Étudiante en manque de thune, j’ai cherché un petit boulot pas trop compliqué et aux horaires souples, qui correspondrait aux disponibilités carrément WTF infligées par ma filière exigeante.
J’ai postulé dans cette agence d’hôtesses ultra-connue. Je suis arrivée au rendez-vous avec une demi-heure de retard. Je me suis retrouvée sur une chaise à cinq mètres de la table, autour de laquelle il y avait vingt autres potentielles recrues.
Ça commençait mal.
Du coup, quand il a fallu parler anglais, je me suis dit que flipper au point de ne pas pouvoir articuler une phrase, c’était bien, ça m’aiderait.
Je suis ainsi partie en même temps que toutes les autres, avec le sentiment que je n’étais pas près de trouver du boulot.
Et en fait, si. Ils m’ont appelée et demandé si j’étais dispo le vendredi, samedi et dimanche qui venaient pour travailler sur un salon dédié à « construire sa maison ». On était jeudi. J’ai expliqué que j’avais cours le vendredi mais que j’étais dispo le week-end.
Mon interlocutrice a grommelé quelque chose dans le téléphone et fini par me dire que j’étais bookée sur la mission. Il fallait que j’aille récupérer ma tenue au dressing et que je vienne prendre mon contrat et mon briefing le lendemain. J’avais bien des collants chair ? Des chaussures à talon en cuir ? Oui ?
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Les chaussures à talons neuves, l’enfer sur Terre
Évidemment, en vrai je n’avais pas de chaussures qui convenaient. Tu comprends, je ne voulais pas les acheter si je n’étais pas bookée (je suis pleine de bonne volonté mais ma tirelire ne fait plus de bruit quand on la secoue tellement elle est vide). Donc me voilà, à la sortie des cours à 19h, à me demander où je vais aller acheter ces fichus escarpins !
J’habite près d’un grand centre commercial donc j’y ai foncé ! Sauf qu’il n’y avait pas de chaussures pas chères là-bas… mais étant provinciale, je n’étais pas au courant. Je suis entrée dans la boutique la moins chère que j’ai trouvée et là, j’ai vu sous mon nez les vieux escarpins de grand-mère ultra classiques qu’on me réclamait.
Je me suis dit que c’était parfait ! Mais que nenni, il fallait payer 70€ la paire de chaussures même pas canon.
Bon je reconnaissais la qualité, tout ça, mais vraiment ? Sauf qu’il était 19h53 et que la fermeture du centre commercial était imminente, alors que j’avais encore des collants à acheter. Pas le choix… j’ai quand même demandé à la vendeuse si elle n’avait pas les mêmes en moins chers. Non. Mais elle m’a offert l’imperméabilisant, trop aimable !
Comme je suis optimiste, j’ai enfilé mes jolis souliers neufs le samedi matin avant d’arriver sur le salon. J’ai fait tout le trajet avec, et j’ai dit à mes toutes nouvelles collègues qui souffraient le martyr parce qu’elles avaient déjà fait une journée de boulot que moi ça allait, que mes chaussures étaient super confortables. Elles m’ont avertie :
« Attends la pause, c’est là qu’on commence à souffrir. »
Comment dire ? Elles avaient raison, vraiment. Il faut écouter les grands sages qui disent que tes pieds vont finir détruits, ils ont TOUJOURS raison.
Bilan des courses : j’ai récolté une ampoule grosse comme deux petits pois à l’arrière de chaque pied, une espèce de carapace qui avait poussé sur les côtés (le cuir, ça ne s’élargit pas tant que ça) ET, cerise sur le gâteau, une insensibilité du quatrième orteil de mon pied droit depuis maintenant une semaine. Une semaine ENTIÈRE !
Tu crois que je vais le perdre ?
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La tenue d’hôtesse et le joli nœud : chronique d’un échec annoncé
Avant de commencer, il m’a également fallu passer au dressing récupérer ma belle robe auprès de la très gentille mais très très flippante costumière. Elle m’a demandé ma taille, fait signer un chèque de caution de CENT euros et m’a envoyé essayer la robe au joli nom de jeune fille en fleur.
Elle s’est enthousiasmée que le vêtement m’aille bien (bon, elle m’a filé une taille au-dessus parce que « c’est du blanc ma belle ») et… m’a arraché la ceinture des mains !
C’était super violent, du coup moi qui cherchait à bien faire tout comme il faut, je… j’ai paniqué et je l’ai fixée avec de grands yeux paniqués
: pourquoi tant de haine ?
« Ha ha ha, non mais la ceinture c’est moi ! Aujourd’hui, j’ai vu une des filles en photo et son nœud était vraiment moche, et ça ne va vraiment pas. Je veux dire, regarde : le client il voit cette image, et la fille, elle fait un nœud comme si elle venait de sortir des toilettes. Ça ne va pas du tout ! Ça fait pas classe ! Ça ne fait pas professionnel !
Tu vois, là c’est beau, là c’est bien. Donc demain, tu le fais bien, hein ! Je ne veux pas apprendre que mes modèles n’étaient pas parfaits ! »
J’ai deux mains gauches et son nœud était symétrique. Je crois qu’à ce moment, j’ai eu le regard le plus empli de désarroi de l’univers parce qu’elle a arrêté de rire pour me dire : « Non mais ne t’inquiète pas, tu demanderas à une autre hôtesse de te le faire, elles savent faire ».
Au final, on a toutes fait les nœuds de nos ceintures comme si on sortait des toilettes et spoiler alert, ça n’a empêché aucun gros lourd de nous trouver dignes de remarques sexistes, d’invitations voire de gestes déplacés.
Être hôtesse, ou le sexisme dans toute sa splendeur
Je crois que je n’ai pas le courage d’essayer de vous raconter dans l’ordre toutes les remarques sexistes que j’ai pu recevoir. Je vais donc plutôt me lancer dans la rédaction d’un florilège…
En commençant par le boss de la petite équipe de commerciaux avec laquelle on travaillait qui m’a proposé d’aller à la piscine avec lui pour enfin pouvoir ôter ma robe par cette chaleur. Ah ben oui tiens, et cette main sur mon épaule, c’est parce qu’il fait chaud aussi ?
Évoquons aussi le commercial d’un groupe concurrent qui est passé près de moi pour me dire que ses yeux pleuraient du sang quand il voyait ses hôtesses face à nous parce que, franchement, les siennes n’étaient pas toi. Moi, naïve, j’ai répondu que ce n’était pas très gentil de dire ça, pour l’entendre brailler :
« Je suis pas là pour être sympa, je suis là pour faire du chiffre ! »
Certes. Donc tu comptais me le faire payer le massage de pieds que tu m’as proposé TROIS fois dans la journée ?
Et puis il y a eu le mec qui m’a regardée avec des yeux ahuris quand je lui ai annoncé que j’étais en master de droit et que c’était ma première mission… et que donc bravo Sherlock, ce n’était pas mon vrai job, je ne fais pas ça tous les jours ni même toutes les semaines.
Ce même commercial, le lendemain, m’a dit qu’il ne me reconnaissait pas sans ma robe et que c’était dommage que je sois habillée tout en noir. C’était au moment de ma pause, quand je m’étais changée pour mettre les fringues les plus confortables de ma garde-robe parce que la robe collait et que les chaussures faisaient perler des larmes de sang au coin de mes yeux.
Coucou mec, les hôtesses aussi ont une vie ! Ce ne sont pas des fantasmes ambulants ! Je respecte celles qui font ce job par vocation, mais de ce que j’ai pu voir, elles ne sont pas nombreuses et dans tous les cas, elles sont humaines. C’est-à-dire que non, elles ne se baladent pas tous les jours avec des tenues ultra sexy et un maquillage réglementé plâtré sur le visage, simplement parce que ce n’est pas confortable !
Laissez-moi aussi mentionner ceux qui sont venus me dire que l’entreprise pour laquelle je bossais, c’était nul « donc va te rhabiller c******* » ; ceux qui ont voulu mon numéro, tranquille, pépouze, comme si je n’avais que ça à faire. Et l’autre type qui m’a proposé un massage de pieds contre 30€ (oui parce que, quand même, il y en a eu deux !).
Je rajoute la bonne blague bien grasse faite par deux responsables des ventes quand ils ont essayé nos lunettes de réalité virtuelle :
« Alors, alors elle est bonne ? Dis ! Elle est bonne ? Ils font ça pour les films X aussi ! T’imagines ? Alors, elle est bonne ? »
Ah ah, j’étais à côté d’eux et je riais tellement, il était 8h et ils avaient déjà tant d’humour et de subtilité, j’avais hâte d’être au soir quand ils seraient fatigués !
Je terminerai par ce qui s’est passé quand j’ai été rendre ma tenue : la costumière très flippante était super heureuse de voir que je n’avais pas taché ma robe (moi aussi parce que je ne sais pas ce qu’elle m’aurait fait sinon), et ma bookeuse m’a félicité pour mon travail tout en me glissant que bon, le client n’était pas très heureux parce que l’une des filles avait dragué un commercial, ça ne faisait pas trop professionnel.
Il a ajouté, et je cite cette métaphore sublime qui m’a coupé la chique : « Les bêtes sont affamées pendant le salon et au troisième jour, ils voient la proie fatiguée alors ils sautent dessus ». Oui, oui, oui… Et donc le problème venait de ma collègue, hein ? C’était évidemment l’hôtesse qui n’était pas professionnelle, pas les commerciaux avec lesquels on travaillait ?
En conclusion
Moralité de l’histoire, le boulot d’hôtesse n’est glamour que pour ceux qui matent les pauvres filles rêvant de retirer leurs chaussures, les forums pour faire construire sa maison sont peuplés de fétichistes des pieds et le sexisme est bien vivant, si quelqu’un en doutait encore.
Ah, et on peut vivre sans pouvoir faire un nœud papillon symétrique, ça ne remet pas notre professionnalisme en cause ! En revanche, être sympa avec un collègue, c’est ambigu, c’est maaaaal.
J’ai hâte de découvrir ma prochaine mission !
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Les Commentaires
Mais voila, mise à part les talons (ces pourritures de l'enfer), j'adore ce job étudiant des gens sympas toute la journée, des hotesses marrantes, des petits cadeaux quand ils en restent... et des horaires flexiiibles!!