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Je chéris mes premiers effrois.
Devant The Thing, Halloween, A Nightmare on Elm Street, j’ai été secouée. La peur agitait mon petit corps d’enfant d’une manière toute nouvelle.
Mais très vite, j’apprenais à ne pas avoir peur de la peur. J’essayais de relativiser la violence, du moment qu’elle était fictive. Entre elle et moi, il y avait un écran, je n’avais donc rien à craindre.
J’étais protégée par ma réalité, à des kilomètres de celle des films d’horreur.
Aujourd’hui, j’aime ce genre plus que n’importe quel autre. C’est lui qui a nourri mon envie de parler cinéma au quotidien.
Mais les frissons sont rares, désormais. Parce que j’ai vu trop de choses, et qu’on s’habitue à tout, même au gore.
Il y a quelques semaines pourtant, j’ai eu une belle surprise…
Le thème de No Dormiras fait écho à une peur réelle
Le nouveau film de Gustavo Hernández se déroule dans un hôpital désaffecté.
À l’intérieur, une troupe de théâtre répète une pièce.
La jeune Bianca est en compétition pour le rôle principal, et prête à tout pour persuader son mentor, l’autoritaire Alma, qu’elle est la tête d’affiche parfaite.
Seulement voilà, cette troupe de théâtre n’a pas des méthodes de travail traditionnelles.
L’idée d’Alma pour pousser ses élèves à aller puiser jusqu’au plus profond d’eux-mêmes ? Les empêcher de dormir.
L’insomnie est censée les plonger dans un état d’hypersensibilité, qui les aiderait à transmettre des émotions très fortes.
C’est là qu’intervient le premier élément angoissant de No Dormiras. L’insomnie, pour moi, c’est un sujet sensible.
Pendant des années, je souffrais de troubles importants du sommeil, qui me pourrissaient l’existence. Le moment du coucher était devenu un cauchemar, tant je savais que je ne trouverai pas le repos.
Et flipper à l’idée de ne pas dormir… m’empêchait justement de dormir.
La nuit j’angoissais, et la journée j’étais claquée. Un cercle vicieux duquel il a été très dur de m’extraire.
Même si j’ai fini par résoudre ce problème, je suis toujours angoissée à l’idée de retomber dans l’insomnie. Elle est toujours là, à trôner au-dessus de ma tête, comme une épée de Damoclès.
Alors être confrontée à elle, poussée à son paroxysme, c’était littéralement effrayant.
Les hallucinations qui découlent du manque de sommeil rendent les personnages complètement fous. Ils se déshumanisent progressivement pour ne plus ressembler qu’à des bêtes sauvages, au regard vitreux et halluciné.
T-E-R-R-I-F-I-AN-T.
Rapidement, j’ai éprouvé un effroi addictif pour No Dormiras.
Le décor de No Dormiras est flippant
Les décors jouent pour beaucoup dans le potentiel d’effroi d’une fiction.
Prenez Amityville par exemple. Le scénario n’a d’intéressant que le fait qu’il est inspiré de faits réels. À part ça, on reste dans une histoire classique de chez classique, de laquelle est exempte toute forme d’originalité.
Mais ce qui a en partie fait flipper les gens, c’était le lieu à l’intérieur duquel l’intrigue étendait ses ailes de l’enfer. Une maison a priori banale, mais qui dispose en réalité d’éléments horrifiques…
Les fenêtres, disposées comme des yeux sur un visage démoniaque, personnifient la demeure. Le décor prend vie, et devient le vecteur principal de l’angoisse.
Dans No Dormiras, les décors jouent également pour beaucoup dans l’effroi global.
L’hôpital est déjà très peu accueillant de base, mais lorsque les personnages progressent dans l’insomnie, il se change en quelque chose d’encore plus dérangeant, presque malsain.
Sorte de théâtre de l’enfer, cette bâtisse semble pouvoir abriter toutes les pires atrocités.
Le lieu évolue en même temps que les personnages. C’est passionnant d’assister à sa mutation !
Les mécanismes de la peur sont maîtrisés
Pour que l’horreur fasse effet, il faut que tout soit rythmé comme du papier à musique. C’est un principe auquel je ne supporte pas qu’on déroge.
Une fiction qui merderait au niveau de l’intervention des jump scares, par exemple, m’obligerait à mettre pause immédiatement.
La rigueur, c’est complexe mais indispensable.
Et c’est là qu’intervient le meilleur élément de No Dormiras. Comme le film mise sur la précision, il est forcément très efficace !
Les jump scares sont bien placés et toujours mis au service de l’intrigue. Du coup, le sursaut est impossible à retenir.
J’ai bondi plusieurs fois de ma chaise, la goutte au front. Et ces jump scares, j’y ai repensé le soir, avant de dormir… Ils m’ont encore plus glacé le sang.
Je regardais autour de moi à la recherche d’un éventuel démon, d’un croquemort ou que sais-je encore, prêt à bondir sur moi. J’ai même été vérifier sous mon lit.
Par ailleurs, la maîtrise du rythme force l’admiration. Les « moments de souffle », qui permettent de se détendre un peu, sont très vite tranchés par un élément d’angoisse.
Et les passages d’angoisse sont vite dédramatisés par un « moment de souffle ».
No Dormiras joue les montagnes russes. J’en suis sortie complètement bouleversée, prête à tout faire pour trouver vite le sommeil, et ne jamais plus sombrer dans les méandres de l’insomnie.
Sauf que le soir venu, j’ai repensé au film. Et là, impossible de dormir…
Mission accomplie pour Gustavo Hernández !
Découvre cette pépite du cinéma espagnol en salles le 16 mai 2018.
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