« Ça existe mais je trouve qu’il y a une épidémie de transgenres, y’en a beaucoup trop ». Hier soir, devant Quotidien, on a cru qu’on avait mal entendu. Que l’invitée avait forcément dit autre chose. Et puis non :
L’invitée de Quotidien ce mercredi 10 mars, c’était Elisabeth Roudinesco, psychanalyste en promo pour son livre Soi-même comme un roi, qui porte sur les dérives identitaires.
Propos transphobes et silence complaisant
C’est en dénonçant ce qu’elle nomme « les dérives de genre » qu’elle en a profité pour nous délivrer un gloubiboulga indigeste dans lequel se mélangeaient pêle-mêle les concepts de fluidité de genre, troisième sexe et bisexualité. Visiblement aujourd’hui, on peut être psychanalyste tout en ne sachant pas faire la distinction entre identité de genre et orientation sexuelle. Et réussir malgré tout à se faire inviter sur un plateau télé pour en parler comme si on maîtrisait le sujet.
Il y a donc trop de personnes trans de nos jours, selon Elisabeth Roudinesco, et c’est déjà profondément choquant d’entendre ces propos à une heure de grande écoute. Mais ce qui est particulièrement problématique, c’est aussi le peu de réactions qu’elle suscite sur le plateau de Quotidien. Tout juste un froncement de sourcils vaguement désapprobateur.
Des propos problématiques, pas une première pour Quotidien
Pourtant, on commençait presque à être habitués : cela fait quelques années que Quotidien se distingue par sa mollesse pour recadrer des invités. Tout micro ouvert, ils peuvent enchaîner les approximations, les raccourcis, mais aussi tenir des propos aux relents profondément sexistes ou offensants pour les minorités, sans être jamais mis devant leurs responsabilités, sans jamais être contredits.
Cela avait été le cas pour Nicolas Sarkozy qui avait glissé un sous-entendu raciste en dénonçant le changement de titre du livre d’Agatha Christie Ils Étaient Dix
. Cela avait été le cas pour Patrick Poivre d’Arvor, invité pour se justifier et minimiser ses comportements envers les femmes après les accusations de viols portées par Florence Porcel.
C’est le rôle d’un animateur, d’un journaliste de signaler à son invité qu’il franchit une ligne. Pourtant, alors que Quotidien a longtemps surfé sur son image d’émission cool, progressiste et ouverte d’esprit, il semble toujours impossible d’y dire ouvertement qu’un propos véhicule des idées haineuses.
Un silence qui banalise la transphobie
Le silence complaisant de Yann Barthès et des chroniqueurs autour de la table laisse à penser que ces propos font partie du jeu de la télé, et qu’au pire, ils provoqueront des réactions outrées sur les réseaux sociaux pendant les 24 heures qui suivront. C’est effectivement souvent le cas.
Car un bad buzz est un buzz quand même.
Mais en réalité, on ne peut pas nier la banalisation de ces propos, particulièrement quand on évoque les personnes trans. En parlant d’épidémie, Elisabeth Roudinesco s’avère dans cette séquence transphobe et outrancière, mais elle poursuit quelques minutes plus tard en invoquant la situation des enfants trans et en s’opposant frontalement à l’accès à des traitements hormonaux visant à bloquer la puberté.
Là encore, la psychanalyste s’appuie sur des informations parcellaires pour susciter l’inquiétude autour de la prise en charge des enfants trans, en citant l’exemple de la Grande-Bretagne, qui a récemment restreint l’accès à ces traitements pour les mineurs trans.
La visibilité des personnes trans prend de l’importance dans les médias. C’est notamment grâce à la médiatisation de la transition de plusieurs petites filles trans comme Lilie, qui avait été invitée sur le plateau de Quotidien, mais aussi grâce à des films comme Petite fille de Sébastien Lifshitz.
Face à ces informations souvent nouvelles pour le grand public, il est indispensable d’être vigilant sur les discours qui sont tenus car ils auront des conséquences sur la perception des personnes trans.
Comme l’explique l’association Acceptess-T, c’est de l’impact de la transphobie dont il faudrait s’inquiéter, plutôt que d’associer les personnes trans à une maladie, ce qui sous-entendrait qu’elles n’ont pas leur place dans la société :
Et pendant ce temps-là, Yann Barthès passe à la séquence suivante. Zappez, il n’y a plus rien à voir.
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