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Source : Unsplash / Bimo Luki

Galères, sexisme, impolitesse, amour estival… 5 lectrices nous racontent leur 1er job d’été

Quand on est étudiant·e, travailler l’été est souvent la solution idéale pour se faire un peu d’argent pour le reste de l’année et gagner en indépendance. Mais cette première incursion dans le monde du travail peut aussi s’avérer très formatrice, tant d’un point de vue professionnel qu’humain. La preuve avec ces cinq histoires que nous ont confiées des lectrices…

Sarah : « Je n’avais pas réalisé que passer par la rivière n’est ABSOLUMENT pas le chemin le plus court »

Nous sommes à l’été 2004, j’ai 18 ans. Il est convenu que ma grande sœur et moi devons aller castrer le maïs ensemble, avec l’une de ses amies. La date est à définir car cela dépend quand le maïs sera assez mature. Un job d’été pas trop contraignant, pas de CV à envoyer, pas d’entretien d’embauche à faire, car avoir 2 bras suffit.

Entre-temps, ma grande sœur a trouvé un autre job et je pars donc seule camper et castrer le maïs, comme une grande. C’est la première fois de toute ma vie que je pars seule, sans sœur, sans parents, et même sans adulte.

Je pars donc avec ma tente, mes provisions, mes fringues pour bosser (donc pas à la pointe de la mode) pendant, il me semble, une quinzaine de jours.

Arrivée sur les lieux, je découvre un vieux corps de ferme en ruine avec une seule pièce à peu près praticable, qui semble avoir été une cuisine. « Murs » de briques nus, un seul point d’eau fonctionnel, douches et WC à l’arrière du bâtiment… Le confort sera spartiate !

Nous sommes 6 ou 7, tous·tes à peu près du même âge, on ne se connaît pas et nous venons d’horizons différents, c’est la première fois qu’on se retrouve à devoir castrer du maïs.

Le quotidien professionnel se déroule toujours de la même façon : on se lève, les propriétaires des champs viennent nous chercher en tracteur et on va sur les lieux du travail (ils sont propriétaires de plusieurs champs dans les environs) et on essaye de bosser avant qu’il ne fasse trop chaud. Le quotidien dans notre campement, c’est plutôt sieste, douche, discussion sans queue ni tête, et de la picole. C’est à cette occasion que je découvre que certaines personnes mélangent coca et vin rouge et trouvent ça très bon, ce sera ma première leçon de vie.

Ce qui m’a le plus marqué durant ces quelques jours qui m’ont paru durer des mois où j’ai dû prendre des années en maturité, c’est surtout les moments où l’on ne travaillait pas. La communauté hétérogène que nous formions avait un équilibre, et même si après tout ce temps, je ne me rappelle pas de tout, je me souviens que nous étions presque devenus une bande de copains. Des copains qui ne s’étaient pas choisis, mais qui avaient réussi à créer une ambiance plutôt sympa. J’ai appris que si j’étais trop fatiguée pour me faire à manger, personne ne le ferait pour moi et que parfois, manger froid et simple c’était vraiment pas mal plutôt que d’attendre que l’eau chauffe sur le réchaud pour les pâtes.  J’ai appris que les feuilles de maïs mouillées tôt le matin étaient tranchantes (et ça, ce n’est jamais dit dans les films où les personnages se perdent dans un champ de maïs)

Le souvenir le plus marquant parmi ceux que j’ai encore aujourd’hui : les mecs qui savaient quel opérateur tu avais avec ton numéro de téléphone et qui se parfument au Scorpion, les sauts dans la rivière qui était au bout du terrain, les rires, la fatigue extrême… Mais surtout cet après-midi où, après notre grosse matinée de travail dans les champs près du village, nous en avons profité pour téléphoner à la cabine téléphonique (oui, il y avait encore des cabines téléphoniques !), pour faire quelques courses (tabac et clopes principalement) et pour se baigner dans la rivière. Chemin faisant dans l’eau, on réalise que c’est certainement la rivière qui passe à l’arrière du terrain où nous dormons et on décide d’un commun accord de profiter de la fraîcheur de l’eau au maximum et de rentrer par la rivière. On se baigne, on nage, on rit et on avance quand même. Mais ce qu’on n’avait pas réalisé à ce moment-là, c’est que passer par la rivière n’est ABSOLUMENT pas le chemin le plus court. 

En fin d’après-midi, nous n’étions plus que 2 jusqu’au boutistes têtues comme des mules à nous entêter de passer par la rivière. Nous avons finalement dû abandonner notre quête quand la nuit est tombée et que nous nous sommes mises à grelotter comme des petits esquimaux. Glacées, puant le marécage, nous sommes passées par un champ de blé fraîchement moissonné, et les tiges nous ont écorché et coupé les jambes. Après avoir marché pendant ce qui me semblait être des heures, complètement paumées au cœur de la nuit, on a fini par apercevoir de la lumière, une maison, et sommes allées sonner, dans toute notre puanteur.

Un homme nous a ouvert et nous a indiqué que nous étions dans le (fucking) champ d’à côté notre campement. Il a gentiment proposé de nous ramener et après 2 minutes de voiture (car bordel, on était presque arrivées), nous l’avons remercié et conseillé de brûler son véhicule à cause de l’odeur ! Cette nuit-là, j’ai eu toute la nuit la sensation que de l’eau coulait le long de mes jambes. Ce job d’été a vraiment été à la fois la pire et la meilleure expérience de ma vie.

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Marion : « À l’hôpital, on s’habitue très vite à côtoyer la mort »

Été 2010, j’ai 20 ans, je viens de terminer ma deuxième année de philo et je m’apprête à entrer à l’hôpital pour 2 mois. J’y ai été « pistonnée » par un membre de ma famille qui y travaille. Enfin… pistonner est un grand mot, car j’intègre les équipes saisonnières de techniciens de propreté. Je suis contente parce que cela va me « confronter au vrai monde », me faire quitter mes livres et me permettre de me faire un peu d’argent pour rejoindre ma meilleure amie en vacances à la fin de l’été.

L’été s’annonce plus compliqué que prévu, car quelques semaines avant ma prise de poste, mes parents se séparent et je me fais larguer par texto par mon amoureux depuis 2 ans. Je vois l’arrivée à l’hôpital comme le meilleur moyen de ne pas ruminer mon malheur. 

Sur place, c’est très simple, on enfile son uniforme : blouse, legging, chaussure blanche, cheveux attachés, pas de bijou. Je suis dans l’équipe de 12 heures : je dois arriver avant 7 heures pour servir les petits déjeuners et partir à 20 heures après avoir récupéré tous les plateaux des dîners. 

Mes missions : service du petit déjeuner, récupération des plateaux et présentation des menus du midi, nettoyage des chambres, faire les « fond » c’est-à-dire la désinfection de toute la chambre lorsqu’un patient part, change de service, ou décède (…), laver les parties communes, apporter les collations aux patients dont le régime le requiert puis le service des plateaux du soir. 

Et évidemment, il y a des imprévus : gérer le stress ou la tristesse des familles, leur deuil, l’attente des patients, leurs souffrances, leur colère. Nous sommes en première ligne et les patients ne regardent pas les liserés de couleurs qui indiquent si oui ou non nous sommes personnels soignants. Pour eux blouse blanche = soin.

Je suis formée pendant 1 semaine par Martine, 25 ans de métier, le dos cassé, mais qui a une force impressionnante. Elle retourne les matelas, désinfecte les recoins et distribue les repas en un temps record, toujours avec le sourire et un petit mot pour chacun. Parfois, elle et les anciennes me semblent dures, elles lèvent les yeux au ciel quand on annonce un décès, parce que cela fait « un fond » de plus. Je réaliserai plus tard que moi aussi j’y viendrais, car on s’habitue très vite à côtoyer la mort. 

Le dernier jour de ma formation, j’entre dans une chambre pour donner son petit déjeuner à un vieux monsieur dont l’état se dégrade vite, je passe souvent pour un prétexte car il a peu de visite, j’insiste un peu pour qu’il mange en lui disant que je compte sur lui pour finir son yaourt et que je vais revenir vérifier sous peu. Une heure passe, quand j’ouvre à nouveau dans la chambre, je dis à Martine : « Je vais mettre mon masque il y a une drôle d’odeur ». J’entre, le Monsieur est allongé, yeux clos, je ne fais pas de bruit pour reprendre son plateau, quand Martine me dit « sors immédiatement », je ne comprends pas et la vois appuyer sur le bouton qui enclenche la lumière verte. Dans le service, je l’ai appris, lumière verte = mort. Je regarde à nouveau le patient et je comprends, je titube jusqu’à la porte de sortie et termine allongée par terre les pieds en l’air avec un morceau de sucre dans la bouche. La confrontation est rude, c’est le premier d’une longue liste.

Le contact avec la maladie apprend à relativiser et à en rire. Il y avait des préparations à des examens en gastro dans le service où j’étais, nous donnions des préparations à boire qui permettent de « vider le côlon » pour l’examen. Un soir, je m’apprête à partir quand une petite mamie vient me chercher paniquée. Son mari n’a pas eu le temps d’aller aux toilettes quand la « potion » a marché. J’arrive dans la chambre, il y en a partout, on a l’impression que ce pauvre Monsieur a explosé. Il est mort de honte, les larmes aux yeux. Je vois que je vais en avoir pour facilement 1 heure avec ma collègue, une heure à éponger de la merde. 

La situation était tellement grotesque que je suis partie dans un fou rire. Je déculpabilisais le patient en lui disant « Mais regardez c’est pas un drame, ça me fait rire », ils ont fini par en rire aussi avec sa femme. 

Le quotidien est rude et permet de nouer de vrais liens. Comme avec ce grand-père atteint d’Alzheimer, qui me parle comme si j’étais sa fille, avec cet ancien imprimeur en soins palliatifs à qui je raconte mes lectures en classe préparatoire et philo ou cette femme qui vient de perdre son mari et qui tombe dans mes bras parce que je suis la première qu’elle croise dans le couloir. 

Dans tout ce quotidien si nouveau pour moi et au rythme effréné, je croise souvent un jeune homme, je le trouve beau, il récupère et ramène les patients à mon étage, nos regards se croisent, nous rougissons, je mène l’enquête pour connaître son prénom, j’apprends qu’il a fait de même. Je le retrouve sur Facebook et je me dis qu’après tout, comme tout fout le camp cet été-là, je n’ai rien à perdre. Je lui écris pour lui dire qu’il me plaît et lui donne rendez-vous le soir même. Le temps de retirer de mon corps cette odeur d’hôpital, nous nous retrouvons sur le bord du fleuve de ma ville. On se parle peu, on s’embrasse tout de suite. On va partager le temps d’un été une amourette, assez adolescente, à se planquer dans des recoins et les escaliers de secours de l’hôpital pour s’embrasser et se retrouver. Assez vite, on finira par prendre des chemins différents. Cette histoire m’a mis du baume au cœur après ma rupture et un peu de douceur dans le quotidien rude de l’hôpital.

Je crois sincèrement que je n’ai pas percuté à l’époque la dureté des situations auxquelles j’ai été confrontée si jeune, aujourd’hui certaines odeurs, certaines images restent gravées dans ma mémoire, tout comme certaines personnes, patients, proches, personnels qui ont marqué mon esprit. 

Je crois que plus que tout, cette expérience m’a motivée plus encore à poursuivre mes études et me donner les moyens, parce que j’en avais l’opportunité et la chance de faire un métier que j’aime. Elle m’a appris aussi à traiter encore plus les gens avec respect, toutes les personnes en première ligne : celles qui font le ménage, celles qui sont aux guichets des institutions, celles qui nous accueillent à l’hôpital, celles qui encaissent nos achats… Toutes ces personnes si peu payées, souvent mises sous pression car en première ligne de machine qui fonctionnent mal et les écrasent, souvent peu considérées, mal traitées par les passants, patients, clients, qui les voient comme des défouloirs des réponses non apportées, des délais d’attente. C’est idiot mais depuis, j’ai toujours eu un souci de considérer, regarder, parler à ces personnes qu’on peut invisibiliser et malmener par négligeance.

A lire aussi : Comment trouver un job d’été (même si on n’a aucune expérience) ?

Vic : « J’ai été confrontée de plein fouet au manque de respect des touristes » 

Plus jeune, j’ai bossé un été dans un restaurant situé sur un site touristique. Pour passer le temps, on avait inventé des jeux avec plusieurs collègues : dire bonjour le plus de fois possible aux clients impolis avant qu’ils ne craquent et disent bonjour en retour avant leur commande, placer des mots incongrus dans les phrases (du style « Et avec votre café je vous mets un stérilet ? »)… Lors d’une soirée médiévale organisée par le site, je me suis pris les pieds dans la robe que je portais et j’ai fait un beau vol plané dans la salle avec toutes les boissons ! 

En beaucoup moins amusant, j’ai été confrontée au manque de respect des touristes pour les personnes qui bossent dans ces lieux. Par exemple, à la pause de midi, on mangeait souvent sur le pouce sur un coin de terrasse, et régulièrement, des clients faisaient des réflexions du style : « Les employés ne devraient pas avoir le droit de prendre des places aux clients sur la terrasse ». Une collègue s’est fait insulter copieusement quand elle a informé un touriste que le pain en supplément était payant. Cela a été si violent qu’on a dû appeler le directeur qui gérait l’enseigne. Certains clients refusaient de partir le soir alors que nous devions commencer à ranger la terrasse à 19 heures… Et évidemment, toutes les filles ont subi des remarques graveleuses : « C’est dommage que vous soyez habillée sous votre tablier », « Et si je paie un supplément, j’ai le droit de prendre la serveuse ? »… 

Je retiens aussi les impolitesses récurrentes : les gens qui ne débarrassent rien, laissent les tables dégoûtantes (on a même retrouvé des couches pleines alors qu’il y avait une poubelle à 5 mètres), ne disent ni bonjour ni merci ni au revoir, jettent les mégots par terre en vous regardant dans les yeux quand vous êtes en train de faire la tournée pour les ramasser… 

Emma : « J’ai été obligée de couper mon tie and dye fraîchement réalisé »

Été 2012. Je viens de quitter le nid familial, pour aller habiter à littéralement 200 mètres de chez mes parents. « Si c’est pour rester aussi près, tu te débrouilles pour payer ton loyer », m’avaient dit mes parents. Fair enough. C’est ainsi que je me retrouve à passer des entretiens pour une marque de mode « surf style » américaine connue pour avoir longtemps demandé à des modèles à moitié à poil d’accueillir les client·es dans leurs entrées, qui vient d’ouvrir un flagship à Lyon. À l’époque, la plupart de mes ami·es rêvaient de bosser pour ce nouveau magasin, qui recrutait à tour de bras dans une zone commerciale toute neuve dans le centre-ville de Lyon. S’il fallait avoir un job d’été, c’était bien celui-là.

Je débarque donc par une douce matinée de juin à mon entretien, organisé dans une ancienne boîte de nuit lyonnaise (ça commence bien). Pensant me retrouver face à un responsable des ressources humaines, je débarque en fait dans une pièce remplie d’une vingtaine de jeunes hommes et femmes de mon âge, assis en arc de cercle face à plusieurs membres de l’équipe de la boutique. En fait, l’entretien se révèle être un casting. On nous demande de nous mettre debout, de nous présenter, on nous pose des questions auxquelles on doit répondre devant les autres personnes présentes. Full gênance. Mais, pourquoi pas. Je ressors de là après moins de 30 minutes, un peu perplexe.

Quelques heures plus tard, l’un des managers présents à l’entretien me rappelle pour m’annoncer la bonne nouvelle : je suis embauchée. Mais je ne sais pas encore à quel poste. Quelques jours plus tard, j’ai rendez-vous à la boutique, encore fermée (l’ouverture officielle n’était que quelques semaines plus tard), pour un essayage (l’une des règles était d’être habillé·es de vêtements de la marque pour travailler).

C’est à ce moment-là que je rencontre la directrice de la boutique. Une Américaine spécialement expédiée des États-Unis pour s’assurer que l’ouverture de la boutique se passe bien. Elle est blonde, sportive, dents parfaitement blanches, et semble avoir les yeux partout pour s’assurer que ses équipes correspondent bien à l’image de la marque, à savoir, de jeunes gens beaux, blancs et habillés très court. Elle me demande ma taille de vêtements, je lui réponds souriante : « Je fais du 36 en bas, et du S en haut ». Mais quand elle me tend un pantalon en 34 et un haut en XXS, je ne comprends pas, me tourne vers elle, incrédule : « Euh, ça va pas m’aller ». « Si, ça t’ira », me répond-elle, un sourire assez flippant sur les lèvres. À voir les autres filles présentes lors de l’essayage, je comprends que je ne suis pas la seule. Et je comprends surtout que l’objectif est que tout ce que nous portions soit très moulant ou très court. Je ne dis rien. Elle me fait peur. Elle a d’ailleurs déjà l’air à bout et je n’ai pas envie de la contrarier davantage, tenant aussi à garder ma place (je n’avais pas encore signé mon contrat à ce moment-là). Je repars, après un petit passage en caisse et une réduction de 50 % – car oui, il fallait les payer, ces vêtements qui ne m’allaient pas et que j’allais être obligée de porter.

C’est le jour de l’ouverture. Je suis tout de même assez excitée car je retrouve certaines de mes amies qui ont également été embauchées, nous nous en faisons de nouvelles. Un léger air de colonie de vacances plane, je suis allée chez le coiffeur la veille et suis ressortie avec un « tie and dye » dont je rêvais depuis longtemps (oui bon, les tendances de l’époque…). J’ai dû débourser un joli petit billet de 100 € pour que les choses soient bien faites, et avoir un rendu le plus « surfeuse » possible, qui à mon sens collera parfaitement avec ce nouveau job. L’espace d’un instant, j’ai l’impression d’habiter la côte ouest des États-Unis (alors que non, j’habite dans le 7e arrondissement à Lyon).

Nous faisons la queue, parmi les client·es affolé·es, attendant que le magasin ouvre pour découvrir notre futur lieu de travail, fier·es de faire partie de cette aventure californienne. Ma directrice passe devant nous et s’arrête à mon niveau, inspectant avec un demi-sourire sur les lèvres ma nouvelle coupe de cheveux. Je suppose que ça lui a plu, ça me donne encore plus confiance en moi et en ce nouveau style. Les portes ouvrent, le parfum iconique de la maison effleure nos narines, la musique nous casse les oreilles et nous ne parvenons que très mal à voir les vêtements (toutes ces pratiques ont été depuis, interdites). Après un court instant, ma directrice repasse à mon niveau et m’entraîne dans l’arrière-boutique. Toujours avec ce demi-sourire aux lèvres, qui me paraît cette fois être de la crispation, elle me tire le bras et s’arrête au niveau d’un panneau d’affichage sur lequel des profils de femmes et d’hommes en noir et blancs sont dessinés. « Est-ce que tu vois ta coupe de cheveux là-dessus ? », me demande-t-elle. Je scrute. Oui, effectivement, je remarque un profil de femme aux cheveux longs et détachés. Je lui indique du doigt. Elle me rétorque : « Est-ce que tu vois ta couleur ? ». « Euh, non, mais…C’est imprimé en noire et blanc ». Je commence à comprendre que ma nouvelle lubie capillaire n’est pas sa tasse de thé. « Tu ne peux pas venir travailler comme ça demain, c’est interdit ». J’essaye de lui expliquer mon incompréhension, et le fait que j’ai payé 100 € pour arriver à ce résultat que je trouve très canon, c’est elle qui n’a pas le choix, je ne peux pas retourner chez le coiffeur et tout annuler. Déployant cette fois-ci un large sourire, mais accompagné d’un regard noir, assez flippant, elle me dit : « Je te file 10 euros et tu vas chez Monoprix acheter une colloration ou je déchire ton contrat ». Ok, visiblement, la négociation n’est pas possible.

Coincée, j’ai finalement décidé de ne pas recouvrir mon tie and dye mais… de tout couper. Quelques mois plus tard, après avoir rencontré certain·es de mes meilleur·es ami·es actuel·les lors de cette expérience, j’ai changé de job. J’ai appris par la suite que l’entreprise avait fait l’objet de plusieurs plaintes pour non-respect du droit du travail français. Ma directrice, elle, a fait un burn-out et est retournée aux États-Unis où je crois qu’elle a complètement changé de vie.

Justine : « Un filet-O-fish et un crachat, s’il vous plaît »

C’était l’été de mon bac. J’étais heureuse et soulagée de l’avoir eu. J’étais inscrite en fac de droit, et les quelques mois qui me séparaient de la rentrée paraissaient être un espace-temps infini où tout était possible. Je n’avais rien prévu, n’étant pas certaine d’éviter les rattrapages. Ma rentrée universitaire n’étant qu’en octobre, j’ai décidé de partir une semaine à Barcelone au mois de septembre, et entre-temps de travailler. C’était mon premier vrai job, et comme beaucoup de jeunes, j’ai postulé sans trop réfléchir dans une célèbre enseigne de fast-food : le McDo de mon quartier. J’y ai travaillé 3 mois en tout. Une expérience formatrice, lors de laquelle je n’ai pas mangé très sainement certes, mais qui m’a permis de rencontrer des personnes formidables et de beaucoup rire. La seule chose étant que ce McDo là était celui qui avait (et a toujours) la plus mauvaise réputation de ma ville. Il se situe dans un quartier assez peu safe du centre-ville, avec beaucoup de vols, trafics (de tout). Un quartier si peu safe que mon père venait me chercher après chaque « closing » en vélo, à 1h30 du matin, les soirs où nous ne sortions pas. Comme n’importe quelle femme, ma première crainte était celle d’une agression, surtout à ces heures-là de la nuit. Pourtant, l’agression n’est pas venue de là où je l’attendais. 

C’était un dimanche soir, et comme chaque dimanche soir, il y avait beaucoup de monde. J’étais assignée au comptoir des ventes à emporter. Les commandes défilent, mes gestes se répètent et remplissent des sacs de frites, coca, glaces et burgers divers… Au bout de quelques minutes, un monsieur que j’avais déjà servi revient. Je l’avais aperçu, passant sa commande, il avait l’air à bout, m’avait presque fait de la peine. Habillé en costume, plutôt propre sur lui, il me semblait venir de terminer une longue journée de travail (un dimanche, sérieux ?). Il se révèle en fait totalement furax. Hurlant sur moi sans aucune forme d’introduction, il m’accuse de m’être trompée et d’avoir mis le mauvais sandwich dans son sac.

Je vérifie, son ticket, son sac. Tout est correct, menu filet-O-fish, frites, coca, sauces, serviettes, j’ai même pensé à la paille, tout est là. « Désolée monsieur, mais votre commande est complète. » Il hurle et je ne comprends rien, j’appelle mon manager. Qui confirme. Nous tentons de le calmer tandis qu’il commence à devenir insultant. Pour finalement comprendre ce qui le met tant en colère : « Vous pensiez avoir commandé un menu big mac, mais vous avez un filet-O-fish ? ». « Non, j’ai commandé un big mac, j’en suis sûr, et vous m’avez mis le mauvais burger. » Sûr de lui, nous lui expliquons pourtant que son ticket dit l’inverse, et que c’est donc lui, qui s’est trompé. Nous allons à la machine ensemble, et réalisons qu’il a appuyé sur le bouton « burger » dont l’icône est en effet un big mac, mais ou il était bien écrit « menu filet-O-fish ». Nous pensons le dérider, mais réaliser qu’il s’est trompé le met encore plus en colère, il jette finalement sa commande par terre et…nous crache dessus, avant de s’en aller en proférant des insultes.

Ceux et celles qui ont déjà travaillé dans un fast-food le savent : un job comme celui-ci voit passer de nombreuses personnes. Des polies, des mal polies, des sympas, des exécrables… On pense souvent savoir d’où va venir l’insulte ou l’agression, et parfois pas. Alors, s’il vous plaît, cet été, n’oubliez pas qu’il y a des humains derrière vos commandes !

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