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Lettre d’amour et de soutien au personnel soignant

Devant l’abnégation du personnel soignant en cette période inédite de pandémie mondiale, Kalindi a voulu lui dédier quelques mots.

En décembre dernier, mon père est mort.

Après huit mois de lutte contre un cancer très agressif, il s’est laissé partir dans une chambre au dernier étage des soins palliatifs de Puteaux, loin des montagnes pyrénéennes où il s’était imaginé finir sa vie.

L’injustice du bordel a été difficile à avaler, mon père étant l’homme le plus sportif et sain que j’ai rencontré de toute ma vie.

Maintenant au moins, je connais la dimension très random de la maladie, qui choisit ses victimes sans égard pour leurs qualités d’humains ou les efforts dont ils redoublent au quotidien pour lui tordre le cou.

Mais du drame le plus marquant de ma jeune vie, je ne retiendrai ni les lumières blanches et tapageuses de l’hôpital, ni les dizaines de chimiothérapies et autres protocoles expérimentaux. Je refuse de me souvenir du cancer, finalement.

Je retiendrai plutôt que l’urgence appelle l’amour et l’humanité.

L’amour des proches, celui des amis, des potes, des connaissances, et surtout du personnel soignant, dont l’abnégation m’a obligée à ranger mes a priori au placard.

Exit les stéréotypes des médecins en speed qui expédient leurs patients, des infirmières à la mine basse et autres experts imbus d’eux-mêmes.

Ces clichés, les infirmières, notamment, les ont écrasés à coups de sabots blancs.

Pendant les premiers mois et surtout les derniers jours, les hommes et les femmes à blouses poudrées ont succédé aux familles en jeans et pulls mouillés de tristesse.

Jour et nuit, des dizaines de médecins, cancérologues, hématologues et infirmiers ont accompagné une descente aux enfers, que ma famille et moi dissimulions sous un silence aussi épais que nos écharpes d’hiver.

Mon père est mort un peu avant Noël, un peu avant que la pandémie ne rende le monde fou et égoïste.

Ces derniers jours, alors que la France était priée de rester chez elle pour un confinement général et inédit suite à la propagation spectaculaire du Covid-19, une partie de la population a enfreint les règles imposées par le gouvernement, en ne respectant pas les mesures d’éloignement par exemple.

Si j’ai eu du mal à conserver mon calme et ma foi en l’humanité en début de semaine, je suis revenue sur mon aigreur.

Depuis quelques jours, je vois partout sur les chaînes d’information des images du personnel médical qui se débat avec un virus contre lequel nous sommes « en guerre », comme a aimé à le répéter 6 fois Emmanuel Macron lors de son allocution du 16 mars.

Personnel médical auquel ont depuis rendu hommage de nombreux Français depuis leurs balcons, tous les soirs à 20h, en faisant vrombir les immeubles sous des applaudissements nourris.

J’ai désormais envie d’apporter ma pierre à l’édifice de la solidarité en dédiant quelques mots directement à ces travailleurs qui adoucissent les hôpitaux aux lumières pourtant cruelles.

Alors, à tous les professionnels du corps médical, des chercheurs et chercheuses aux gens qui nettoient les sols aux petites heures du matin, des infirmières aux personnes de l’accueil, des ambulanciers aux anesthésistes, des chirurgiennes aux urgentistes, et à tous ceux et toutes celles qui contribuent de près ou de loin au maintien de nos santés dans cette crise comme dans celles qui suivront, un grand merci.

Pas un merci de façade, pas un signe de la main, pas quelques mots téléphonés lors d’une allocution, un merci qui sort du bide, parce qu’à défaut d’avoir pu épargner celle de mon père, vous allez sauver des millions de vies.

Vous avez redonné, vous allez redonner le souffle aux Français emmenés en urgence sur des brancards pour des toux qu’ils pensaient bénignes, vous rassurerez des familles sur l’état de leurs aînés, et annoncerez avec solennité, parfois, votre échec à sauver toutes les vies.

Vous allez réanimer les villes et les campagnes, à la force de vos connaissances mais surtout de votre compréhension de l’altérité, à la force de vos mains, vos bras, vos tripes et votre courage que je comprends, pour l’avoir vu si vif pendant mes quelques mois passés à vos côtés.

Vous redonnerez bientôt ses couleurs à un monde qu’en 27 ans je n’avais jamais connu aussi blafard, et enfermerez de nouveau les dystopies dans les livres et les films, seuls endroits où elles doivent résider.

En tout cas, c’est ce que je crois en mon for intérieur. Parce que je CROIS. Très fort.

Alors je ne crois pas en Dieu, ni en aucune spiritualité, ni en aucune intelligence extraterrestre.

Je suis cartésienne, et ne crois qu’en la science, l’Histoire et l’humain. Je crois donc en vous.

Je crois aux recherches, aux découvertes, aux échecs aussi. Je crois au progrès, en fait. Et vous en êtes les porte-étendards.

Si le monde est tout entier fébrile devant la grande inconnue qui se tient aujourd’hui devant lui, j’ai bon espoir qu’il soit dans quelques mois de nouveau bien solide sur ses appuis, prêt à retourner au soleil, prêt à danser et vivre.

Et ce sera grâce à vous.

Grâce à chacune des personnes qui ont sacrifié un petit ou un grand bout de leur vie familiale, de leurs vacances, de leurs nuits, qui ont mis en péril leur propre santé pour permettre à nos populations de se rétablir, au monde de retrouver son souffle.

J’ai déjà l’impression de contribuer à la survie du monde, d’être une héroïne, juste en restant chez moi, et en respectant les mesures détaillées par le gouvernement.

Et pourtant, c’est une action si facile, qui ne me coûte littéralement aucun effort, ni physique ni intellectuel.

Je râle toute la journée, j’emmerde mes amis par téléphone, je chiale même parfois… à l’idée de ne pas pouvoir m’envoyer une côte de bœuf au resto argentin d’à côté.

Je suis égoïste, tellement égoïste, que j’ai même pensé rentrer chez ma mère pour me sentir moins seule et profiter de sa terrasse.

Alors aujourd’hui, je vous présente mes excuses.

Depuis hier, date à laquelle j’ai commencé cet article, je prends conscience de la superficialité indécente de mes petits inconforts personnels devant ceux que vous subissez quotidiennement pour le bien commun.

Si pour l’instant je ne peux plus boire de bières en terrasse en fumant cigarette sur cigarette, je sais qu’un jour je pourrai reprendre mes mauvaises habitudes grâce à vous.

J’ai été élevée par un père amateur de bière glacée, qui jetait toujours quelques gouttes de sa boisson sur le sol, comme il est coutume de faire à l’île Maurice pour rendre hommage à ses proches décédés.

Depuis décembre, c’est à mon tour de jeter quelques gouttes de bière par terre en hommage à mon père.

Alors dans quelques temps, quand la vie aura repris son cours, j’irai profiter d’un rayon de soleil pour poser mes coudes sur la table collante d’un bar bondé.

Et avant même de jeter quelques gouttes de bière par terre pour mon père que j’aimais tant, je penserai à vous que j’admire aujourd’hui presque autant que lui.

À lire aussi : Je suis hypocondriaque, voici comment je vis la pandémie


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Les Commentaires

16
Avatar de hn974
25 mars 2020 à 09h37
hn974
Premier poste sur le forum.
Pour remercier Kalindi de cette si belle lettre, qui prend aux tripes
0
Voir les 16 commentaires

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