Live now
Live now
Masquer
Image d'erreur
Culture

Je me suis bien amusé, merci, de S. Guillon : chronique d’un licenciement programmé

Il y a un mois sortait Je me suis bien amusé, merci, le cinquième livre de Stéphane Guillon. L’humoriste y relate ses années à France Inter, de l’euphorie des débuts à son éviction très médiatisée en juin 2010. Retour sur un licenciement programmé.

Je me suis bien amusé, merci est le récit des deux ans passés par Stéphane Guillon à France Inter, où il étrillait quotidiennement dans sa rubrique Humeur de… les invités de la matinale animée par Nicolas Demorand. Taxé d’ « humoriste méchant qui tape gratuitement sur le physique » pour avoir traité Martine Aubry de « petit pot à tabac » et avoir évoqué les « yeux de fouine » d’Éric Besson, puis de visionnaire pour avoir moqué les appétits sexuels de Dominique Strauss-Kahn deux ans avant l’affaire Nafissatou Diallo, Stéphane Guillon ne passe pas inaperçu à cette heure de grande écoute et commence à agacer en haut lieu, où l’on apprécie de moins en moins de se faire humilier chaque matin aux oreilles d’un million et demi d’auditeurs. Le nouveau directeur de France Inter, Philippe Val, et le chef de Radio France, Jean-Luc Hees, nommé par Nicolas Sarkozy, reçoivent des ordres d’en haut pour « calmer » le trublion de la matinale, qui finira par être licencié en juin 2010.

Depuis, on a reproché à Stéphane Guillon d’exploiter cette éviction pour se placer comme un martyr de la censure et de ne pas savoir passer à autre chose, revenant sans cesse sur cet évènement comme un disque rayé. Cette critique a été ravivée par la sortie, deux ans après les faits, de Je me suis bien amusé, merci

, un livre dont je craignais qu’il ne m’ennuie, ne m’apprenne rien ou ne soit de toute façon pas assez objectif pour qu’on puisse distinguer le vrai du faux (beaucoup d’anecdotes, d’informations ou de conversations ne sont pas vérifiables et dépendent donc de la bonne foi de l’auteur). Après tout, si Stéphane Guillon dit avoir été licencié sur ordre de Nicolas Sarkozy, ce dernier démentira, que ce soit vrai ou non : telle était mon opinion avant de commencer, un peu à reculons, Je me suis bien amusé, merci.

Je me suis bien amusé, merci

Pourtant, le livre de Stéphane Guillon fut une surprise positive. On ressent réellement que l’auteur a pris toutes les précautions possibles pour se distancier, et éviter justement ce côté « Bouh, plaignez-moi, regardez comme ils ont été méchants avec moi ». De son premier rendez-vous avec l’ancien patron de France Inter jusqu’à son licenciement, l’humoriste invite le lecteur dans le secret de Radio France en cette période troublée où le Président reprend la main sur les médias publics. Il nous fait entrer dans le quotidien de ces voix qui nous entourent, nous accompagnent au bureau ou sous la douche, nous réveillent et nous informent, et nous montre que derrière le micro, l’omniprésente bonne humeur et les jingles suaves, il y a des gens plus ou moins forts, des clans, des ragots, comme dans n’importe quelle entreprise. On sent une pointe de tristesse, de déception lorsque Stéphane Guillon évoque un petit-déjeuner, organisé au début des bouleversements, lors duquel une certaine entraide aurait pu voir le jour, lors duquel les journalistes de la matinale auraient pu décider que ces changements méritaient d’être enrayés. Mais la mayonnaise ne prit pas, chacun partit de son côté, un peu lâchement, et les soutiens à l’humoriste, puis à son collègue Didier Porte (coupable du fameux « J’encule Sarkozy« ), se firent de plus en plus rares, de plus en plus discrets.

Stéphane Guillon met l’accent sur les faits et évite autant que faire se peut de porter un jugement qui serait évidemment très subjectif. Il donne son ressenti, mais pas pour convaincre, simplement pour raconter. Le livre est à la fois révoltant (le fait qu’on licencie un humoriste d’une radio parce qu’il déplaît au gouvernement n’étant, à mon sens, pas tout à fait digne d’une démocratie) et assez touchant, car l’auteur ouvre timidement une fenêtre sur sa vie privée, notamment sa femme Muriel dont il loue à de nombreuses reprises les qualités, et fait preuve d’une bonne dose d’autodérision lorsqu’il évoque ses relations tendues avec Didier Porte ou la première manifestation de sa vie, en juillet 2010, contre son propre renvoi.

Stéphane Guillon et Didier Porte lors de la manifestation de soutien devant Radio France (photo Sébastien Calvet)

Stéphane Guillon et Didier Porte lors de la manifestation de soutien devant Radio France (photo Sébastien Calvet)

Là c’est le moment où j’ai un peu honte, parce que quasiment tous les avis que j’ai pu entendre ou lire louaient le style d’écriture de Stéphane Guillon ; tous, en fait, sauf celui d’Éric Zemmour… et le mien. Je me suis bien amusé, merci se lit facilement, quasiment d’une traite, les chapitres sont courts, mais un peu pauvres au niveau de la langue. Bien sûr, Guillon n’est pas Raymond Queneau, mais le style est vraiment, selon moi, le seul point faible du livre.

Au final, que retenir du bouquin de Stéphane Guillon? Une vision de « l’affaire France Inter » par l’un de ses principaux protagonistes, et un éclairage nouveau sur la façon dont médias et pouvoir politique peuvent s’entremêler, parfois jusqu’à l’excès. Je me suis bien amusé, merci fait réfléchir et montre l’intérêt d’une vigilance constante dans la lutte contre les dérives des personnalités haut placées.


Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.

Les Commentaires

4
Avatar de babyfootgirl
13 avril 2012 à 15h04
babyfootgirl
Ce sujet est dédié aux réactions concernant cette actu : Je me suis bien amusé, merci, de S. Guillon : chronique d'un licenciement programmé.

Merci d'utiliser ce post pour publier vos commentaires et vos avis

Je l'avais vu une fois au théâtre et vraiment c'était super ! il a vraiment de bonnes idées même si cela ne fait pas rire certaines personnes je peux le concevoir mais bon c'est un très bon humoriste ! longue continuation à lui !
0
Voir les 4 commentaires

Plus de contenus Culture

Image by freepik
Culture

La musique, ce super pouvoir (trop souvent sous-estimé) qui dope la confiance des enfants

Image by freepik
Culture

Fête de la science 2025 : Le pouvoir des femmes pour motiver la nouvelle génération de filles scientifiques

Image by wirestock on Freepik
Daronne

Soirée Halloween : les 10 films récents à voir avec vos enfants

Source : Monkey Business Images
Daronne

Ces 3 films Netflix vont transformer votre soirée pyjama avec les enfants

1
Copie de [Image de une] Horizontale (94)
Daronne

Le secret derrière le succès fou de Bluey auprès des familles !

1
jeu de societe vacances famille
Culture

Vacances en famille : découvrez les 10 jeux de société préférés des Français en 2025

Capture d’écran 2025-02-11 à 17.43.00
Livres

5 idées lectures spéciale romances qu’on peut lire même après la Saint-Valentin

In My Skin // Source : BBC One / Arte
Séries

Alerte pépite série : In my skin ou comment grandir au sein d’une famille dysfonctionnelle 

1
Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-05-22T164945.311
Culture

Les meilleurs films et séries « doudous » selon nos lectrices (avec un titre qui rafle tout)

9
8 (3)
Daronne

Oubliez l’énième puzzle, on a déniché l’idée-cadeau idéale pour l’éducation et le développement de votre enfant

La pop culture s'écrit au féminin