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"Photo tirée de la série Chasing Life."
Vie quotidienne

J’ai 28 ans et l’année dernière, on m’a diagnostiqué un cancer

Héloïse a 28 ans et un cancer, diagnostiqué en décembre dernier. Entre deux chimios, elle raconte son combat.

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Un vieux sage a dit : « il faut toujours appeler les choses par leur nom, la peur du nom ne fait qu’augmenter la peur de la chose elle-même ».

Alors, commençons par le commencement : j’ai 28 ans, et le 28 décembre dernier, on m’a diagnostiqué un cancer.

Pas le genre gentil, si tant est qu’un cancer puisse être gentil, non plutôt le genre qu’il faut attaquer à coup de bazooka et croiser les doigts en espérant que ça marche.

Ça s’appelle un sarcome d’Ewing. J’avais à peu près autant de chances d’avoir ça que de tirer les 6 bons numéros du loto. Manque de pot, je suis pas très branchée jeux de hasard. Pour ceux qui comme moi aiment les chiffres, environs 150 personnes sont touchées par an en France, pour comparer, le cancer du sein c’est 20.000 personnes par an.

Bref. Voilà mon histoire.

Le premier signe avant-coureur du cancer : un mal de dos insupportable

Fin novembre, j’ai commencé à avoir mal au dos. Genre TRÈS mal au dos. Au point de ne plus dormir, d’avoir envie de hurler allongée dans mon lit, d’avoir envie de me filer des coups de poing pour que ça s’arrête (spoiler : ça ne sert à rien), en n’étant soulagée ni couchée, ni assise, ni debout.

Mais bon, je cumulais les facteurs prédisposant à un mal de dos récalcitrant : famille de « dos pourris », déménagement récent, boulot physique, nuit sur un canapé inconfortable… Bref, un chemin tout tracé vers la sciatique ou autre joyeuseté.

J’ai donc pris rendez vous avec une super médecin traitant, qui après avoir essayé divers traitements inefficaces, m’a envoyé faire des radios (qui ne montraient rien), puis un scanner.

Entre les radios et le scanner, je suis allée voir un ostéopathe qui m’a bien soulagée, et m’a fait remarquer que le scanner lui semblait tout à fait inutile de son point de vue. Mais j’y suis quand même allée, et bien m’en a pris puisque celui-ci a révélé une masse. « Probablement rien de grave, mais il vaut mieux aller vérifier avec un IRM, je vous fixe un RDV pour dans 2 jours », m’a dit le médecin. Et ce fut le début des mauvaises nouvelles.

Un scanner, un IRM puis une biopsie pour diagnostiquer mon cancer

L’IRM confirma ce que montrait le scanner : une masse qui saignait, d’environ 5cm comprimait mon nerf sciatique, expliquant la douleur que je ressentais tout le long de la jambe gauche. Le même médecin que l’avant-veille précisa : « ça peut être beaucoup de choses, il faudra peut-être opérer, mais en attendant il faut prévoir une biopsie rapidement ».

Un autre médecin déclara quelques jours plus tard : « ça a 90% de chances d’être bénin, même s’il faudra sûrement opérer, en attendant, biopsie dès lundi prochain ».

Et ce fut le début des questionnements et des caprices intérieurs : « bon ok, ils m’opèrent mais je veux pouvoir retravailler au plus vite »… « Oh merde, mais si jamais ils veulent pas opérer et qu’ils me disent juste de changer de travail ? Je veux pas moi ! »

Bref, vous l’aurez compris, ma principale préoccupation était de pouvoir reprendre rapidement mon travail que j’adore. À ce jour, je n’ai toujours pas repris le travail. Heureusement, j’ai la chance d’être en CDI dans une super boîte, donc je touche des indemnités, et mes collègues prennent régulièrement de mes nouvelles.

La biopsie fut faite avant Noël, et on m’annonça 3 dates de remise des résultats possibles : sous 48h, en début de semaine suivante, ou en fin de semaine suivante.

« Les nouvelles sont mauvaises, vous avez un cancer »

Je n’ai eu aucune nouvelle avant le 28 décembre, où après une grosse soirée avec des amis j’ai reçu un coup de téléphone extrêmement flippant : « bonjour, il faudrait que vous veniez à 13h30 pour des examens complémentaires, on vous gardera quelques jours ».

Alors j’ai pleuré, beaucoup, parce que c’est mauvais signe ce genre d’appel. J’ai vomi, aussi, parce que lendemain de fête, angoisse et hôpital ne font pas bon ménage. Puis j’ai appelé ma mère à la rescousse et on y est allées.

Le médecin n’a pas tourné autour du pot : les nouvelles étaient mauvaises, c’était un sarcome d’Ewing. Puis il m’a annoncé le plan d’attaque, et m’a redirigé vers des spécialistes pour la suite. La suite, c’était une multitude d’examens complémentaires comme promis.

Il y a eu ce cardiologue, qui pour mon écho cardio est arrivé tout sourire dans la salle en annonçant : « alors, qu’est ce que je peux faire pour vous ? », puis il a lu le dossier et a perdu son sourire.

Il y a eu cette spécialiste, si rassurante, qui a commencé l’entretien par : « on peut en guérir, ce sera long, éprouvant, mais c’est possible. Je vous le répéterai autant de fois que nécessaire ».

Une multitudes d’examens et de traitements pour battre le cancer

Il y a eu ce TEP scan (un examen d’imagerie qui repose sur l’injection dans le sang d’un traceur faiblement radioactif), celui qui devait montrer si j’avais ou non des métastases, ce qui était directement corrélé à mes chances de survie.

La veille de cet examen, j’ai craqué et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps devant mes parents impuissants. Un examen dont j’ai ensuite attendu angoissée les résultats jusqu’à mon premier jour de chimio, où un interne m’a annoncé : « le TEP scan ? Ah mais tout va bien ». Intense  soulagement.

Il y a eu la pose du PAC, un petit boîtier placé sous la peau (généralement au niveau du thorax) et relié à un petit tuyau, appelé cathéter, glissé dans une veine qui permet d’injecter un produit dans le sang sans abîmer les veines des bras. C’était beaucoup plus douloureux que ce que j’aurais pu imaginer. Cette impossibilité de dormir sur le côté, de tourner la tête, de bouger…

Il y a eu la préservation de la fertilité, l’ovariectomie, « par cœlioscopie, c’est moins invasif », mais moins invasif ne veut pas dire moins douloureux. Ça a été l’occasion de réaliser qu’on utilise ses abdos en permanence, y compris pour couper du saucisson, preuve s’il en est que l’apéro est un sport. Ça a été plusieurs semaines sans fermer un pantalon…

Ça a été aussi, comble de malchance, l’occasion d’être oubliée par l’hôpital, d’abord pour mon entrée, où ils avaient oublié de noter que j’arrivais la veille, puis pour mon dîner, où ils avaient oublier de dire à l’aide-soignante que j’étais là…

Et puis ce stress quand le matin de l’opération, couchée sur la table, je les entendais s’énerver contre une machine qui ne daignait pas fonctionner.

Ça a été cette douleur dans le cou au moment de l’anesthésie, puis cette sensation étrange en me réveillant ailleurs 2h plus tard. Ça a aussi été les malaises à chaque fois que je me levais…

La première chimiothérapie de mon traitement contre le cancer

Après ça, j’ai rapidement attaqué les chimios. Enfin, rapidement, peut être pas assez puisque l’IRM de contrôle en février a montré la tumeur plus grosse qu’elle ne l’était en décembre. Et pourtant, on a pas traîné, à peine un mois et une semaine entre l’IRM et le début de la chimiothérapie, temps nécessaire à réaliser tous les examens complémentaires (de la biopsie à la préservation de la fertilité, en passant par des dizaines d’examens sanguins, une échographie cardiaque, un PET scan et un myélogramme).

Ah… la première chimio, la peur de l’inconnu, l’inconfort au niveau du PAC encore mal cicatrisé, les effets secondaires directs, comme cette sensation désagréable d’être défoncée et de ne pas entendre les sons à la même vitesse quand je parlais…

La fatigue, les gonflements à cause de la perfusion, puis les pipis toutes les 2 heures une fois que mes reins se sont mis à fonctionner à plein régime.

Il y a eu le retour en taxi, dans les routes de montagne avec la nausée, l’horrible envie d’uriner mais la peur de s’arrêter dans une aire d’autoroute au milieu des bactéries.

Ça a été le stress d’être sous perfusion la nuit à la maison, la peur de tout arracher… Ça a été les nausées, l’impossibilité d’ouvrir la bouche en grand, les mucites (des sortes d’aphtes) malgré les bains de bouche au bicarbonate de soude, et la culpabilité de ne pas avoir réussi à les éviter.

Monter un escalier devient épuisant comme un marathon

Ça a été l’angoisse des infections, la fièvre, l’aplasie… L’aplasie, c’est une situation où le nombre de cellules sanguines est très faible, le risque d’infection est donc très important et où le moindre microbe même habituellement bénin peut conduire à l’hôpital.

Monter un escalier devient épuisant comme un marathon, avec des nausées qui redoublent, la fièvre qui monte et des frissons qui me cassent en deux. À cause de l’aplasie, faire une sieste devient nécessaire après être allé aux toilettes.

Ces premiers mois de traitement contre le cancer ont été pour moi jalonnés de rencontres et de moments marquants.

Ça a été ce chauffeur de VSL (Véhicule Sanitaire Léger) adorable, qui a roulé au pas et a consciencieusement jeté tous mes vomis sans sourciller. Qui a géré tout l’administratif pour mon entrée à l’hôpital alors que j’étais couchée dans mon lit.

Ça a été cette aide soignante qui m’a pris par le bras alors que je pleurais sans pouvoir m’arrêter et qui m’a conduite à la douche. Cette douche où je pleurais autant que l’eau coulait en réalisant ce qu’était devenu ma vie, et en regardant mes cheveux partir dans le siphon…

Ça a été cette infirmière qui m’a rasé la tête en parlant de la pluie et du beau temps, et qui m’a dit que j’étais belle. Mais surtout, ça a été le soulagement lorsque les antibiotiques et les anti vomitifs se sont enfin mis à agir, rendant la perte de mes cheveux tout à fait accessoire à côté…

Ça a été les transfusions, ça a été l’angoisse que mes paramètres sanguins ne remontent pas, puis la fierté lorsqu’ils se sont enfin décidés et qu’ils ont explosé les compteurs (merci mes petites plaquettes à 600 !) me permettant ainsi de poursuivre mes traitement dans les temps…

Ma petite vie bien rangée s’est cassée la gueule mais je veux encore y croire

Et puis, tout a recommencé la fois suivante, et encore, et encore… Et peu à peu, cure après cure, j’ai appris à apprivoiser mon corps et mon traitement, à anticiper les effets secondaires, à gérer mon quotidien en fonction de mes possibilités.

J’arrive enfin au bout de la première phase de chimiothérapie, normalement, je devrais même avoir fini, mais les médecins hésitent à me rajouter une cure.

Dans une semaine, je saurai si le traitement a marché. Après, je partirai faire de la protonthérapie (une forme de radiothérapie), puis je retournerai en chimiothérapie pendant quelques mois…

Le chemin à parcourir est encore tellement long, parfois ça me démoralise rien que d’y penser, alors je procède par étape, petit à petit, je ne me projette pas très loin, mais chaque étape franchie est une victoire.

En décembre dernier, ma petite vie bien rangée à base de boulot-vélo-apéro s’est cassé la gueule, je suis tombée plus bas que je n’aurais jamais pu l’imaginer. J’ai souffert, j’ai pleuré, mais j’ai commencé à remonter.

Pas à pas, petit à petit, j’essaie de remonter. Même si j’ai peur, même si j’ai mal, parce qu’il reste de l’espoir, je veux y croire, je veux y arriver.

  • Tu peux suivre la chouette page Facebook Je préfère en rire, créée par Héloïse. Elle y partage des dessins humoristiques où elle parle de son expérience du cancer.
  • Je t’encourage aussi à aller écouter l’excellent podcast Impatiente, réalisé par Maëlle Sigonneau et Mounia El Kotni, qui parle du cancer du sein métastatique de Maëlle, mais donne aussi la parole à d’autres patient·es, à des médecins et à des associations.

Le témoignage d’Héloïse t’a touché ? Tu veux partager ta propre expérience du cancer ? Viens échanger dans les commentaires sous l’article…

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