Chloé est une de nos contributrices à l’humour mordant. Tous les mois, elle partage sur Rockie son expérience de la vie. Tu peux retrouver toutes ses autres chroniques en cliquant ici, sans oublier de la suivre sur Instagram !
Jour 1 du Covid avec un bébé : le déni
Au téléphone, une dame au ton contrit m’apprend que mon fils est positif au Covid. Sans blague. Je suis moi-même officiellement infectée depuis deux jours et le bébé vit collé à moi.
J’avise l’enfant rose et gazouilleur qui bat présentement des nageoires sur mon matelas. L’état de santé semble bon et même Doctissimo n’arrive pas à me fournir d’exemple anxiogène impliquant un bébé, le Covid et des conséquences atroces.
La dame et sa voix désolée m’informent que désormais, le bébé doit rester en quarantaine pour éviter de contaminer mon mari et ma fille négatifs. Sentant poindre l’entourloupe, je lui demande comment elle envisage la chose. Oh, comme je vais regretter ma question. Car voyez-vous, ce qui tombe vraiment bien, c’est que je suis malade. Et lui, il est malade aussi. Alors foutus pour foutus, la solution est toute trouvée, n’est-ce pas madame ?
Avec diplomatie, j’essaie de raisonner mon interlocutrice en plein délire, mais elle ne capitule pas. J’exige alors de parler à son supérieur, à qui je réitère le fond de ma pensée : on ne peut pas imposer à une mère de rester enfermée pendant 5 jours seule et sans relai avec un bébé dans une chambre de 15 m2.
Jour 2 du Covid avec un bébé : la négociation
Visiblement si, on peut.
Cela fait déjà 24 heures que mon fils et moi sommes confinés sur mon lit puisqu’à part nous vautrer là, ma chambre n’offre aucune alternative de distraction.
Je tente de poser le bébé à côté de moi et pour le convaincre de se laisser faire, je lui promets un poney en cadeau pour son prochain anniversaire. Comme ledit bébé a trois mois, il se montre totalement hermétique à mes tentatives de négociation et refuse de quitter mes bras. La porte close n’est qu’à trois mètres de nous. Au-dehors, l’existence me semble soudain ultra palpitante et pleine d’aventures, alors que cela fait six mois que je ne me suis pas couchée après 21h30.
De l’autre côté de la cloison, j’entends ma fille demander à monsieur papa si je vais mourir comme le chat, et si moi aussi on m’enterrera dans le jardin.
J’interromps cette charmante conversation en hurlant :
« Mes chéris, j’ai une idée, venez me faire des bisous, comme ça, vous choperez le Covid, on pourra tous se balader librement dans la baraque et le bébé pourra passer du temps avec son papa ! »
Mon mari et ma fille refusent en chœur, j’ai déjà un pied dans la tombe, mais eux peuvent encore s’en sortir. Chacun pour soi et sauve qui peut !
Jour 3 du Covid avec un bébé : la colère
Le bébé ouvre un œil indisposé et me dévisage l’air de dire « Elle est encore là celle-là ? » avant de se rappeler que sa survie ne dépend que de moi. Il me gratifie donc d’un areuh euh souriant dont il a le secret, censé me faire oublier qu’il n’a pas vraiment dormi la nuit dernière, ni celle d’avant d’ailleurs. La ruse fonctionne à merveille, et si mon courroux matinal ne disparaît pas, son objet change instantanément.
Muni de mon petit-déjeuner, mon mari frappe à la porte avec une douceur que l’on pourrait supposer tendre, mais que je devine prudente et terrifiée.
Je m’enquiers de potentiels symptômes en arborant un air inquiet qui masque mal l’espoir qui m’habite. Il me répond qu’il se sent très bien avant de quitter précipitamment la pièce. La foudre s’abat sur lui et je prends mon fils à témoin :
« T’as vu comme papa se la joue perso ? Je te préviens bébé, si cet enfoiré ne change pas d’attitude rapidement et ne fait pas un peu plus d’efforts, je demande le divorce et toi et moi, on va se retrouver seuls pour de bon ! C’est ça que tu veux HEIN PAPA ?! Devant l’absence de réponse, je dois me rendre à l’évidence : l’époux n’est plus derrière la porte. »
Jour 4 du Covid avec un bébé : la dépression
À l’instar des personnes qui à force de se fréquenter voient leurs menstruations se synchroniser (ah, on me glisse dans l’oreillette que c’est un mythe), bébé et moi commençons à synchroniser notre ligne de conduite : tout le monde pleure et personne ne dort la nuit. Je berce sans relâche mon enfant cramponné à mes bras pour l’apaiser. Mais au fond, à qui s’adressent mes mots doux ? À mon tout petit ou à mon âme irrémédiablement balafrée ?
Le manque de sommeil et les affres du Covid ont plongé mon être dans une situation d’épuisement moral et physique dont l’issue positive me semble dorénavant inenvisageable.
« Je vais rester comme ça toute ma vie », j’informe mon mari dans un premier SMS. « Je ne pourrai plus jamais travailler, car je serai trop fatiguée. » « Financièrement on ne s’en sortira pas, il faudra peut-être vendre un des enfants. » « Tu peux m’apporter des M&M’S ? »
Mon fils s’est finalement assoupi dans mes bras. Je l’envie, lui dont le régime se compose exclusivement de lait, aka l’aliment le plus ennuyeux du monde, et qui ignore tout du drame atroce de se voir retirer le goût des bonnes choses.
Jour 5 du Covid avec un bébé : l’acceptation
Le bébé est de bonne humeur, son objectif est atteint : il vient de grappiller cinq jours passés dans les bras de sa mère à manger non-stop et à faire le plein de séries Netflix.
Personnellement, je ne peux pas dire que la satisfaction soit le sentiment qui m’anime à cet instant présent, mais le désespoir non plus. Nous ne sommes pas tous destinés à vivre une existence flamboyante et certaines personnes mourront d’ennui et finiront dévorées par leur bébé vorace, c’est ainsi.
« – J’aurais aimé t’offrir d’autres horizons que cette chambre. – Ageuh ! – Tu sais la vie c’est pas toujours comme on veut, c’est souvent comme on peut. – Gageeuuu *prooouuuut* areuuuhhhh hiii ! – Si tu dois manger maman pour survivre, personne ne t’en voudra mon amour. – Gageu gageu *roooootttt* hihihi ! »
La porte s’ouvre, mon mari entre.
« Tu étais l’amour de ma vie, n’en doute jamais ». Je lui dis, des larmes dans la voix. « Agugugu reuh reuh ! », confirme le bébé « J’espère que tu retrouveras le bonheur et une bonne maman pour notre fille. Du fond de notre lit où nous passerons le reste de l’éternité, nous veillerons sur toi en pensées. »
Mon mari regarde son alliance avec un regret perceptible :
« Arrête ton char, vous n’avez plus de fièvre depuis 48 heures, je viens d’appeler le département sanitaire, vous pouvez sortir. »
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Les Commentaires
Personnellement, en avril passé, donc avant les centres de testing etc, j'ai été testée positive au travail. Hors, je vis avec mes parents et mon frère (non testés car, à l'époque, à part à travailler dans le médical, pas de test). Et à l'évocation des symptômes, j'étais infectée depuis déjà une semaine.
A la place de m'isoler, on est juste parti du principe que, vu qu'on vit ensemble, je les avais déjà sûrement infectés et on s'est juste isolés tous les 4 (ils étaient en télétravail de toute manière, on a juste fait des livraisons si on avait besoin de courses).
De toute manière, à moins d'avoir une chambre avec salle de bain, je ne comprend pas comment on peut vraiment s'isoler dans sa maison (même si on reste seul dans la chambre, faut bien aller aux toilettes, se laver donc aller dans la salle de bain et la contaminer).