Tu t’en es peut-être rendu·e compte : le Festival de Cannes 2018, c’est fini.
Et Cannes, ce ne sont pas que des robes grandioses, des seins au vent, des fashion faux-pas et des messages politiques !
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C’est avant tout une compétition à la résonance mondiale, qui permet de faire émerger de nouveaux talents, et d’en récompenser d’autres déjà bien assis.
Chaque année, une Palme d’Or est remise au film « le plus méritant » par le jury officiel du festival. Et cette année, c’est donc Une affaire de famille de Kore-Eda Hirokazu, qui remporte la Palme d’Or du 71ème festival de Cannes !
Parfois critiqués, les choix de ces juges d’un temps sont décisifs pour l’avenir d’une œuvre et des personnes l’ayant créée.
Recevoir une Palme d’Or est une consécration, une belle récompense qui marque un tournant dans la carrière des équipes de films.
En gros, avoir une Palme… ça fait bien sur le CV.
Je suis toujours la compétition de très près, et fonce en salle voir les gagnants dès leurs sorties en salles.
Ainsi, certains ont marqué ma vie. J’avais envie de leur dédié un petit bout de papier aujourd’hui dans un « classique de la semaine » un peu spécial !
The Square, la Palme au carré
Créé par le réalisateur suédois Ruben Östlund, déjà derrière le prodigieux Snow Therapy, The Square est un OVNI.
Avant de le découvrir en salle, je n’en avais vu que l’affiche. Impressionnante, elle donnait le ton : The Square allait me secouer.
2h25 après le début du film, je suis ressortie abasourdie. J’avais assisté à quelque chose de différent.
À la surprise générale, ce film suédois au casting bien américain est reparti en 2017 avec la Palme d’or. Ce qui ne lui a pourtant assuré qu’un succès timide en salles…
- The Square, de quoi ça parle ?
Christian est un père divorcé qui aime passer son temps avec ses deux bambins. Conservateur d’un musée d’art contemporain, il prépare une nouvelle exposition : The Square.
Cette installation vise à rappeler aux visiteurs qu’ils doivent veiller sur leur prochain. L’altruisme, c’est ce que le héros promeut, mais pas toujours ce qu’il applique.
- The Square, un titre inspiré
Le réalisateur a révélé quelles intentions se cachent derrière son titre :
« Le titre du film, The Square, tient son nom d’un projet artistique que nous avons exposé au Vandalorum Museum, dans le sud de la Suède.
Cette exposition qui illustre l’idéal de consensus censé gouverner la société dans son ensemble, pour le bien de tous, est devenue une installation permanente sur la place centrale de la ville de Värnamo. »
Il ajoute :
« Si l’on se trouve à l’emplacement du Carré, il est de son devoir d’agir – et de réagir – si quiconque a besoin d’aide. Ce qui est nouveau, c’est seulement la manière que nous avons choisie d’évoquer ces valeurs.
Le carré est un espace aux valeurs altruistes, fondé selon l’éthique de réciprocité commune à presque toutes les religions (la « règle d’or » : ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse). »
Un titre lourd de sens donc, pour le cinéaste ambitieux et exigeant.
Winter Sleep, le calme des hauteurs et les tempêtes humaines
En 2014 sortait Winter Sleep, dont la bande-annonce suffisait déjà à me mettre les poils.
Craignant d’être déçue, je me suis glissée dans une salle de cinéma dès la sortie du film. Délice : j’avais tort d’être inquiète !
- Winter Sleep, de quoi ça parle ?
Peu bavard, très contemplatif, Winter Sleep propose un voyage en Anatolie, aux confins de la Turquie asiatique.
Là-bas, peu de gens, et une nature parfois hostile qui contraint les humain·es à se réfugier chez eux lors des hivers très froids.
Aydin, comédien à la retraite est l’époux de la très belle Nihal. Amoureux, ils ne le sont plus vraiment…
Ensemble, ils tiennent un petit hôtel qui leur sert de refuge, à mesure que les neiges recouvrent la steppe, par couches épaisses et menaçantes.
Enfermé avec la soeur d’Aydin, le couple se déchire…
- Winter Sleep, énorme coup de cœur
Winter Sleep figure aisément dans mon top 10 des plus beaux films de la décennie.
D’abord pour ses dialogues, tellement honnêtes qu’ils semblent improvisés, ensuite pour la puissance de son récit. Le drame humain qui bouscule les deux anciens amants est celui de tous les couples.
Que fait-on quand le temps passe, et que l’amour s’émousse ? Peut-on faire machine arrière ? Peut-on vivre avec quelqu’un envers qui on n’a plus que de la rancœur ? Comment vit-on reclus, là où il n’y a rien pour tromper l’ennui, et la colère ?
La tragédie d’Aydin et de Nihal est celle qui se cache derrière beaucoup de portes. Mais dans les paysages grandioses de cette Turquie lointaine, tout prend des airs de contes, de fables pour adultes ayant perdu leurs illusions.
C’est très beau, et très humain.
- Winter Sleep, entièrement façonné par son créateur
Nuri Bilge Ceylan ne s’est pas contenté de réaliser Winter Sleep. Il l’a scénarisé, coproduit et monté.
Une habitude pour le cinéaste qui avait également enfilé plusieurs casquettes pour ses précédents films : Il était une fois en Anatolie, Les Trois singes, et Les Climats !
- Le réalisateur de Winter Sleep, un habitué de Cannes
Nuri Bilge Ceylan a remporté la Palme d’Or 2014, mais ça n’était pas la première fois qu’il foulait la Croisette de son pas élégant.
En 2009 déjà, il faisait partie du jury pour la simple et bonne raison qu’il s’était déjà vu décerner 3 prix lors du festival en 2003, 2008 et 2011.
C’est même à Cannes qu’il s’était fait connaître en présentant Koza, un court-métrage brillant qui a lancé sa carrière.
En gros, le mec a pris un abonnement.
Oncle Boonmee, des errances expérimentales
Apichatpong Weerasethakul ose tout le temps. Il repousse les frontières du récit.
Les mauvaises langues diront qu’il repousse surtout les frontières de l’ennui. Je leur donne tort, même si ce cinéma peut être très lent !
Oncle Boonmee l’est particulièrement, mais c’est pour mieux exprimer la sagesse du héros, et l’étendue de sa patience.
- Oncle Boonmee, de quoi ça parle ?
Oncle Boonmee, c’est l’histoire d’un homme qui souffre d’insuffisance rénale. Sa belle-soeur lui rend visite dans la ferme familiale, car elle le sait : il ne lui reste plus longtemps à vivre.
Jen découvre le dur labeur de l’homme, rythmée par les récoltes de miel et le soin porté aux abeilles.
Un soir, sous la véranda, la défunte épouse de Boonmee apparaît. Suit le fils disparu de Boonmee, transformé en singe, puis un primate fantôme.
Cette fable fantastique peut paraitre un peu sévère, parfois. Un peu difficile d’accès peut-être. Mais elle s’inscrit dans la liste des films précieux, qui méritent une longue vie sous le soleil chaud de ton coeur.
- Oncle Boonmee, un hommage du réalisateur au cinéma de son enfance
Le réalisateur confie :
« Il se trouve que j’ai grandi avec un type de cinéma qui, comme le personnage de Boonmee, est en train de s’éteindre.
Oncle Boonmee est un hommage à là d’où je viens, et à un certain type de cinéma avec lequel j’ai grandi. Plus personne en Thaïlande ne fait désormais ce genre de cinéma, « à l’ancienne ».
Je voulais donc conserver un équilibre entre l’abstraction de la mort et une forme de simplicité et de naïveté, une approche enfantine du cinéma. »
Sans comprendre tout ce qu’il entend par « un cinéma avec lequel j’ai grandi » car je ne connais que très peu le cinéma thaïlandais des années 70/80, je pense que le réalisateur exprime l’envie de retranscrire une certaine nostalgie, dans son œuvre.
Une candeur aussi, peut-être…
Et ça se ressent à l’écran.
- Apichatpong Weerasethakul puise son inspiration dans les contes
Merveilleux, Oncle Boonmee l’est en tout point, et au sens littéral du terme. En effet, son créateur est allé puiser dans les contes du nord-est et dans de vieux comic books pour nourrir son récit et donner de la profondeur à ses personnages.
Le réalisateur y parle notamment de réincarnation et explique :
« Il faut également considérer la figure de l’humain hybride, engendré par un animal, et qui ne peut revenir dans un monde normal.
Cela ne vient pas d’un film spécifique, mais je vous autorise à penser à La Belle et la bête de Jean Cocteau, si vous le souhaitez ».
Bon tout ça, c’est très cinéphilie et compagnie, mais peu importe, ce qu’il faut retenir, c’est la puissance symbolique et inspirante d‘Oncle Boonmee !
Voilà mon gros esturgeon, sur ce je te souhaite le meilleur des dimanches à réviser tes classiques cannois.
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