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Comment c’était, la « Manif pour Tous » ? – Le Petit Reportage

Hier, dimanche 13 janvier, avait lieu la « Manif pour tous », défilé organisé par les opposants au mariage pour tous. On a été palper l’ambiance dans le cortège.

Entre 340.000 (selon la police) et 800.000 personnes (selon les organisateurs) sont descendues dans la rue hier, pour signifier leur opposition au mariage pour tous. En effet, les manifestants exigent un arrêt du processus parlementaire (le gouvernement a prévu de discuter la loi au Parlement à partir du 29 janvier). Le cortège, très dense, est parti de trois points de rendez-vous différents : Place d’Italie, Denfert-Rochereau et Porte Maillot. L’Elysée a confirmé aujourd’hui que la manifestation contre le projet de mariage pour tous a été « consistante ». Selon Erwann Binet, député socialiste et rapporteur du projet de loi, « le message a été entendu mais notre détermination reste forte. L’esprit de la loi ne changera pas ».

Sur place, l’ambiance était à la frénésie. Avec leurs slogans peints sur le visage, pancartes colorées et manteaux bariolés d’autocollants, les opposants au mariage pour tous étaient bien déterminés à défiler contre « cet affreux changement de société que les socialos veulent imposer ». En effet, selon Anne, 27 ans, comptable, « l’ouverture du mariage pour tous, c’est le début de la fin. Nos valeurs républicaines et la réputation du mariage en tant qu’institution vont finir dans le caniveau. » Mais lorsqu’on demande à la jeune femme d’expliquer un peu plus ses arguments, elle s’éclipse. Et ce sera comme ça pour la majorité des personnes interrogées.

Des manifestants priés de ne pas « débattre avec les journalistes »

Il faut dire que le cortège de la « Manif pour tous » ne ressemble pas à n’importe quel cortège. Si les participants acceptent avec plaisir que leurs pancartes soient immortalisées, ils s’avèrent bien moins prompts à la discussion.

Et pour cause. Une recherche sur Internet nous fait découvrir qu’un code de conduite a été édicté par les organisateurs. Ainsi, sur le site officiel de la « Manifestation pour tous » découvre t-on les mots suivants :

Image 5

Ce que les organisateurs entendent éviter, ce sont donc les propos personnels pouvant virer à l’homophobie et ternir l’image de l’événement. Pierre, professeur des écoles de 46 ans, commente :

« Cette façon de faire ne me choque pas, au contraire, je trouve ça même plutôt sage de la part des organisateurs. Selon vous autres, journalistes, ça doit ressembler à un aveu de censure, mais quand on y pense deux secondes : les médias passent leur temps à publier des articles clairement partisans et pro-mariage pour tous. On sait bien ce que vous venez chercher dans ce genre de manif. Les gens qui crient à la mort aux pédés et les pancartes injurieuses : ça vous fait du clic, et ce sont ces homophobes qu’on voit le plus dans votre presse bienpensante. Moi ça ne me convient pas, non : je suis contre le mariage pour tous parce que je pense que les gays ont déjà le PACS, mais je ne suis pas pour l’éradication de tous les homos de cette planète pour autant ! »

Plus loin, trois jeunes hommes lancent, rigolards : « Les lesbiennes c’est pas des mères mais des chiennes ! Les pédés c’est pas des pères mais des enculés » Visiblement pas mécontents de leurs rimes, les manifestants en herbe sont très vite recadrés par une militante UMP. « Ils sont éméchés, ils sont juste venus foutre le bordel », conclue t-elle en tournant les talons.

Plus loin, un camion d’organisateurs distribue des affiches « Zéro maman, c’est déprimant » et « Et il est où ton papa ? Et elle est où ta maman ? – Jacques Martin »
« Ils ont pas envie que leurs manifestants se pointent avec des affiches bordeline fait maison… », soupire un passant, très pressé de rentrer chez lui. En effet, la règle est claire : les banderoles relayant des slogans autre que ceux choisis par les organisateurs doivent être soumis et validés en amont.

Elisabeth, une bénévole chargée de prier les manifestants de quitter les trottoirs, s’émeut :

« Hors de question qu’on nous confisque la parole en nous faisant un procès de mauvaise intention. Les médias aujourd’hui, c’est pire que l’inquisition »

« Être pour le mariage homo, c’est la mode »

Le cortège, de plus en plus dense, se met en route vers 13h30. Pendant que les sonos continuent à cracher de la variété française, les manifestants se mettent en rangs, et reprennent tous en chœur les slogans lancés par les organisateurs. Certains ont pris le soin d’arriver habillés en bleu, blanc et rose – les couleurs officielles de la manifestation.

Nombreux sont venus en famille, en témoignent les poussettes et les ribambelles d’enfants qui chahutent. « Pourquoi es-tu présent aujourd’hui ? », se risque t-on à demander à un enfant couvert d’autocollants. « Parce que tous les enfants ont le droit à un papa et à une maman ! Le mariage pour les gays ne pense pas aux droits des enfants », récite consciencieusement une petite tête blonde, vite retirée de nos mains par ses parents.

« Nous, on est venus de Toulouse pour s’exprimer. C’est bien la première fois que je me paye un billet de train pour venir manifester ! », explique Laetitia, mère de 3 enfants. « Je trouve déplorable qu’on ait tout de suite mis dans la case « anti-progressisme » tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce nouveau choix de société », ajoute la toulousaine.

« Je comprends évidemment qu’on ait envie de donner les mêmes droits à tout le monde, mais j’estime qu’il est aussi de notre devoir de bien mesurer les conséquences d’une telle loi. À titre personnel, avoir été élevée par une mère seule m’a toujours fait souffrir. J’aurais aimé avoir une présence masculine à la maison, je pense que dans la vie, ça m’aurait aidée à avoir moins peur des hommes… Et non, une deuxième mère ne m’aurait pas apporté la part de virilité qu’un père a forcément. »

Un coup d’œil à la faune alentours, et il faut se rendre à l’évidence : la moyenne d’âge est plus élevée que lors de la manifestation pour le Mariage pour tous. Roger, veste en tweed et béret sur la tête, explique :

« Je suis un fervent défenseur du modèle familial. Je me dispute souvent avec mes petits enfants, qui sont pour le mariage pour tous sans même s’être vraiment posés la question, parce que c’est à la mode. Mais plus sérieusement : il me reste moins de 20 ans à vivre, si je manifeste aujourd’hui, ce n’est même pas pour ma poire mais bien pour les générations futures ! »

Le rôle du père et le rôle de la mère : une dialectique naturaliste

« Je vote à gauche, mais parfois, la modernité me fait peur. On veut tellement être ‘modernes’ qu’on bascule parfois dans une déliquescence de nos plus grandes valeurs. Que va t-on faire de tous ces enfants qui, dans 20 ans, se rendront compte que c’est notre société qui leur a collé deux pères ou deux mères dans les dents ? Si la nature a besoin d’un père et d’une mère pour faire un enfant, ce n’est pas pour rien. Biologiquement, il faut un ovule et un spermatozoïde… et psychiquement, il faut la douceur d’une mère et la droiture d’un père. Ça me paraît assez logique ! », s’enflamme Valérie, 31 ans.

Le rôle du père et celui de la mère… Une dialectique souvent utilisée par les manifestants, pour expliquer leur opposition à l’adoption pour les couples homosexuels. Sur son article « Mariage pour tous, les femmes vont se réveiller avec une sacrée gueule de bois » publié sur le Huffington Post, Christine Pedotti, partisane du mariage pour tous, propose un début d’explication :

« Ce que défendent les hommes de religion dans cette affaire de mariage pour tous, ce n’est pas l’institution du mariage mais le patriarcat. S’ils défendent la différence des sexes, c’est pour mieux assigner les femmes à leur « ordre naturel », celui de la procréation, de la modestie et du silence. »

Pour l’intellectuelle catholique, qui est aussi une des co-fondatrices du Comité de la Jupe, les opposants au mariage pour tous seraient prisonniers d’une grille de lecture patriarcale qui sous-tend que chaque genre a ses propres caractéristiques.

« Mais moi, j’ai la même logique, sauf que je remplace ‘genre’ par ‘identité sexuelle’ ! Je suis gay, et ce n’est pas parce que je suis gay que je suis forcément pour le mariage pour tous. Aujourd’hui, être gay et contre cette loi, c’est être ‘un faux gay’. Je trouve ça aberrant ! », s’énerve Julien, un homosexuel de 23 ans contre le projet de loi. Un discours qui entend dénoncer « une parole confisquée », et qui n’est pas sans faire penser à la sortie de ce militant proche de Frigide Barjot : « On nous explique en permanence que les homosexuels sont pour ce projet de loi parce qu’ils sont homosexuels. C’est une logique choquante et homophobe de la part de ce gouvernement. C’est dire que tous les homosexuels n’ont pour instinct sexuel que leur orientation sexuelle, c’est la ligne défendue par un homme que l’Allemagne a bien connu à partir de 1933, et c’est la ligne que défend aujourd’hui François Hollande. »

Direction le Champ-de-Mars

On l’aura compris : le cortège, cadenassé par une organisation prévue au millimètre près, est en vérité composé de toutes sortes de manifestants. Il y a les opposants très disciplinés, qui évitent les journalistes comme on leur a suggéré… puis il y a les autres, plus minoritaires, qui ne résistent pas à la tentation de donner leur avis. Parmi cette dernière catégorie, il faut compter à la fois ceux qui souhaitaient défendre leur point de vue de façon apaisée et redorer le blason des anti-mariage pour tous… et ceux, au contraire, complètement mus par la colère. Jean-Pierre, médecin, est un de ces derniers :

« C’est du foutage de gueule. Ce que le gouvernement fait en ce moment, c’est du populisme. Ça s’appelle flatter une catégorie de la population (les homosexuels) au détriment d’autres citoyens (les enfants). Et qu’on ne m’accuse pas d’avoir dit que les gays feraient intrinsèquement de mauvais parents ! Ce que je dis, c’est que quand on choisit d’être homo, on doit aussi être capable de reconnaître que si la nature ne nous a pas permis de faire des enfants, c’est pas la peine de changer toute la société pour y remédier ! Que va t-on faire de ces enfants qui ne voudront plus aller à l’école par peur des moqueries de leurs camarades qui ont la chance d’avoir ET un père ET une mère ? »

Et quand on avance à Jean-Pierre l’idée que les mentalités peuvent évoluer en même temps que les changements sociaux, comme cela a pu être le cas avec le droit de vote pour les femmes, il rétorque :

« Donner ce droit-là aux femmes n’était pas contre-nature. Deux hommes et un couffin, ça c’est contre nature. Quoi qu’on en dira. Au sens propre du terme, ça reste contraire à la nature »

Vers 15h, les premiers manifestants issus des différents cortèges commencent à affluer vers le Champ-de-Mars, point de rendez-vous final. « On est tellement, mais tellement nombreux ! », s’exclame avec joie Marie, 22 ans, étudiante en communication, téléphone portable à la main pour immortaliser la scène. Au loin, la sono passe la chanson Gangnam Style pendant que des manifestants, de 7 à 77 ans, tentent d’imiter la chorégraphie de façon plus ou moins heureuse.

Alain Escada, grande figure de l’organisation catholique intégriste Civitas, explique :

« Le mariage a toujours été communément admis comme l’union d’un homme et d’une femme, la seule possibilité de féconder et ainsi de participer à la pérennisation de la société, le reste n’est qu’artifice, n’est que mensonge »

Plus loin, des bénévoles se baladent avec des sacs à la main : « donnez un peu d’argent, c’est pour rembourser la manifestation ! », lancent-ils aux passants. Vers 18h, le dernier cortège, parti de Place d’Italie, arrive enfin. Il est fermé par une banderole « Fin de cortège de la manif pour tous – la manif pour tous n’est plus responsable au-delà de cette limite ». Très probablement en référence au cortège de Civitas, qui devrait arriver.

« J’espère que cette manifestation aura servi à montrer au gouvernement, aux journalistes et à l’opinion publique en général, que les opposants au mariage pour tous sont bel et bien là, qu’ils existent et qu’ils veulent se faire entendre. C’est aussi ça, la démocratie. En tout cas, on reviendra vite. Et autant qu’il le faudra. », conclue Jacques, cheveux poivre et sel et affiche « Y’a pas d’ovule dans les testicules » sur le torse.

— Crédits photos : Tony Trichanh pour madmoiZelle


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