctionne pas sur tout le monde.
Aucun moyen financier accordé aux recherches sur l’asthme féminin
Asthma + Lung UK encourage donc les médecins généralistes à étudier tous les déclencheurs potentiels avec leurs patients afin de créer des ajustements personnalisés dans leur traitement. L’organisme scientifique conseille aussi aux femmes de prendre leurs médicaments préventifs, à bien assister à leur examen annuel de l’asthme et à tenir un journal de bord de leurs symptômes.
Les femmes elles-mêmes doivent donc participer à des recherches scientifiques oubliées par la médecine… Un comble ! Sarah Woolnough, directrice générale d’Asthma + Lung UK, dénonce le manque de moyens financiers pour mener ces études.
« En ce qui concerne le financement de la recherche, les femmes asthmatiques ont tiré la courte paille. Les lacunes dans nos connaissances laissent tomber les femmes, les laissant avec des symptômes d’asthme débilitants, coincées dans un cycle d’hospitalisation et, dans certains cas, perdant la vie. »
Une première étude sur les inégalités des sexes face à l’asthme réalisée en France
Retour en France où plus de 4 millions de personnes souffrent d’asthme, d’après l’Assurance Maladie. La pathologie est loin d’être bénigne : environ 900 personnes en décèdent chaque année.
En 2018, une équipe de chercheurs français du centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan, menée par Jean-Charles Guéry, s’est penchée sur ce possible lien entre le système immunitaire et les hormones sexuelles qui pourrait expliquer les inégalités hommes/femmes face à l’asthme.
Premier constat : durant l’enfance, avant l’âge de 10 ans, précisément, on observe une plus grande prévalence à développer cette pathologie chez les garçons que chez les filles. Toutefois, au moment de la puberté, la tendance s’inverse : chez l’adulte l’asthme est deux fois plus fréquent chez les femmes et ces dernières développeraient des formes plus sévères de la maladie.
La testostérone empêcherait-elle l’asthme ?
Les cellules lymphoïdes innées de type 2 (ILC2) sont les cellules immunitaires impliquées dans le développement de l’asthme. Après plusieurs expériences sur des souris mâles et femelles, castrées ou non, les scientifiques français ont émis l’hypothèse que les hormones mâles, telles que la testostérone, auraient un rôle clé dans le développement de l’asthme.
Après de multiples expériences in vitro, les chercheurs ont démontré que la testostérone empêchait le déploiement des cellules immunitaires ILC2. Pour valider leur hypothèse, ils ont prouvé qu’un anti-androgène, une molécule diminuant l’activité des hormones mâles avait l’effet inverse sur les cellules lymphoïdes innées de type 2.
La testostérone serait-elle la solution ? Toujours est-il qu’aucun traitement miracle n’a été trouvé… Et que la recherche française semble s’être arrêtée là. C’est vrai, pourquoi se presser pour les femmes asthmatiques qui suffoquent ?…
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Image en Une : © Sahej Brar – Unsplash
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Les Commentaires
C'est tragique, mais banal : le corps des femmes et ses différences sont rarement pris en compte, et quand on daigne reconnaître qu'il y en a, c'est toujours secondaire. Nous ne sommes pas des citoyens de seconde zone. Les femmes ne sont pas juste des "modèles réduits" des hommes, ou une variation des hommes qui seraient eux "standards". La totalité du corps humain est sexué, pas seulement (comme certains le croient parfois) nos organes reproducteurs. Notre santé et notre corps méritent d'être étudiés, d'être au centre d'études et de préoccupations, pas une préoccupation secondaire, ou pire un dommage collatéral.
On peut donc ajouter l'asthme à la longue liste des maladies où le sexe joue un rôle sur la fréquence, la sévérité, les conséquences, etc , entre les maladies auto-immunes, l'ostéoporose, Alzheimer, les problèmes liés à l'alcool... Sans compter les cas où le problème se présente autant ou presque chez les hommes que chez les femmes, mais où les symptômes diffèrent souvent, comme les crises cardiaques, l'autisme, les AVC...